10 Janvier 2022 À 19:35
Pour la période allant jusqu'en 2026, qui coïncide avec le mandat du gouvernement actuel, la loi prévoit l'entrée en vigueur de ses dispositions ayant trait notamment à l'enseignement, aux séances publiques des deux Chambres du Parlement et aux structures d’accueil dans les administrations publiques, établissements publics et collectivités territoriales.
L’échéance 2026
Ainsi, en matière d’enseignement, l’autorité gouvernementale chargée de l’éducation, de la formation et de l’enseignement supérieur, en coordination avec le Conseil national des langues et de la culture marocaine et le Conseil supérieur de l’éducation, de la formation et de la recherche scientifique, œuvre dans cette période (2021-2026) à la prise des mesures nécessaires pour permettre l’intégration de la langue amazighe de manière progressive dans le système de l’éducation et de la formation dans les secteurs public et privé. Cette langue devra être enseignée de manière progressive dans tous les niveaux d’enseignement préscolaire, primaire, secondaire collégial, secondaire qualifiant et de formation professionnelle. De même, la langue amazighe devra être intégrée durant cette période dans les programmes de lutte contre l’analphabétisme et d’enseignement non formel.
Dans le cadre des travaux des séances publiques du Parlement et de ses organes, la langue amazighe devra être utilisée à côté de la langue arabe. La loi dispose qu’une traduction simultanée de ces travaux à partir de et vers l'amazigh doit être réalisée. Chose qui n'est pas encore assurée au Parlement, comme en témoigne le récent incident impliquant le ministre de la Justice et une députée du Mouvement populaire.r>Au nombre des mesures également prévues par cette loi, devant être mises en œuvre d'ici 2026, figure la transmission en direct des sessions parlementaires sur les chaînes de télévision et de radio publiques amazighes, accompagnée d'une traduction simultanée de leurs travaux vers la langue amazighe. De leur côté, les administrations publiques, les établissements publics et les collectivités territoriales devront se doter durant cette période de structures d’accueil et de renseignement en langue amazighe, de même qu’un service en langue amazighe au sein des centres d’appels qui en relèvent.
L’échéance 2031
À l’horizon 2031, la loi n° 26-16 prévoit des dispositions portant notamment sur le domaine de la justice. Ainsi, elle stipule que l’État garantit aux justiciables et aux témoins le droit de communiquer en langue amazighe durant les procédures d’enquête et d’investigation, durant les procédures d’instruction et les audiences au sein des juridictions ainsi que lors des procédures de notification, de recours et d’exécution. «Dans le domaine de la justice, la loi n° 26-16 stipule que l’État garantit aux justiciables et aux témoins le droit de communiquer en langue amazighe durant les procédures d’enquête et d’investigation, durant les procédures d’instruction et les audiences au sein des juridictions ainsi que lors des procédures de notification, de recours et d’exécution. «L’État assure à cet effet un service de traduction à titre gratuit pour les justiciables et les témoins». Dans les dix ans à venir, l’État va œuvrer également à la qualification des magistrats et des fonctionnaires des juridictions concernés aux fins d’utilisation de la langue amazighe.
En matière d’enseignement, elle prévoit la généralisation de l’intégration de la langue amazighe aux niveaux de l’enseignement secondaire collégial et qualifiant. Elle prévoit également la création de filières de formation et de modules de recherches spécialisés dans la langue et la culture amazighe au niveau des établissements d’enseignement supérieur. Aussi, il est prévu d’adopter la langue amazighe dans les instituts de formation des ressources humaines pour le compte des administrations publique. Côté Parlement, il est envisagé à l'horizon 2031 d’éditer le «Bulletin officiel» du Parlement en langue amazighe.r>Par ailleurs, le texte de loi prévoit à l’échéance 2031 d'insérer en langue amazighe, à côté de la langue arabe, les mentions portées sur les documents suivants : la carte d'identité nationale, l'acte de mariage, le passeport, les permis de conduire et les différentes cartes et certificats personnels délivrés par l'administration publique. Il est également prévu d’intégrer la langue amazighe dans les sites électroniques des administrations, des établissements publics, des collectivités territoriales et autres services publics.
L’échéance 2036
Pour cette échéance, qui s'étale sur quinze ans, la loi stipule que l'administration œuvrera de manière progressive à la publication des textes législatifs à caractère général dans le «Bulletin officiel» en langue amazighe. Seront également publiés en langue amazighe, conformément à cette loi, les actes réglementaires, les décisions et les délibérations des collectivités territoriales dans le «Bulletin officiel» qui leur est consacré. Les administrations et services publics, ainsi que les collectivités territoriales, veilleront de leur côté à fournir les imprimés officiels et les formulaires destinés au public, les documents et les attestations délivrés par les officiers de l'état civil, les documents et les attestations délivrés par les ambassades et les consulats du Maroc, en langues arabe et amazighe.
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Entretien avec Ahmed Boukous, le recteur de l’Institut Royal de la culture amazighe : Mise en œuvre du caractère officiel de l’amazigh : «Les mécanismes juridiques sont disponibles, la volonté politique est annoncée... et le reste est à faire»
r>Le Matin : Quel est selon vous l’état d’avancement du chantier de la mise en œuvre du caractère officiel de l’amazigh ?
Ahmed Boukous : Avec la promulgation de la loi n°26-16, le programme gouvernemental intégré et le programme de gouvernement de l’actuelle mandature, le chantier de la mise en œuvre du caractère officiel de l’amazighe devrait connaître un début d’exécution.
• Au niveau de l’administration, du gouvernement, le ministère délégué chargé de la Transition numérique et de la réforme administrative a initié une séance de travail avec l’Institut Royal de la culture amazighe dédiée à l’étude des modalités de coopération en vue mettre en œuvre l’intégration de l’amazigh dans les services publics. À la suite de cette première réunion, l’Institut a proposé une approche pragmatique dont l’objectif est de répondre aux besoins de communication urgents des citoyens amazighophones, les tâches prioritaires ciblées étant l’accueil, la signalétique et les outils numériques bilingues arabe-amazigh.
• Au niveau de l’enseignement en général, la situation est encore stagnante. Au primaire, les effectifs des enseignants, des inspecteurs et le nombre d’élèves et d’écoles sont toujours insuffisants. Les annonces faites sur le tard par le précédent ministre sont prometteuses, elles concernent notamment le recrutement et la formation des enseignants, l’application des nouveaux curricula et des programmes, et l’élaboration des manuels et des guides pédagogiques. À ce jour, elles restent lettre morte. Dans le supérieur, il existe quatre ou cinq universités qui accueillent de manière inégale les études amazighes. Du fait du chômage des lauréats des promotions précédentes, de moins en moins d’étudiants sont attirés par les études amazighes. Il faut dire que le mandat de l’actuel ministre n’est qu’à ses débuts, l’espoir est donc permis… mais le temps passe, car les prévisions de la loi n°26-16 et la loi-cadre n°51-17 relative au système éducatif national sont fermes.
Êtes-vous satisfait de l’avancement de ce chantier ?
Pour résumer la situation, il y a beaucoup de promesses. Les mécanismes juridiques sont disponibles, la volonté politique est annoncée… et le reste est à faire. L’Institut, qui est avant tout une institution de recherche, d’accompagnement et de consultation, essaie de faire au mieux dans un environnement interne et externe marqué par le manque de visibilité.
Comment, selon vous, peut-on avancer plus vite dans la mise en œuvre du caractère officiel de l’amazigh ?
Le chantier de l’amazigh est un chantier national parmi de nombreux autre chantiers. Pour avancer, je dirais en toute modestie qu’il faut mettre en œuvre «la stratégie», «la vision» et «les plans» annoncés en commençant par recruter et former les ressources humaines nécessaires et procéder ensuite à l’évaluation du système à partir des résultats et à l’aune de l’effectivité.
Selon vous, il reste à promulguer les décrets d’application en la matière. Pensez-vous que le gouvernement actuel a donné assez de signaux forts pour aller dans ce sens ?
Pour l’instant, l’unique texte d’application est le décret 2.20.600 relatif à la constitution de la Commission ministérielle permanente chargée du suivi et de l’évaluation de la mise en œuvre du caractère officiel de l’amazigh. À ma connaissance, elle n’a pas encore commencé à travailler. Le gouvernement actuel, qui a une configuration à dominante technocratique, sera probablement amené à approcher les problèmes de manière pragmatique et rationnelle. Les textes d’application s’inscrivent naturellement dans cette logique.
Quelle lecture faites-vous donc du budget consacré à la promotion de la culture amazighe dans la loi des Finances 2022 ?
C’est un début prometteur. On se pose évidemment des questions sur sa finalité, son volume, ses bénéficiaires, ses modalités de gestion, etc. Les observateurs sur le terrain affirment que le premier poste à pourvoir est celui du recrutement et de la formation professionnelle des lauréats des études amazighes pour assurer les tâches déclinées dans le programme commun du gouvernement relatif à la mise en œuvre du caractère officiel de l’amazigh. Tout récemment, le porte-parole du gouvernement avait annoncé que le prochain «Nouvel An amazigh» sera célébré bien comme il faut.
Comment l’IRCAM a-t-il accueilli cette annonce ?
On ne peut qu’applaudir à toute initiative de promotion de l’amazigh s’inscrivant dans le cadre des dispositions constitutionnelles et légales. Les symboles de la reconnaissance de l’identité culturelle marocaine en font partie, et parmi ces symboles, il y a le Nouvel An amazigh. Nous fêterons donc ensemble et dans l’allégresse l’An 2972.
r>Propos recueillis par Brahim Mokhlissr>