21 Décembre 2021 À 18:12
Après une période d’accalmie, la situation épidémiologique est en train de changer au Maroc. Dans son dernier bulletin bimensuel, le ministère de la Santé et de la protection sociale indique que 1.332 nouveaux cas ont été enregistrés en une semaine, soit une augmentation de 49,5% par rapport aux semaines précédentes. Le taux de positivité est passé de 1,4 à 1,61%. Les cas admis en réanimation et aux soins intensifs ont connu, quant à eux, une stagnation, d’après la même source, alors que le nombre de décès a connu une légère hausse par rapport à la semaine d’avant. Parallèlement, une autre donnée vient perturber la tendance à l’accalmie. Il s’agit de l’émergence au Maroc du variant Omicron qui affole le monde entier depuis quelque temps, compte tenu de son taux de transmissibilité élevée. Autant dire que plusieurs signes alarmants versent dans le sens d’une détérioration de la situation épidémiologique au Maroc.
Qu’en pensent les spécialistes ? Dr Saïd Afif, membre du Comité scientifique et technique de la vaccination, estime que les indicateurs épidémiologiques laissent effectivement présager une augmentation des cas dans les deux à trois semaines à venir. L’expert cite, à ce titre, un autre facteur pouvant aggraver la situation. Il s’agit du ralentissement de la campagne de vaccination. «Certes, le nombre des vaccinés par jour a connu récemment une petite augmentation, mais globalement les taux enregistrés, toutes doses confondues, restent en deçà de la moyenne requise pour gérer la pandémie», regrette-t-il.
À ce titre, Dr Afif appelle à plus de prudence, car «tout relâchement pourrait conduire à une véritable aggravation de la situation sanitaire, ce qui pousserait l’État à décider d’adopter des restrictions sévères, ce qui n’est souhaitable, ni pour l’économie du pays, ni pour le citoyen». De son côté, Dr Tayeb Hamdi, médecin et chercheur en politiques et systèmes de santé, estime que sur la base des données épidémiologiques dont on dispose actuellement, il est difficile de faire des prévisions avec exactitude pour les semaines à venir, et ce pour trois grandes raisons : d’abord, annonce Dr Hamdi, le nombre jugé faible des tests réalisés au quotidien. «L’amplitude de l’augmentation légère des cas enregistrés ne peut pas être jugée sur la base des chiffres dont on dispose, d'autant plus que le nombre de tests réalisés au quotidien reste insuffisant pour faire des modélisations et des prévisions avec exactitude», explique-t-il. Ensuite, ajoute l’expert, la difficulté d’avoir avec précision le nombre de personnes porteuses réellement de la maladie. «Plusieurs personnes présentant des symptômes de la Covid-19 refusent de faire le test, alors que ce dernier reste le seul moyen pour savoir si l’on est réellement positif ou simplement souffrant d’une grippe», alerte-t-il.
Ce constat que Dr Hamdi partage avec nous, partant de son quotidien en tant que médecin, laisse à penser que les chiffres annoncés quotidiennement et en toute transparence par le ministère de la Santé et de la protection sociale ne reflètent pas la réalité de la situation épidémiologique au Maroc. Enfin, avance l’expert, le manque d’informations sur l’évolution d’Omicron au Maroc. «On ne sait pas encore quel sera le profil de la propagation d’Omicron au Maroc, ni comment le premier cas a été importé», souligne-t-il. Et d’ajouter que le variant Omicron est connu pour sa transmissibilité élevée et cela implique qu’il existe aujourd’hui «des cas Omicron qui se propagent loin des yeux du système de la santé».
Vers une dégradation brutale de la situation épidémiologique
«Tout ce que l’on sait aujourd’hui c’est que Delta et Omicron sont en train de se développer et que la situation va se transformer, pas d’une manière progressive, mais plutôt de façon brutale», affirme Dr Hamdi. Ce dernier prévoit ainsi que le paysage épidémiologique va rompre avec l’accalmie pour connaître une augmentation considérable au niveau des nouveaux cas testés positifs dans la première semaine qui suit les vacances scolaires. «Cette augmentation va être suivie, deux ou trois semaines après, d’une hausse au niveau des hospitalisations et des décès», note-t-il. Par ailleurs, les deux experts contactés par «Le Matin» s’accordent pour affirmer que l’évolution de la situation épidémiologique dépendra de trois facteurs clés, à savoir le respect ou non des mesures barrières individuelles et collectives, les mesures prises par l’État en cette période critique et l’accélération de la vaccination, toutes doses confondues.
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