03 Décembre 2021 À 17:26
Garantir une inclusion économique et sociale des personnes en situation de handicap est un défi majeur pour le Maroc. La Journée internationale des personnes handicapées (3 décembre) est l’occasion idéale pour faire le point sur la situation de cette frange de la population.r>Selon les dernières statistiques du Haut-Commissariat au Plan (HCP), le nombre de personnes en situation de handicap s’élève à 1.703.424. Le taux de prévalence est ainsi de 5,1%. Parmi ces personnes, 393.919 souffrent d’une incapacité totale à effectuer les activités de la vie quotidienne, soit 23,1% de la population en situation de handicap et un taux de prévalence de 1,2%.
Mais bien que le Maroc ait toujours exprimé son engagement à promouvoir les droits des personnes porteuses de handicap, conformément aux recommandations de la Convention relative aux droits des personnes handicapées, cette population souffre toujours de discriminations.r>Pourtant, la question du handicap a joui d’une place importante dans la Constitution de 2011, qui prévoit notamment la prévention de la discrimination fondée sur le handicap, et la constitutionnalisation des droits politiques, sociaux, économiques et culturels des personnes en situation de handicap. L’article 34 dispose que les pouvoirs publics sont amenés à élaborer et mettre en œuvre des politiques destinées aux personnes et aux catégories ayant des besoins spécifiques.r>Le Maroc dispose également depuis 2016 de la loi-cadre N° 97.13 relative à la protection et la promotion des droits des personnes en situation de handicap. Ce texte vise à consolider davantage l’engagement du Royaume en faveur de cette catégorie sociale.
Emploi dans le privé : Le quota de 7% peu observér>Les objectifs de cette loi-cadre consistent en la détermination des principes de préparation et d’exécution par les autorités publiques des programmes, politiques, stratégies et plans dédiés aux personnes en situation de handicap, et l’adoption de nouveaux concepts en phase avec l’évolution que connaît le domaine du handicap. En outre, une panoplie de projets structurants ont été réalisés par le ministère de la Solidarité, de l’insertion sociale et de la famille, comme la mise en place d’un fonds d’appui à la cohésion sociale, programme national de qualification des professionnels de la prise en charge des personnes autistes, le programme national «villes accessibles» entre autres. «L’inclusion du handicap est essentielle pour le respect des droits humains ainsi que pour le développement durable. Mais l’engagement pour l’effectivité des droits des personnes en situation de handicap n’est pas uniquement une question de déclarations et de lois. C’est un investissement réel qui doit être fait par tous les acteurs concernés», déclare au «Matin» Aberrafie Hamdi, Directeur de la protection des droits de l’Homme et du monitoring au Conseil National des Droits de l’Homme (CNDH).r>«En matière d’accès à l’emploi des personnes en situation de handicap, le Maroc a fixé deux quotas, un de 5% pour la fonction publique et un de 7% pour le privé. Nous remarquons que pour la fonction publique, un effort a été fourni pour atteindre l’objectif escompté. Mais au niveau du secteur privé, l’accès à l’emploi des personnes porteuses de handicap est encore très limité», déplore Adberrafie Hamdi. Ce dernier indique également que les personnes en situation de handicap au Maroc rencontrent toujours de nombreuses difficultés en matière d’accessibilité. En effet, les moyens de transport, les voiries, les établissements et lieux publics restent largement inaccessibles. «Il suffit de faire un tour dans les villes marocaines pour constater qu’elles ne sont pas encore accessibles. Le Maroc a encore du chemin à parcourir dans ce domaine», assure le responsable du CNDH.
Éducation inclusive : un taux de couverture de 20%
Lancé en 2019, le programme national de l’éducation inclusive au profit des enfants en situation de handicap ambitionne d’atteindre un taux de couverture des établissements scolaires de 100% à l’horizon 2027-2028. Pour l’instant, selon les dernières statistiques du ministère de l’Éducation nationale, en deux ans, les efforts déployés ont permis de réaliser un taux de couverture de 20%. Plus de 90.000 élèves en situation de handicap sont actuellement scolarisés dans les classes ordinaires et environ 10.000 bénéficient des services de qualification et d’appui à la scolarisation qu’offrent les salles de ressources nouvellement créées dans les établissements scolaires inclusifs. On note, par ailleurs, que 500 enseignants et plus de 450 aides à la vie scolaire accompagnent les élèves en situation de handicap dans les établissements scolaires. «L’effort que le Maroc a fourni dans l’éducation inclusive est énorme. Il est, certes, encore tôt pour évaluer ce programme national, mais les éléments de base actuels nous permettent de voir que d’importantes avancées sont réalisées dans ce domaine», souligne Aberrafie Hamdi, Directeur de la protection des droits de l’Homme et du monitoring au Conseil national des droits de l’Homme (CNDH).
Mobilisation de l’INDH
Dans un communiqué publié à l’occasion de la Journée internationale des personnes handicapées, l’INDH souligne être constamment mobilisée pour la dignité des personnes à besoins spécifiques, contribuant ainsi à favoriser leur intégration dans la société.r>«C’est ainsi qu’à travers le Programme d’accompagnement des personnes en situation de précarité, l’INDH a mis en œuvre de nombreux projets de prise en charge des personnes handicapées sans ressources dans des centres spécialisés, répartis sur l’ensemble du territoire national», lit-on dans le communiqué. Depuis septembre 2018, qui marque le lancement de la phase III de l’INDH, les prestations assurées par ces centres ont été sensiblement améliorées afin de correspondre au mieux aux besoins de prise en charge de la population bénéficiaire dans des conditions dignes. L’INDH a, à cet égard, actionné principalement 3 leviers, à savoir l’élaboration et le déploiement d’une nouvelle approche pour la gestion des centres, plus adaptée aux exigences de performance, de mutualisation des ressources et de respect de l’environnement, l’instauration de normes de qualité en matière de construction et de maintenance des bâtiments et des équipements dans le souci de garantir le bon fonctionnement des centres et enfin le renforcement des capacités du personnel des centres spécialisés à travers des formations mettant l’accent sur les compétences nécessaires à un encadrement professionnel des personnes en situation de précarité, notamment celles à besoins spécifiques.r>Par ailleurs, «depuis le début effectif de la troisième phase en 2019, l’INDH a piloté 1.066 projets et actions, et mis en œuvre un investissement de 462 millions de dirhams qui a bénéficié à plus de 150 000 personnes ces trois dernières années, réparties sur tout le territoire national», souligne le communiqué. «L’essentiel des actions menées a concerné la construction et l’équipement des centres d’accueil spécialisés, l’acquisition de moyens de transport, y compris les ambulances, pour les personnes en situation de handicap, et le fonctionnement ou la maintenance des établissements. La mobilisation des ressources a également permis de lancer des actions de sensibilisation et de communication, leviers indispensables pour opérer un changement de perception vis-à-vis du handicap», indique le même communiqué.
Déclaration
Amina Slaoui, présidente du Groupe AMH
«Le modèle conceptuel en vigueur au Maroc est caduc»
«L’analyse de l’état des lieux montre que le modèle conceptuel en vigueur au Maroc est caduc et contribue à la persistance de barrières culturelles, sociales et économiques, qui empêchent la mise en place d’un environnement propice à la participation sociale des personnes en situation de handicap.r>Ce désavantage est perceptible à l’examen des niveaux d’analphabétisme, de scolarisation et d’activité. Avoisinant 42% chez les non-handicapés âgés de 10 ans et plus, le taux d’analphabétisme atteint près de 71% chez les personnes en situation de handicap. Le taux de scolarisation des enfants âgés de 6 à 11 ans qui culmine à 81% chez les non-handicapés atteint à peine 35% chez les handicapés. Quant à la participation à l’activité économique, elle est deux fois plus importante chez les non-handicapés que chez les handicapés, avec des taux de l’ordre de 16,8% pour les premiers et 36,3% pour les seconds.r>Au final, on ne peut que rappeler que l’accessibilité dans les lieux publics, la scolarité et l’accès à l’emploi constituent les principaux obstacles auxquels fait face cette frange de la population.»