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Le Liberia sort de plus d'un an de cauchemar

Malades refoulés de centres de traitement saturés, cadavres incinérés par dizaines, soignants décimés, régions entières en quarantaine, le Liberia martyrisé par Ebola est sur le point d'être officiellement débarrassé de l'épidémie qui y a fait près de 5.000 morts.

Des combattants d'Ebola passent marchent au milieu des tombes après avoir brûlé les corps de personnes suspectées d'être mortes de la fièvre hémorragique à Monrovia. Ph : AFP

08 Mai 2015 À 06:55

Le Liberia s'acheminait vers l'objectif tant désiré de «zéro cas» quand le virus assassin lui a infligé une ultime avanie, la première contamination enregistrée en presque un mois, le 20 mars.

Il s'agissait d'une femme de 44 ans, Ruth Tugbah, probablement contaminée lors d'un rapport sexuel avec son compagnon, survivant d'Ebola, le virus pouvant subsister dans le sperme bien au-delà de la période d'incubation de 21 jours, parfois jusqu'à près de six mois.

Le 9 mai marquera l'expiration des deux fois 21 jours après son enterrement le 28 mars, mais surtout l'épilogue de plus d'une année de souffrances et de sacrifices inhumains.

Au paroxysme de l'épidémie, les journalistes de l'AFP ont vu des scènes apocalyptiques dans ce pays «menacé dans son existence même», selon les mots du ministre de la Défense, Brownie Samukai, devant le Conseil de sécurité de l'Onu, par une maladie qui «se propage comme un feu de forêt, dévorant tout sur son passage».

Ainsi, en septembre, dans l'hôpital Redemption, en banlieue de Monrovia, une femme allongée par terre, faute de lits, clignait des yeux, hébétée, à la vue des agents de la Croix-Rouge glissant 15 cadavres dans des sacs mortuaires, contemplant le sort qui la guettait.

Le même jour, à Banjor, près de la capitale, cette équipe de la Croix-Rouge, en combinaison de protection biologique, tançait les habitants qui lui avaient signalé, outre les morts aussitôt ramassés, une vieille femme, retrouvée encore vivante dans sa maison.

«Avant de nous appeler, assurez-vous que la personne est décédée. D'autres que nous s'occupent des malades», expliquait le chef d'équipe, Kiyea Friday. «Oui, Monsieur. Nous vous rappellerons quand ils seront morts», lui répondait avec déférence le chef de quartier, John Yarngroble.

«Changement de mode de vie»

Des tragédies plus cruelles encore se sont déroulées, comme en août, à Ballajah, près de la frontière avec la Sierra Leone.

Emmurées dans leur maison par les services sanitaires, selon le chef du village, Fatu Sherrif, 12 ans, et sa mère, malades d'Ebola qui venait d'emporter le père de famille, ont pleuré et appelé à l'aide jusqu'à ce que leurs voix s'éteignent, celle de la mère d'abord, puis de la fille, entendue par un journaliste de l'AFP.

Terrorisés par cette maladie jusqu'alors inconnue en Afrique de l'Ouest, les habitants n'ont pas osé approcher pour leur apporter de l'eau et de la nourriture.

Ouvert en août avec 120 lits, le centre de traitement d'Ebola de Médecins sans Frontières (MSF) à Monrovia a dû plus que doubler sa capacité, pour devenir le grand plus jamais construit, au plus fort de l'épidémie, quand il en était réduit à renvoyer des patients, faute de place.

En octobre, la situation était tellement critique que les autorités sanitaires avaient édicté une consigne unique pour tous les corps, quelle que soit la cause de la mort : «Brûlez-lez tous», les cadavres étant un des principaux vecteurs de propagation.

Peu auparavant, face aux nombreuses critiques, notamment de MSF, contre l'inertie de la communauté internationale, le président Barack Obama avait ordonné le plus important déploiement américain dans la région, y envoyant 2.800 militaires, pour l'essentiel au Liberia.

Bien qu'arrivée tardivement, après le pic de l'épidémie, cette aide a eu un puissant effet psychologique, «changeant complètement le moral des gens et du gouvernement» , a affirmé cette semaine à Dakar le Dr David Nabarro, coordinateur de l'Onu pour la lutte contre Ebola.

«Pratiquement tout le pays, en l'espace de quelques semaines début octobre, a adopté un autre mode de vie, réduisant les risques de contamination», a-t-il indiqué.

Ces renforts ont en revanche peu agi directement sur les malades d'Ebola, puisque très peu ont été soignés dans les centres construits par l'armée américaine.

Davantage - 190 - l'ont été dans les établissements financés par l'Agence américaine pour le développement international (Usaid), qui a surtout largement contribué au travail des équipes de funérailles «sécurisées», a précisé à l'AFP un responsable de l'Usaid.

Cette épidémie d'Ebola, la plus grave depuis l'identification du virus en Afrique centrale en 1976, partie en décembre 2013 du sud de la Guinée avant de se propager au Liberia et à la Sierra Leone voisins, a fait plus de 4.700 morts pour quelque 10.500 cas au Liberia, selon l'Organisation mondiale de la Santé.  

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