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Troisième dose du vaccin anti Covid-19 au Maroc : les opinions scientifiques divergent

Faut-il prévoir une troisième dose du vaccin anti Covid-19 pour lutter efficacement contre la pandémie ? Si la question divise les experts au niveau mondial, qu’en est-il pour le Maroc ? Voici ce qu’en pensent les spécialistes contactés par « Le Matin ».

Ph: shutterstock.

04 Août 2021 À 22:16

La pandémie bat son plein dans le monde entier. Alors que les efforts se poursuivent d’arrache-pied pour assurer l’immunité collective, on commence déjà à parler d’une éventuelle troisième dose du vaccin afin de lutter efficacement et durablement contre cette pandémie inédite. Un débat qui divise les scientifiques du monde. Dans le souci de tirer au clair ce sujet, « Le Matin » a contacté des spécialistes en la matière. Les avis sont mitigés.

Pour Azeddine Ibrahimi, directeur du laboratoire de biotechnologie de la Faculté de médecine et de pharmacie de Rabat et du centre de recherche Medical Biotechnology Lab, «scientifiquement parlant, la question n’est pas prématurée et il est temps de la poser ». Effectivement, ajoute l'expert, « cela fait des mois que l’on discute à propos de ce sujet à l’échelle internationale. Le grand challenge aujourd’hui étant d’identifier les personnes qui vont bénéficier d’une troisième dose du vaccin pour avoir une immunité supplémentaire ». D’après Azeddine Ibrahimi, trois grandes catégories de profils seraient concernées par cette troisième dose : D’abord, les personnes très âgées qui ont une immunité très réduite. Ensuite, les personnes qui présentent une comorbidité agissant sur leur immunité. Et enfin, les personnes sous traitements réduisant leur immunité, notamment celles qui suivent des séances de chimiothérapies. « Au Maroc, nous sommes en cours d’identifier cette population pour pouvoir permettre à ces profils de profiter de cette troisième dose », note-t-il, avant de préciser que « l’implémentation de cette opération prendra du temps vu qu’il va falloir avancer sur la vaccination de la population avant d’envisager un rappel de troisième dose pour les gens qui en auront besoin ».

Interpellé sur ce sujet, Dr. Moulay Said Afif, Membre du comité scientifique et technique de la vaccination, confirme que la question relative à la nécessité de la troisième dose du vaccin est posée dans le monde entier. Pour le Maroc, précise-t-il, la priorité est d’abord de vacciner rapidement 80% de la population âgée de 17 ans et plus afin d’atteindre l’immunité collective. Le Pr Afif partage dans ce sens des chiffres clés : A ce jour, le vaccin a été administré à 97% de la population âgée de 75 ans et plus et à 95% des personnes âgées entre 65 ans et 74 ans. Le vaccin a également été injecté à 94% de la population âgée entre 60 et 64 ans. A la lecture de ces chiffres, nous pouvons aisément constater que la plupart des personnes âgées (les premiers concernés par la troisième dose) ont reçu le vaccin. Toutefois, le problème commence à se poser lorsqu'on évoque d’autres tranches d’âge. « Pour la population âgée entre 40 et 59 ans, seulement 70% de personnes ont été vaccinées et entre 30 et 40 ans, uniquement 30% de personnes ont reçu le vaccin », souligne-t-il avant de rappeler que l’immunité collective ne peut-être acquise que si l’on arrive à vacciner la majorité de la population. « La vaccination, tout vaccin confondu, protège contre les formes graves de la maladie ».

Pour sa part, Jaâfar Haïkal, professeur en médecine et expert en management sanitaire estime qu’au Maroc, il est important de faire des études pour avoir des données nous permettant de savoir s’il serait nécessaire de rajouter une troisième dose. « La discussion à propos de l’ajout d’une troisième dose est un peu prématurée dans le contexte marocain », souligne l’expert. Et d’ajouter qu’au Maroc, 35% de la population cible a reçu le vaccin, un excellent score.  Toutefois, "Quelle est la durée de la protection acquise via le vaccin ? Quelle protection en fonction du sexe, du type de vaccin ou encore des maladies chroniques », s'interroge-t-il . D’où l’intérêt , selon lui, des enquêtes et des études. Les données recueillies de ces études, ajoute l’expert en management sanitaire, permettront au ministère de la Santé, au comité scientifique et au gouvernement de prendre les décisions qui s’imposent parce que l’impact d’une troisième dose est évidemment sanitaire, mais aussi social et économique.

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