16 Mai 2020 À 17:02
La prudence est de mise avant la sortie du confinement prévue le 20 mai. L'enjeu est de taille, car il s'agit de définir une stratégie d'ensemble pour relancer les activités socioéconomiques dans le pays, tout en évitant une deuxième vague de contamination au coronavirus. Dans le cadre de cette réflexion, le Haut-Commissariat au Plan (HCP) présente, dans son étude “Pandémie covid-19 dans le contexte national: Situation et scénarios”, plusieurs scénarios de déconfinement, dont voici les grandes lignes :
– Scénario de référence d’évolution naturelle:
Ce scénario est un cas d’école qui suppose une évolution naturelle de la pandémie sans aucune barrière s’étendant ainsi à la majorité de la population jusqu’à ce qu’une immunité collective éventuelle soit acquise. Ce scénario théorique permet en fait de mesurer les acquis des autres scénarios.
Il aboutirait à un pic de l’épidémie qui est atteint tôt avec un nombre très élevé de cas infectés induisant une forte pression sur le système sanitaire et un taux de létalité élevé. Ce scénario se traduirait à terme par une contamination d’environ 80% de la population.
– Scénario tendanciel:
Ce scénario prolonge la situation actuelle toutes choses étant égales par ailleurs, c’est-à-dire toutes mesures déjà prises étant maintenues. Le nombre de reproduction R0 pour ce cas de figure et ses paramètres sont estimés à partir des données réelles observées et sont présentés ci-contre. Le R0 étant de 0,76 (< 1), ceci signifie que la pandémie décroit et tend vers la disparition.
La simulation de la poursuite du confinement grâce au modèle mathématique utilisé aurait abouti aux impacts suivants :
• Un nombre total d’infectés cumulés à 7.800 cas vers le début de juillet
• Un nombre d’infectés cumulé actifs aux alentours de 3.200 cas et une tendance dégressive vers un chiffre faible à fin juillet.
Par ailleurs, du point de vue épidémiologique, tant qu’il n’y a pas un vaccin ou une immunité communautaire acquise, le SARS-COV2 continuera à se propager avec un risque de rebond. Dès lors, il est nécessaire d’envisager des scénarios de déconfinement à impact économique et social positif mais tout en contrôlant d’une part les risques de transmission et d’autre part la pression sur système de santé national.
– Scénario de déconfinement “généralisé”:
Ce scénario envisage le déconfinement de l’ensemble de la population âgée de moins de 65 ans, non atteinte de maladie chronique (27,5 millions). Ce scénario déclenché suppose un nombre 2.000 cas infectés actifs au moment du déconfinement.
Une fois cette population déconfinée, le nombre de contacts par jour augmente d’une amplitude estimée via le modèle mis en place de +64%, ce qui situerait le R0 à 1,248 en supposant le maintien des mesures d’autoprotection.
Une simulation sur cette base aboutirait à l’infection de 8% de la population en 100 jours. Le système sanitaire serait submergé en 62 jours avec seulement un taux d’hospitalisation de 10% des cas actifs.
Une variante de ce scénario sans application des mesures d’autoprotection aboutirait après 100 jours, à un nombre d’infectés cumulés qui approcherait les 50% de la population. Le système sanitaire serait submergé en 28 jours avec seulement un taux d’hospitalisation de 10% des cas actifs. Ce cas de figure est de même nature que le scenario “évolution naturelle”.
– Scénario de déconfinement “large”:
Ce scénario de déconfinement de la population active occupée âgée de moins de 65 ans et de la population âgée de moins de 15 ans, non atteinte de maladie chronique (16,7 millions) a pour objectif d’ouvrir l’économie avec en même temps un retour progressif des activités sociales. Il suppose également un nombre de 2.000 cas infectés actifs au moment du déconfinement.
Ce déconfinement augmenterait le nombre de contacts par jour des sujets infectés de 24% et par conséquent accroitrait le nombre d’infections portant le R0 à 0,94 dans le cas du maintien des mesures d’autoprotection.
La simulation donnerait dans cette situation 31.663 cas confirmés positifs en 100 jours avec un pic de 3.200 cas infectés actifs. Ce qui se traduirait par un besoin maximal de 3.200 lits d’hospitalisation (100% d’hospitalisation), de 160 lits de réanimation (5% des infectés actifs) et aboutirait à 1.266 décès (4% des infectés cumulés).
Une variante de ce scénario sans application des mesures d’autoprotection aboutirait après 100 jours, à un nombre d’infectés cumulés qui monterait à plus de 844.000 cas. Avec ces chiffres, la capacité nationale de réanimation serait submergée en 50 jours. En 100 jours, le système sanitaire ne pourrait accepter en hospitalisation que 7% des infectés actifs.
– Scénario de déconfinement “restreint”:
Ce scénario suppose le déconfinement de la population engagée dans l’économie représentée ici par la population active occupée âgée de moins de 65 ans non atteinte de maladie chronique (7,9 millions). Il a pour objectif d’ouvrir l’économie sans compromettre la population qui présente un risque élevé de développer des complications vis-à-vis de cette maladie.
Ce scénario prévoit 2.000 cas infectés actifs au moment du déconfinement. Dans ce cas de figure le nombre de contacts par jour des sujets infectés augmenterait de 13% avec un R0 de 0,864 et par conséquent accroitrait le nombre d’infections.
Ce scenario aboutirait à un niveau de 18.720 cas confirmés positifs cumulés en 100 jours avec un pic de 3.200 cas infectés actifs. Ce qui engendrerait un besoin maximal de 3.200 lits d’hospitalisation (100% d’hospitalisation des infectés actifs), et de 160 lits de réanimation (5% des infectés actifs) et arriverait à 748 décès (4% des infectés cumulés).
Une variante de ce scenario sans application des mesures d’autoprotection donnerait après 100 jours, un nombre d’infectés cumulés qui monterait à plus de 155.920 cas.
Dans ce cas de figure, en se basant sur la capacité nationale en terme de lits d’hôpital et de réanimation, il est ainsi estimé que la stratégie nationale d’hospitaliser 100% des cas infectés actifs atteindrait ses limites en 75 jours.
Il est important d'observer "l'élaboration des scénarios sur les évolutions possibles de la situation pandémique dans notre pays et ses conclusions comme de simples indicateurs de tendances, utiles pour alerter l’opinion publiques, provoquer les chercheurs et éventuellement éclairer les centres de décision, sans prétention ni à une compétence exclusive ni à une exhaustivité thématique ni à une légitimité institutionnelle particulière", comme le souligne le Haut-commissaire au Plan, Ahmed Lahlimi Alami, dans le préambule de cette étude.
L’objectif assigné à cet exercice est ainsi, avant tout, de doter le HCP d’une base expérimentale de savoir sur un thème nouveau qu’il devrait capitaliser ultérieurement pour une meilleure connaissance du contexte national de la pandémie, lorsque les conditions de sortie du confinement auront été décidées par les autorités compétentes et qu’une information plus complète, plus désagrégée et, espérons-le régionalisée, serait plus disponible, note le responsable.