07 Avril 2020 À 18:37
Dès l’entrée en vigueur ce mardi du port obligatoire des masques de protection, les habitants de la ville de Kénitra se sont rués sur les pharmacies et autres points de vente avec la conviction, ou du moins l’espoir, d’y trouver l’objet de leur quête, mais en vain. A la place, ils ont eu droit à des gestes de négation, des sourires navrés ou même des pancartes affichant : les masques ne sont pas disponibles. Ceux qui daignent s’expliquer disent que la «marchandise» n’a pas encore été livrée. Vraiment ! Pourtant, la ville ne se trouve pas si loin des points de production !
«J’ai fait le tour des pharmacies, mais aucune trace des masques !», s’indigne l’un des nombreux citoyens que nous avons croisé ce matin devant une pharmacie. «Les bavettes ne sont pas encore arrivées. Je crois qu’on devrait être livrés dans l’après-midi», nous répond, sans trop de conviction, une vendeuse en pharmacie que nous avons interrogé à ce sujet. Mais qu’en est-il des anciens stocks, ceux qui étaient commercialisés sur la base de l’ancienne tarification ? «Totalement écoulés madame», nous indique une autre vendeuse.
Mais si toutes les pharmacies de la ville se sont donné le mot, qu’en est-il des grandes surfaces ?
Eh bien là non plus, aucune trace des bavettes ! «Inutile d’entrer, vous ne trouverez pas ici ce que vous cherchez», nous dit un vigile posté devant l’entrée du plus grand supermarché de la ville. «Savez-vous où est ce qu’on peut en trouver ?», avons-nous demandé. Après une petite hésitation, il répond : «écoutez, je vais vous rendre service et vous indiquer un endroit où vous pouvez vous en procurer. Mais attention ! C’est à 2 dirhams la pièce».
Après les remerciements d’usage, nous nous sommes dirigés vers le point de vente indiqué, un commerce d’équipement paramédical, situé tout près de l’Hôpital régional El Idrissi de Kénitra. En effet, le vigile disait vrai. Devant le magasin, une longue file d’attente s’était formée : hommes et femmes, jeunes et moins jeunes, tous venus à la quête de ce précieux produit qui se vendait ‘’comme des petits pains’’, au grand bonheur du commerçant.
Le vigile n’a pas non plus menti sur le prix. «C’est 2 dirhams la pièce madame», confirme un jeune vendeur. «Mais monsieur, l’Etat a fixé les prix des masques à 80 centimes l’unité, ne le savez-vous pas ?», avons-nous souligné sur un ton calme. Répondant avec le même calme et une gentillesse de marketeur, celui-ci nous explique qu’il s’agit d’un ancien stock acquis au prix de 145 DH la boite de 50 unités. «Aujourd’hui, nous vendons la même quantité à 100 DH. Comme vous pouvez le constater, même à 2 dirhams, nous sommes perdants», se justifie le commerçant, ajoutant que sa marchandise n’a pas bénéficié de la prise en charge du Fonds spécial pour la gestion de la pandémie du coronavirus et qu’il trouvait tout à fait légitime de la vendre à ce prix.
Alors que nous discutions toujours avec lui, la voix d’une femme s’est élevée au milieu de la longue file pour dénoncer le prix pratiqué. «Mais c’est du vol ! L’Etat a dit 0,80 DH. Vous voulez nous duper ? C’est inadmissible», s’est-elle écriée. D’autres voix mécontentes ont commencé à percer parmi la foule, mais le plus surprenant, c’est qu’elles ne venaient pas toutes appuyer la position de la protestataire ! Alors que la dame continuait à vociférer, plusieurs personnes, impatientes, se sont empressées d’avancer et, brandissant leur argent, ont exigé d’être servis.
Entre-temps, un homme qui jusque-là se tenait à l’intérieur du magasin s’est dirigé vers la contestataire pour la calmer, préférant certainement un règlement à l’amiable. Celle-ci a donc fini par avoir gain de cause et n’a payé que le prix qu’elle avait jugé être conforme à la loi. Affichant une mine satisfaite, elle quitte les lieux et les choses reprennent leur cours normal, les files se reforment et personne ne conteste plus rien.
A notre tour, nous quittons les lieux pour un tour dans la ville. La plupart des habitants qui circulaient, même en voiture, portaient toutes sortes de masques ! Interrogés, plusieurs piétons et automobilistes nous ont affirmés qu’ils les avaient achetés auparavant.
Mais si beaucoup de citoyens se sont pliés aux nouvelles exigences de la loi, les autorités de la ville, elles, n’ont pas encore entamé leur mission de contrôle du port de masque. Certainement parce que la logique veut qu’en l’absence de bavettes sur le marché, on ne peut exiger des citoyens d’en porter !
En attendant les masques, restez chez-vous !