22 Novembre 2021 À 17:30
Alors que la course pour le développement d’antiviraux efficaces contre la Covid-19 se poursuit, le monulpiravir du laboratoire américain Merck a déjà réussi à obtenir l’autorisation pour être utilisé chez les personnes infectées aux États-Unis et en Europe. Si tout le monde est content de cette avancée qui nous permettra de mieux lutter contre la pandémie, William Haseltin, un virologue de l’Université de Harvard, connu notamment pour ses recherches sur le virus du sida, a affirmé que ce médicament pourrait induire des mutations dangereuses qui donneraient lieu à de nouveaux variants plus résistants.r>«Le molnupiravir a le potentiel mutagène pour altérer les fonctions du virus, mais pas pour l’empêcher de se répliquer et donner naissance à un futur variant dominant», a alerté le virologue. Et d’ajouter : «Plus on augmente la quantité de molnupiravir, plus cela génère de mutations, en particulier sur la protéine de pointe, celle ciblée par les vaccins. Cela montre que le virus survit et continue à se développer malgré le nombre important de mutations qu’il subit».
Interrogé par «Le Matin» à ce sujet, Dr Tayeb Hamdi, médecin et chercheur en politiques et systèmes de santé, déclare que ce problème pourrait plutôt surgir chez les personnes immunodéficientes. «Lors des essais cliniques de Merck, les scientifiques n’ont jamais observé de mutation après la prise de cet antiviral. Certes, sur le plan scientifique cela n’est pas suffisant, puisque le médicament une fois approuvé sera donné à des millions de patients, mais les comités scientifiques pensent que la prise de ce médicament conduira le patient normalement à la guérison et non à la transmission du virus à d’autres personnes», souligne notre interlocuteur. «Cette possibilité de voir une mutation et l’apparition de nouveaux variants à cause de la prise du molnupiravir pourrait arriver chez les patients ayant des problèmes d’immunité et chez qui le virus peut continuer d’exister dans leur corps pendant des mois. En effet, en restant si longtemps dans le corps, le virus rencontrera les anticorps risquant ainsi de créer des mutations», affirme Dr Hamdi, insistant que ce risque-là est présent théoriquement pour cette catégorie de personnes même avec les autres antiviraux.r>L’expert rassure, par ailleurs, que même si ce virus mute à l’intérieur du corps d’une personne, cela ne veut pas dire qu’elle peut transmettre de nouveaux variants. «Ceci est normalement très peu probable, à moins que cela ne touche de nombreuses personnes en même temps».
Pour sa part, Dr Jaâfar Heikel, professeur d’épidémiologie et spécialiste des maladies infectieuses, pense qu’il est encore tôt pour tirer ce genre de conclusions. Contacté par «Le Matin», l’expert a dit qu’il faut se donner du temps pour expérimenter les nouveaux médicaments et voir plutôt l’utilité qu’ils peuvent avoir dans le cadre de la lutte contre cette maladie. «Le molnupiravir va principalement éviter la progression de la maladie. Les premières études montrent aujourd’hui que c’est un médicament qui donne de l’espoir, surtout dans les premières phases de la maladie», indique-t-il. Et de poursuivre : «Il ne faut pas oublier aussi qu’aujourd’hui, nous avons l’habitude de manipuler les antiviraux, que ce soit dans le cadre l’hépatite B et C ou du VIH. Ces derniers peuvent évidemment avoir des effets indésirables, comme tous les autres médicaments, mais ce n’est pas une raison pour créer une nouvelle psychose ou une nouvelle polémique».