28 Octobre 2021 À 17:16
C’est peut-être un tournant dans la lutte contre la Covid-19. Le monulpiravir, l’antiviral développé par le laboratoire américain Merck, a prouvé son efficacité pour le traitement de la maladie, selon des études américaines. Les résultats sont jugés tellement prometteurs que des pays comme la France, l’Angleterre (et bien sûr les États-Unis), ont déjà commandé leurs premières doses, sans attendre la validation de l’Agence européenne des médicaments (EMA) qui a lancé la procédure d’examen de ce médicament le lundi 25 octobre. D’autres pays, notamment le Maroc, vont-ils suivre ? Probablement, même si le prix élevé du monulpiravir freinerait l’élan. «Cet antiviral développé par le laboratoire Merck représente une grande avancée dans la lutte contre la Covid-19. En plus de son efficacité prouvée pour éviter les formes graves de la maladie, il s’agit d’un médicament par voie orale. On n’a donc pas besoin d’être hospitalisé pour se faire soigner. Seul bémol : son prix élevé. Même si on n’en connaît pas exactement les prix, on estime qu’un traitement coûterait environ 700 dollars, ce qui n’est pas donné à tout le monde», déclare Dr Tayeb Hamdi, médecin chercheur en politiques et systèmes de santé, dans un entretien accordé au «Matin». «Il faut savoir que le prix des médicaments est fixé entre le laboratoire et les pays et peut varier selon plusieurs critères tels que la quantité souhaitée, le temps de livraison… Mais la bonne nouvelle est que le laboratoire Merck a donné son accord pour la production de médicaments génériques à moindre coût. D’autres laboratoires sont également en train de faire des recherches pour développer de nouveaux antiviraux qui pourraient être plus abordables et encore plus efficaces», souligne l’expert. Ce dernier, ainsi que d’autres scientifiques, notamment le Pr Azedine Ibrahimi, membre du Comité scientifique national pour la gestion de la Covid-19, assurent que le Maroc gagnerait à acquérir cet antiviral et à l’utiliser. Cela aiderait le Royaume à changer son protocole de traitement (www.lematin.ma). Le Royaume l’importera-t-il finalement ? Contacté par nos soins, le ministère de la Santé affirme que l’importation de ce médicament n’est pas à l’ordre du jour.
Recherches probantesr>Il est à noter que le monulpiravir était tout d’abord destiné au traitement de l’hépatite C et la grippe. Plusieurs recherches ont été menées dans ce sens, mais il n’a pas été utilisé pour ces fins. «Ce médicament a été “repositionné” pour tester son efficacité contre la Covid-19. Cela a permis au laboratoire de gagner un temps précieux et d’éviter de repasser par toutes les étapes de recherches qui pourraient prendre des années. Cet antiviral a ainsi montré une grande efficacité lors des essais cliniques des laboratoires Merck. Il réduit de 50% le risque de développer des cas graves de la maladie et les décès, ce qui est très important», explique Dr Hamdi. L’expert nous rappelle que le monulpiravir a montré des résultats spectaculaires lors des études menées auprès d’un groupe de 1.500 volontaires positifs à la Covid-19 et présentant au moins un facteur de risque aggravant comme l’hypertension ou le diabète.r>«L’essai clinique a été mené sur 775 personnes avec des cas légers à modérés de la Covid-19. Elles ont reçu le traitement dans les cinq jours après les premiers symptômes. Le taux d’hospitalisation ou de décès chez les patients ayant reçu le médicament a été de 7,3%, contre 14,1% chez le deuxième groupe de 775 personnes ayant eu un placebo. Aucun décès n’a été constaté chez les personnes traitées avec le molnupiravir, contre 8 dans le deuxième groupe. Les résultats étaient suffisamment convaincants pour qu’un comité indépendant de surveillance des données décide d’arrêter l’essai prématurément et faire bénéficier le second groupe du médicament», détaille-t-il.r>Enfin, Dr Hamdi nous apprend que le laboratoire Merck travaille actuellement sur un autre volet et que des études sont en cours pour vérifier l’efficacité du monulpiravir sur les cas qui ne sont pas positifs à la Covid-19, mais qui ont été en contact avec une personne positive afin d’éviter leur contamination.
Questions au médecin-chercheur en politiques et systèmes de santé
Dr Tayeb Hamdi : «Roche et Pfizer mènent des recherches pour développer des antiviraux »
Est-ce que la mise sur le marché du monulpiravir aura un impact significatif sur la lutte contre pandémie Covid-19 ?r>En effet, il s’agit d’une très bonne nouvelle, puisque le monulpiravir est le premier médicament destiné à traiter la Covid-19 avec une efficacité prouvée par des études scientifiques, répondant aux «Gold standard» de la recherche. Et comme il s’agit d’un médicament par voie orale, il évitera ainsi la surcharge des services de réanimation, les patients pourront prendre leur comprimé et suivre leur traitement à la maison.r>Les médicaments qui ont été validés jusque-là par l’Organisation mondiale de la santé sont des médicaments qui, en plus d’être chers pour certains, s’administrent sous forme d’injection en milieu hospitalier.
Croyez-vous que son prix élevé puisse être un obstacle pour certains pays comme le Maroc ?r>Oui effectivement. Le prix très élevé de ce médicament est un obstacle, même aux États-Unis. Ce n’est pas donné à tout le monde d’acheter le monulpiravir. Même avec des assurances maladie, cela coûte très cher. C’est pourquoi ce médicament, bien qu’il représente un espoir important dans cette longue guerre contre le coronavirus, ne doit pas remplacer la vaccination, mais plutôt la compléter, avec le maintien des gestes barrières. Le molnupiravir sera une option pour soulager les personnes malades et éviter qu’elles développent des formes graves. Mais quand le virus ne sera plus pandémique et que les cas deviendront isolés, cet antiviral ainsi que d’autres similaires qui seront développés dans le futur auront une place importante dans le traitement de la maladie avec plus de chances de ne pas développer une forme grave.
Comment peut-on, d’après vous, accélérer le développement de futurs antiviraux plus abordables ?r>Malheureusement, cela coûte toujours très cher. Rien que l’idée peut coûter des milliards. C’est le prix de la recherche qui est le plus pesant. Il est à noter toutefois que d’autres laboratoires, tels que Roche et Pfizer, sont en train de mener des recherches pour développer des antiviraux efficaces pour le traitement de la Covid-19. Pour l’instant, il n’y a que le monulpiravir du laboratoire américain Merck qui a passé toutes les étapes avec brio