12 Novembre 2020 À 13:29
La valeur boursière des jeunes pousses de la pharmacie, les biotechs, a parfois explosé cette année sous l'effet des progrès dans la recherche d'un vaccin contre le Covid-19, à l'image de l'une d'entre elles, BioNTech, qui vient d'annoncer une avancée majeure avec Pfizer.
Cotée à Wall Street, cette entreprise allemande de 1.500 employés, fondée il y a seulement 12 ans, a vu le cours de son action augmenter de 225% depuis le début de l'année. Elle pèse aujourd'hui 26 milliards de dollars et a fait entrer ses deux fondateurs dans le club des cent Allemands les plus riches.
Autour d'elle, plusieurs "petits" labos se sont aussi envolés, parfois avant même d'avoir annoncé des résultats majeurs. L'allemand CureVac a bondi de près de 300% cette année, l'américain Novavax de 2.040% et Moderna de 326%, pesant plus de 30 milliards de dollars.
L'appétit des investisseurs s'est aussi reflété dans les entrées en Bourse. Mecque pour les biotechs, Wall Street et la bourse du Nasdaq ont vu arriver 65 nouvelles entreprises qui ont levé 16,2 milliards de dollars, de loin les plus grosses sommes de l'histoire, d'après la société de données financières américaine Dealogic.
Très avancée dans la recherche d'un vaccin, Moderna utilise une technologie similaire à celle de BioNTech et Pfizer, et les premiers retour de sa phase d'essais à grande échelle, la phase 3, sont attendus sous peu.
"Ils gagneront beaucoup d'argent" en cas de retours positifs, souligne Daniel Mahony, gérant de fonds dans l'industrie pharmaceutique pour la société Polar Capital à Londres.
Le spécialiste insiste surtout sur le fait que, comme pour BioNTech, la commercialisation d'un vaccin efficace en moins d'un an pour serait "phénoménale" pour cette entreprise qui n'en jamais mis sur le marché et dont la technologie n'avait pas encore fait ses preuves.
C'est souvent le paradoxe de ces entreprises: prises d'assaut par des investisseurs appâtés par les promesses technologiques alors que qu'elles n'ont parfois aucun produit à proposer.
Il reflète la très forte volatilité d'un secteur qui peut voir du jour au lendemain des étoiles montantes entrer en disgrâce.
C'est le cas de l'américaine Inovio, candidate prometteuse à un vaccin, dont la valeur de l'action a été multipliée par dix à l'été, et qui a ensuite plongé alors que son projet accuse des retards avec les autorités réglementaires.
Ces valeurs ont aussi profité des milliards de dollars de subventions d'Etats et de fondations, ainsi que de pré-commandes massives, à l'image du contrat approuvé mercredi par la Commission européenne pour acheter jusqu'à 300 millions de doses du vaccin Pfizer/BioNTech.
Cette politique permet aux entreprises de mettre en place le processus industriel de fabrication du vaccin en même temps qu'elles travaillent à son élaboration.
Moderna devra cependant, à l'instar des biotechs développant seules un vaccin, "se familiariser avec une production à grande échelle pour un produit très complexe", tempère Adam Barker, analyste pour Shore Capital.
Un écueil qu'a anticipé BioNTech en s'alliant en mars à Pfizer, un ogre de presque 100.000 salariés.
"C'est un scénario classique où des personnes brillantes ayant développé une technologie s'allient avec des mastodontes prêts à la mettre au point, qui savent comment la distribuer à grande échelle", détaille Daniel Mahony.
Les biotechs ont par ailleurs profité de l'engouement des petits investisseurs qui ont massivement lancé les paris sur le ou les futurs vainqueurs, explique à l'AFP Quincy Krosby, responsable de la stratégie des marchés pour Prudential Financial aux Etats-Unis.
Déjà bien installés, les "gros" ont bien moins profité. Pfizer est resté quasiment stable sur l'année malgré une envolée ces derniers jours.
La différence avec les biotechs est symptomatique d'une tendance: ils pèsent bien plus lourd, 211 milliards de dollars pour Pfizer, et certains, à l'image d'AstraZeneca et Johnson & Johnson, ont annoncé qu'un potentiel vaccin serait distribué à prix coûtant pendant la pandémie.
Surtout, les promesses d'innovations des biotechs encouragent encore les investisseurs.
"On commence à comprendre la base génétique de certaines maladies et les nouvelles manières de les soigner avec de nouveaux types de technologies", observe Daniel Mahony. "Ce qui se déroule actuellement dans ces labos rend très optimiste" pour "les dix ou vingt prochaines années".