28 Février 2020 À 11:25
Détection défaillante, facteur climatique ou simple coup de chance? Le très faible nombre de cas de coronavirus détectés dans les pays d'Afrique, aux systèmes de santé les plus fragiles, n'en finit pas d'interroger voire d'inquiéter les experts.
A ce jour, seules trois personnes ont été officiellement contaminées par la maladie Covid-19 sur le continent: une en Egypte, une en Algérie, et une au Nigeria (un Italien arrivé de Milan), pour aucun décès.
C'est une goutte d'eau dans l'océan des 80.000 cas et 2.800 morts recensés dans une cinquantaine de pays, pour l'essentiel en Chine, où le premier foyer de l'épidémie est apparu dans la ville de Wuhan, selon l'Organisation mondiale de la Santé (OMS).
Peu de temps après l'apparition du virus, les spécialistes ont pourtant pointé du doigt les risques de propagation de la maladie en Afrique. A cause de ses liens commerciaux étroits avec Pékin et des faiblesses de son réseau médical.
La semaine dernière, l'OMS a même averti que le continent était mal préparé pour faire face à l'épidémie.
"Notre principale préoccupation continue d'être le potentiel de dissémination du Covid-19 dans les pays dont les systèmes de santé sont plus précaires", a déclaré son patron, Tedros Adhanom Ghebreyesus.
Une modélisation publiée dans la revue médicale The Lancet a fait de l'Egypte, de l'Algérie et de l'Afrique du Sud, qui a annoncé jeudi le rapatriement de 132 de ses ressortissants de Wuhan, les trois pays du continent les plus menacés.
Ils sont aussi, selon l'étude, les moins vulnérables car les mieux préparés à repérer l'infection.
Mais malgré de nombreuses alertes, l'épidémie ne semble pas jusque-là se développer significativement sur le continent.
Pourquoi? Les épidémiologistes se perdent en conjectures.
"Personne ne sait", avoue le Pr Thumbi Ndung'u, de l'Institut africain de recherche sur la santé à Durban (Afrique du Sud). "Peut-être n'y a-t-il simplement pas tant de déplacements entre l'Afrique et la Chine", avance-t-il.
Ethiopian Airlines, la plus importante compagnie aérienne africaine, n'a toutefois jamais suspendu ses liaisons avec la Chine depuis le début de l'épidémie. Et China Southern vient de reprendre ses vols avec le Kenya.
Alors certains avancent la piste d'une possible protection climatique. "Peut-être que le virus ne pousse pas dans l'écosystème africain, on ne sait pas", esquisse le Pr Yazdan Yazdanpanah, chef du service des maladies infectieuses de l'hôpital Bichat à Paris.
Une hypothèse rejetée par Pr Rodney Adam, de l'hôpital universitaire Aga Khan de Nairobi (Kenya). "Nous n'avons aucune preuve d'une quelconque influence du climat sur la transmission (du virus)", assure-t-il. "A l'heure actuelle, il semble que la vulnérabilité des Africains soit la même que celle des autres ailleurs", ajoute-t-il.
D'autres sont tentés d'attribuer le faible nombre de cas confirmés de coronavirus à de possibles ratés des systèmes de détection déployés dans les pays du continent.
"C'est vrai qu'il y a certains pays, certaines régions dont on n'est pas certain de la capacité, ne serait-ce que par faute de ressources, à mettre en oeuvre les modalités de diagnostic", dit le Dr Daniel Lévy-Bruhl, de l'agence sanitaire française Santé publique France.