17 Octobre 2021 À 16:14
Le cancer est une des pathologies qui, de par le monde, pèse énormément sur les malades tant du point de vue souffrance humaine que du point de vue charges financières. Au Maroc, les derniers chiffres officiels disponibles couvrant la période 2008- 2012 émanant du Registre des Cancers de la Région du Grand Casablanca (RCGC), indiquent que « le taux d’incidence standardisée par rapport à la population marocaine est de 115.4 nouveaux cas pour 100.000 habitants par an, elle est plus élevée chez la femme (124.4) que chez l’homme (104.4). Les localisations les plus fréquentes pour les deux sexes confondus sont : le sein, le poumon, le colon-rectum, le col utérin et la prostate ». La même source confirme que, « le cancer du sein est au premier rang de tous les cancers enregistrés représentant 20% de tous les cancers tous sexe confondus et 35.8% des cancers chez la femme. Son Incidence standardisée par rapport à la population marocaine est de 49.5 nouveaux cas pour 100.000 femmes ». Au niveau mondial, les données sont plus récentes. L’OMS fait état d’une hausse de la mortalité par cancer du sein en 2020, « 685.000 femmes sont mortes du cancer du sein en 2020 et la plupart des cas de cancer et des décès par cancer du sein sont recensés dans des pays à revenu faible ou intermédiaire ». Des chiffres alarmants qui rappellent, encore une fois, la nécessite et l’urgence, de redoubler d’efforts pour soulager cette population qui souffrent le martyre. C’est la raison d’être du « Octobre Rose » dédié à la mobilisation, à la sensibilisation, à la prévention, au dépistage précoce, à la prise en charge des patientes surtout en cette période de pandémie.
La pandémie a eu un impact néfaste sur le dépistage et le traitement
Le cancer du sein féminin demeure le type de cancer le plus diagnostiqué à l’échelle mondiale et le Maroc ne fait pas l’exception, affirme professeur Raja Aghzadi, cancérologue, chirurgienne. « Le cancer du sein est le premier cancer féminin : il représente plus de 30 % de tous les cancers diagnostiqués. Ce qui est énorme », met en garde le médecin chirurgien, ajoutant que les prévisions dans les pays occidentaux ont été revues à la hausse. En effet, « Une femme sur huit peut être atteinte d’un cancer du sein », affirme Dr Aghzadi qui n’a pas manqué de rappeler l’impact de la COVID-19 sur l’évolution de la maladie. « La pandémie et le confinement instauré en 2020 ont provoqué un état de sidération chez les femmes confinées qui n’ont pas consulté ou retardé brutalement la consultation par peur d’attraper la Covid 19. Force aussi de constater un relâchement chez certaines femmes déjà diagnostiquées ou sous traitement provoquant une augmentation du volume de la tumeur », se désole la chirurgienne cancérologue.
Les facteurs de risque sont multiples et non maitrisés
Plusieurs facteurs de risque rendent plus probable la survenue d'un cancer de sein. Dr Aghzadi estime que les facteurs de risque sont des facteurs de présomption : « Si on a déjà une idée sur un facteur pourvoyeur de la survenue de la maladie, on l’aurait éliminé évidemment. Mais on est devant un faisceau de facteurs qui peuvent survenir chez certaines femmes et ne pas aboutir à un cancer de sein et l’inverse est vrai ». Statistiquement parlant, la présidente de l'Association marocaine "Cœur des femmes", cite 4 principaux facteurs responsables de cette pathologie. « Le premier, en tête de liste, est lié à l’hygiène de vie ou l’alimentation devenue, ces dernières années, plus industrielle, plus chimique, colorée et transformée ». C’est pourquoi, le médecin chirurgien conseille d’opter pour les produits naturels et bios ayant un effet avantageux sur la santé. En deuxième lieu, ajoute Mme Aghzadi, figure l’obésité lié à l’âge et à la ménopause chez certaines femmes, notamment les quadragénaires. Le 3e facteur concerne le stress. « La neuroscience a démontré que le stress a un impact important sur l’immunité des individus, notamment les femmes qui font face à un stress quotidien à cause des différentes tâches qu’elles accomplissent. Sans oublier l'hérédité, reléguée au 4e plan, et qui renvoie aux antécédents familiaux de cancer du sein. « Environ 7% à 10 % des cancers de sein sont héréditaires », note Dr Aghzadi. A la question de savoir si le risque d'avoir un cancer du sein augmente avec l'âge. Notre source indique que le cancer du sein peut survenir à tout âge de la vie. « Généralement le pic de survenue du cancer du sein intervient à partir de la quarantaine. Mais, attention, ce n’est pas la règle. Le risque peut subvenir avant ou après cette période de vie ».
Dépistage précoce : une tumeur de moins de 1 cm peut être traitée à 100 %
Le dépistage précoce réduit visiblement les conséquences fatales pour les patients. Pr Raja Aghzadi recommande à toutes les femmes de faire le dépistage. C’est un pas important pour prévenir la maladie. « Chaque femme doit connaitre son corps. Connaitre son sein et effectuer l'auto-palpation mammaire à chaque fin du mois après les menstruations. Cette pratique permet de détecter jusqu’à 70 % des anomalies. La femme peut sauver sa vie elle-même », fait-elle savoir. La consultation est également fortement recommandée une fois par an, et ce à partir de 40 ans. « Une tumeur de moins de 1 cm peut être traitée pratiquement à 100 %. L’espoir est de détecter la tumeur avant son développement », explique la militante associative, tout en mettant l’accent sur l’utilité de la radiologie : « la mammographie couplée avec une échographie, et éventuellement une IRM mammaire peuvent être utiles pour découvrir la maladie à un stade avancé. Ce qui évitera des dégâts colossaux ». Pour Dr Tahar Berrada, gynécologue, « certains signes ou symptômes qui peuvent alerter la femme et la pousser à consulter le médecin pour un éventuel dépistage de ce cancer. Il s’agit, entre autres, de la palpation d’une bosse ou un nodule du sein qui est d’ailleurs le symptôme le plus fréquent. Il s’agit aussi d’un écoulement provenant du mamelon, une modification ou une rétraction du mamelon, un changement de la peau avec parfois une peau d’orange, un changement de la forme du sein, l’apparition d’un ganglion au niveau des aisselles ou épaules (dans la région sus-claviculaire). L’apparition de ces symptômes impose une consultation chez le médecin afin d’examiner le sein et faire d’éventuelle examen complémentaire pour confirmer le diagnostic ».
Quelle prise en charge du cancer du sein ?
Une fois le diagnostic de cancer établi, l'état du patient cancéreux nécessite des soins spécialisés, longs et couteux qui peuvent durer des mois, voire des années. Ce qui constitue un fardeau pour cette population vulnérable.
Au niveau de la Caisse nationale de Sécurité Sociale, les soins médicaux afférents à une affection de longue durée (ALD), dont les cancers, sont couverts dans le cadre de l'Assurance Maladie Obligatoire. Le remboursement et la prise en charge se font sur la base de la Tarification Nationale de Référence en vigueur. Suite à un accord du contrôle médial, pour établir l’ALD, tous les soins médicaux liés à sa pathologie deviennent exonérés. Le taux de remboursement varie entre 77 % et 95% de la tarification nationale de référence. La CNSS indique que tous les cancers, y compris les cancers du sein, sont soumis à une exonération à 95 %. Notons qu’une prise en charge peut être demandée et assurée pour les traitements, les hospitalisations et certains médicaments coûteux en ambulatoire. Le formulaire « demande d'ouverture de droits ALD » est disponible auprès des agences CNSS dument rempli, cacheté et signé par le médecin traitant. Toutefois, ajoute une source informée à la CNSS, au cas où le médicament n’est pas remboursable, l’assuré a la possibilité de faire une dérogation ou une demande via l’Agence Nationale de l’Assurance Maladie (ANAM) accompagnée d’un dossier médical et d’une recommandation du médecin traitant justifiant que ce traitement est la seule alternative thérapeutique pour le patient. Pour rappel, le ministre de la Santé, sur proposition de l’Agence Nationale de l’Assurance Maladie, a publié un arrêté ministériel portant intégration de 165 nouveaux médicaments dans le guide des médicaments remboursables, et ce, à partir de sa parution au bulletin officiel. Il est à souligner que 70 médicaments de cette liste additive rentrent dans la prise en charge des affections de Longues Durée aux différents stades de leur évolution comme le cancer dont le cout de traitement constitue un frein d’accès aux assurés.
Contacté par nos soins Abdelaziz Alaoui, président de la Caisse mutualiste interprofessionnelle marocaine (CMIM) souligne que « L’oncologie est totalement prise en charge par la CMIM (traitements, biologie, actes d'exploration, hospitalisation médicale, hospitalisation chirurgicale...). Tous les types de cancers sont pris en charge par la CMIM : sein, ovaire, prostate, thyroide, appareil respiratoire, estomac, colon, lmpeau, cerveau... Nous avons des conventions de 100% de prise en charge avec la majorité des cliniques spécialisées au Maroc. Avec le support de nos médecins conseil, nous essayons d'étudier et prendre en charge tous les nouveaux traitements et les nouvelles technologies qui apparaissent sur le marché concernant l'oncologie ». Pour ce qui est de la prise en charge du cancer du sein, M. Alaoui affirme, que la CMIM offre une prise en charge totale à ses adhérents comme tous les types de cancer : « La prise en charge, elle est de 100% chez les prestataires conventionnés avec la CMIM. En remboursement direct elle va de 80% jusqu'à 100% ». Et de préciser que « La CMIM a environ 550 cas atteints de tumeurs de sein déclarés sur notre système d'information qui bénéficient de nos prestations ». Pour les traitements longs et couteux, « la majorité des adhérents de cette caisse préfèrent passer par le système du tiers payant à savoir une prise en charge à 100% », conclut notre interlocuteur.
Lutte contre les cancers : Les efforts se poursuivent
La lutte contre le cancer sera renforcée par un important dispositif. Il s’agit du plan national du cancer de prévention et de contrôle 2020-2029 qui préconise de consolider et de pérenniser les acquis du premier plan, de corriger les insuffisances identifiées, particulièrement celles relatives à la gouvernance. Il vise de réduire l’incidence des cancers par la mise en place d’interventions de prévention et de réduction de l’exposition aux facteurs de risque connus. Le PNPCC2 opte d’investir fortement dans la prévention en totale cohérence avec la stratégie nationale multisectorielle de lutte contre les MNT (2019-2029). La réussite de ce grand chantier est tributaire de l’implication et de la complémentarité entre toutes les parties prenantes spécialement pour la lutte contre le tabac, la lutte contre les facteurs de risque environnementaux, la promotion du mode de vie sain, la promotion de l’activité physique et celle de la surveillance et de la prévention des cancers professionnels et environnementaux les plus fréquents au Maroc.