22 Décembre 2021 À 14:09
Le Matin : Quel bilan dressez-vous après vingt ans d’existence du Technopark, tant sur le plan qualitatif que quantitatif ?
Lamiae Benmakhlouf : Nous avons aujourd’hui plusieurs dizaines de Success-Stories qui s'exportent à l'international et qui ont développé des solutions digitales sur plusieurs secteurs d'activité comme la cybersécurité, la fintech, l'intelligence artificielle, l'internet, etc. Nous sommes satisfaits de notre bilan, puisqu'on a pu dupliquer notre modèle dans d'autres villes, et qu'on a, enfin, pu faire émerger l'écosystème de startups au Maroc avec plusieurs partenaires implantés au niveau du Technopark. Nous avons réussi à créer un modèle unique dans un endroit qui offre un accompagnement de proximité et sur mesure aux entrepreneurs, et c'est ce qui fait que nous avons un taux de réussite élevé et un taux de pérennité des entreprises au-delà de 5 ans qui est de 89%. Je voudrais mettre l’accent sur le taux de satisfaction des entreprises résidentes, d’une moyenne de 90% durant les 10 dernières années. Nous avons atteint des standards internationaux en termes de satisfaction, puisque ces entreprises sont vraiment soutenues et accompagnées non seulement par l’équipe interne, mais par l’ensemble de l’écosystème sur l'accès aux compétences, au financement, au marché et à la mise en relation. Le réseau est très important, et notre souhait est que l'on puisse continuer à fédérer cet écosystème au-delà de l'axe Casablanca-Rabat, et l’exporter vers d'autres villes. Dans un premier temps, dans nos zones d’implantations.
La duplication du Technopark dans d’autres régions fait indubitablement suite au succès de celui de Casablanca. Quelles sont les autres raisons qui ont dicté ce «clonage» ?
La réussite du Technopark Casablanca a été notre catalyseur. Nous avons voulu capitaliser sur cette expérience et sur les 20 ans d'expertise avec l’objectif de nous développer dans le domaine de l'accompagnement et doter tous les talents marocains, quel que soit leur lieu de résidence, de ces mécanismes de soutien, de cette infrastructure d'hébergement et d'accompagnement. Toutes ces raisons ont été derrière la stratégie de duplication régionale depuis 2010. Ainsi, le Technopark Rabat a vu le jour en 2012, celui de Tanger en 2015, la Cité de l'innovation en 2019 et le Tecnhopark Agadir a ouvert ses portes récemment, en 2021. Les raisons sont que le Tecnhopark s'inscrit vraiment dans une mission inclusive qui se veut d'aider tous les talents marocains, notamment les passionnés du digital, et on sait qu'on en a des talents qui ne sont pas visibles. Nous nous rapprochons d’eux pour les accompagner dans le développement de leurs projets. Nous sommes ravis d’avoir des partenaires de haut niveau. Messieurs les walis et les présidents des régions, les Chambres de commerce, les Centres régionaux d'investissement et les Universités nous ont toujours soutenus. Certaines régions sont très sensibles à cette question d'accompagnement entrepreneurial pour créer des entreprises viables et fiables, des emplois et de la valeur ajoutée pour les régions. Nous partageons la même vision avec les régions en termes de développement entrepreneurial et de développement de l'innovation.
Avez-vous de la visibilité par rapport à l’implantation du modèle Technopark dans d’autres villes ? Le cas échéant, quels sont les critères qui ont prévalu au choix de telle préfecture ou province ?
Aujourd'hui, nous sommes implantés dans 4 villes et nous avons 3 projets de développement avec Fès, Oujda et Tiznit et, bien entendu, des pourparlers sont menés avec d’autres régions pour des projets Technopark. Le choix se fait en fonction des spécificités de chaque région. En général, tous les programmes de développement régionaux contiennent une rubrique liée à l'entrepreneuriat et à l'innovation. Il y a des régions qui se définissent par un nombre important d'étudiants, d’universités ou de lauréats d'écoles d'ingénieurs, ainsi que des régions qui ont des attentes en termes de montée en compétitivité de secteurs stratégiques et, donc, à ce niveau, l'entrepreneuriat dans les nouvelles technologies et le digital va apporter une double réponse. Le choix est également porté en tenant compte de la nécessité de créer des entreprises viables et fiables dans un secteur important qui est le numérique, mais aussi d'utiliser le numérique en faveur de la compétitivité des secteurs stratégiques de chaque région. Ainsi, notre ambition est de créer ce vivier de startups qui vont apporter des solutions innovantes et disruptives pour les secteurs dans la région. Les talents existent partout. Je suis personnellement impressionnée par les talents que je découvre à chaque déplacement. Nous avons aussi remarqué que lorsqu’on met en place des plateformes d'accueil et d'hébergement avec des programmes d'accompagnement, nous attirons la diaspora marocaine. À titre d’exemple, à Agadir, nous avons accueilli des entrepreneurs qui ont décidé de rentrer au Maroc pour créer leur entreprise ou pour ouvrir des bureaux de liaison, et là, on peut parler de transfert technologique et de savoir, chose qui a beaucoup d'impact sur la région
Où se positionne actuellement le Technopark sur le plan africain ?
Le Technopark a réussi à fédérer un écosystème technologique qui attise l’appétit de plusieurs pays africains. D’ailleurs, nous avons été sollicités ces dernières années par plusieurs organismes africains afin de les accompagner dans la mise en place d’un modèle similaire dans leurs pays respectifs. Ce qui nous démarque aujourd’hui, c’est tout d’abord notre expérience de vingt ans dans l’incubation et l’accélération de startups technologiques. Le Maroc a été pionnier dans la création de pépinières d’entreprises technologiques de la taille du Technopark de Casablanca, au début des années 2000. L’expertise que nous avons développée en termes d’accompagnement a permis de faire émerger de belles startups technologiques qui se déploient aujourd’hui à l’international et, notamment, dans plusieurs pays africains, dans des domaines tels que la cybersécurité, fintech, big data, cloud… Notre capacité à déployer les infrastructures d’accueil et d’accompagnement dans différentes villes du Royaume (Casablanca, Rabat, Tanger et Agadir) nous a permis de fédérer les écosystèmes tech et de dynamiser l’entrepreneuriat et l’innovation dans les régions d’implantation.
Pour le commun des Marocains, le Technopark se limite à une entité qui loue des locaux aux sociétés, alors que la mission de cette structure est tout autre, notamment l’accompagnement des entreprises innovantes. Que répondez-vous à cette fausse perception ?
Certes, le Technopark met à la disposition des porteurs de projets des espaces conviviaux et sur-mesure aux standards internationaux pour les jeunes porteurs de projets, mais notre mission n'est pas du tout ça. Notre rôle c'est d'offrir des services d'accompagnement à ces porteurs de projets, de leur ouvrir des perspectives, de les connecter à tout un réseau de partenaires qui répondent au besoin des entreprises quel que soit leur stade de développement, qu’il s’agisse de l’accès aux compétences, l'accès aux technologies, l'accès au financement ou l'accès au marché, mais aussi l'accès à un réseau, et ça, c'est très important. Lorsqu’on est implanté au Technopark, ce n'est pas le fait d'avoir un local ou un bureau qui est important, c'est le fait de bénéficier d'un environnement où, tous les jours, il y a un échange riche avec d'autres entrepreneurs et partenaires. Les opportunités de création de richesse au sein du Technopark sont nombreuses. Nous avons vu naître des groupements d'intérêt économique, des fusions-acquisitions entre les entreprises, des absorptions, sans parler des belles Success-Stories à l'instar de Rekrute.com, M2T, Value Pass, Data Protected et bien d'autres. Aujourd'hui, notre valeur ajoutée est l'accompagnement qui constitue la force du réseau du Technopark, bien que les locaux restent très accessibles en termes de prix par rapport à ce qui existe sur le marché.
Propos recueillis par Abdelhakim Hamdane