25 Décembre 2021 À 12:33
Tous les métiers ne vont pas être impactés de la même manière, mais, en règle générale, nombre d’entre eux va se renforcer, d’autres vont se transformer, de nouveaux vont émerger alors que les certains vont disparaître. Les domaines de l’It et des télécoms ne font pas exception à cette règle, d’après l’analyse de Yahia Sefraoui, directeur de la Transformation digitale à inwi. Interpelé sur l’avenir de ces métiers, il a indiqué que ceux-ci vont subir trois sortes de changement, entraînés dans ce mouvement par la digitalisation massive des entreprises et le développement de nouvelles technologies.
«Il est plutôt difficile de prédire ce qui va se passer dans 10 ans. Mais à court et moyen termes, on peut tracer la courbe de ce qui est en train de se produire», a-t-il assuré lors de son intervention, mardi dernier, à l’occasion de la quatrième Matinale du groupe «Le Matin», tenue en partenariat avec le Groupe Intelcia sur le thème : «Le secteur IT & télécoms dans 5 à 10 ans : quels nouveaux métiers, quelles nouvelles compétences ?»
«Certains métiers IT, qui étaient déjà très présents, seront encore plus sollicités. On va continuer à avoir besoin d’ingénieurs développeurs, de Tech Lead, de designer… parce qu’il y aura une demande encore plus accrue en termes de plateformes technologiques et de produits et services digitaux. C’est une tendance qui va persister et se renforcer, au moins sur les 5 prochaines années», détaille-t-il. Dans le domaine des télécoms, la demande en ingénieurs capables de planifier, d’exploiter et de mettre en place un réseau sera encore plus forte, ajoute-t-il.
L’autre niveau de changement selon le professionnel se traduit par la transformation des métiers dans le sillage des nouveaux besoins qui émergent et des nouvelles technologies qui apparaissent. «Avec le développement massif de plateformes technologiques, le type de services offerts change. De ce fait, des métiers qui existaient déjà vont se trouver fortement impactés par la nature de ces nouvelles plateformes et ces nouveaux services (gestion des infrastructures, gestion des applications dans le Cloud, DevOps…). Ces métiers-là ne sont pas complètement nouveaux, mais ils vont se modifier des suites de la nouvelle réalité», explique Yahia Sefraoui.
Quant au troisième changement, il concerne l’émergence de nouveaux métiers, à savoir la Data, l’Intelligence artificielle, l’IoT, le machine learning et l’infrastructure. «Ce sont des métiers relativement nouveaux qui ont pris aujourd’hui une grande ampleur. Je dis relativement parce que cela fait plusieurs années qu’on en parle, mais le marché marocain a pris beaucoup de retard dans ces domaines», regrette-t-il, mettant en avant la nécessité de donner un coup d’accélérateur à ces métiers pour rattraper le retard. «Aujourd’hui, il est n’est pas du tout aisé de recruter un Data Engineer ou un Data Scientist. Ces profils n’existent quasiment pas au Maroc», signale le professionnel.
Nouveaux métiers : Comment résorber le gap ?
C’est une réalité : le Maroc est en décalage avec d’autres pays dans les domaines technologiques, et par conséquent, dans l’émergence de nouveaux métiers tech. «Tout d’abord, il faut que l’entreprise, tout comme l’Etat, aient une idée claire sur le gap qui existe et le retard pris sur ces métiers d’avenir», répond Yahia Sefraoui . «L’entreprise doit identifier le manque à gagner et réfléchir sur le moyen de le combler», ajoute-t-il. Selon lui, celle-ci peut s’appuyer sur son écosystème de partenaires ou bien opter pour la contractualisation (faire appel à des freelances par exemple), ou encore mettre le paquet sur la requalification et la reconversion de ses collaborateurs. «Ce même mécanisme s’applique à plus grande échelle, celle du pays», note-t-il.
«Par ailleurs, il y a un certain nombre de technologies qui sont consommées à l’international et auxquelles on ne peut pas échapper», signale-t-il, estimant qu’il faut en comprendre les enjeux et en tirer le meilleur parti. «Aujourd’hui, il ne s’agit plus de ramener une technologie et de penser qu’elle va fonctionner. Il est désormais nécessaire de l’insérer dans un vrai cadre d’innovation», affirme l’expert. Et d’expliquer : «quand j’achète une solution, il faut que la manière dont je la déploie soit accompagnée avec un couche d’intelligence qui va me permettre d’offrir un produit différenciant et de créer mon avantage compétitif».
Autre exigence : trouver les compétences capables de mettre en place cette technologie au sein de l’entreprise. Mais l’idéal serait d’aller plus loin et de faire aussi un transfert de compétences, voir une localisation. «L’entreprise doit pouvoir développer, par la suite, certaines briques de cette technologie ou concevoir sa propre offre en la matière», souligne-t-il. Toute cette dynamique ne pourra que favoriser la création d’opportunités et aura assurément un effet bénéfique sur le marché des compétences.
La montée en compétences, un enjeu crucial
Pour Yahia Sefraoui, le constat est clair : l’offre en compétences IT et télécoms a besoin d’être renforcée et accompagnée par la formation. «Il est vrai que les formations ont évolué dans la bonne direction. Nous avons bien quelques programmes qui portent sur la Big Data et l’Intelligence artificielle, mais cela reste insuffisant», affirme-t-il. «Il faut renforcer la machine de création de nouveaux talents IT, ceci avec la formation dans les métiers émergents, mais aussi dans les métiers où il y a peu ou pas encore d’offre (gestion d’infrastructure DevOps par exemple), lesquels ont un certain degré de complexité nécessitant un niveau de compétences multidimensionnel», avance-t-il. «Et il faut surtout veiller à ce que les formations soient en adéquation avec les besoins du marché », insiste-t-il.
Le professionnel n’omet pas de mettre aussi les entreprises et leurs écosystèmes face à leurs responsabilités. «L’entreprise et son écosystème ont un rôle très important à jouer en termes d’opportunités et d’accompagnement des profils», relève-t-il. «Les organisations doivent appréhender la gestion des talents de manière différente. Elles doivent continuer de former le collaborateur même avec le risque de le perdre au bout de 18 mois. Elles doivent garder à l’esprit qu’elles vont elles aussi recruter un talent qui a été formé par d’autres entreprises», fait-il remarquer à juste titre. Cette dynamique permettra d'enclencher un cercle vertueux où la montée en compétences prendra une trajectoire exponentielle et profitera à tout l’écosystème.