Économie

Le Crowdfunding, un nouvel élan pour un secteur en transition

Le Crowdfunding est sur toutes les langues. Il s’agit d’une formule de financement participatif qui a fait ses preuves à l’étranger, mais qui tarde à décoller au Maroc, en raison des contraintes juridiques. Entre 2019 et 2021, seuls 3,7 millions de dirhams ont été collectés pour financer des projets au Maroc, essentiellement via des plateformes étrangères. Toutefois, l’avenir est prometteur en raison de l’intérêt grandissant des acteurs publics et privés pour ce secteur en transition.

31 Juillet 2022 À 12:27

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Le financement collaboratif ou Crowdfunding signifie littéralement «le financement par la foule». C’est un moyen de financement alternatif qui permet aux entreprises, aux startups, aux associations, aux initiatives de la société civile et aux coopératives de faire appel à la communauté afin de financer leurs projets en récoltant des petits montants. De manière générale, ce type de financement se fait au travers d’une plateforme web avec l’aide des réseaux sociaux afin de faciliter la communication.

Le principe est simple. Le porteur de projet lance une campagne sur des plateformes de Crowdfunding, où il présente son projet et l’usage qui sera fait du montant qu’il cherche à collecter. Autrement dit, il s’agit d’une campagne de communication fixée dans le temps, visant à engager la communauté et collecter une somme d’argent pour un objectif bien défini. Ces activités prennent trois formes de financement, à savoir le prêt, l’investissement en capital et le don.

Au-delà d’être une formule efficiente pour financer leurs projets, le Crowdfunding est également l’occasion pour les entrepreneurs de communiquer autour de leurs projets et de les faire connaître auprès de leur cible. En effet, le Crowdfunding résout une problématique majeure pour les entrepreneurs : l’accès rapide au marché pour valider l’idée. Les porteurs de projets peuvent ainsi gagner et du temps et de l’argent. Autre avantage : la mobilisation de nouvelles sources de financement au profit des très petites, petites et moyennes entreprises (TPME) et des jeunes porteurs de projets innovants. Il devra également permettre la participation active des financeurs potentiels aux projets de développement du pays via un mécanisme de financement simple, sécurisé et transparent.

«Aujourd’hui, la grande difficulté pour les projets entrepreneuriaux, ce sont les pics et les vallées en termes de financement ou ce qu’on appelle la vallée de la mort. On a un premier financement pour se lancer, mais pour passer à la prochaine étape il faut plus d’argent. Le potentiel qu’on peut voir dans le Crowdfunding est cette possibilité de se positionner pour créer des ponts et permettre à ces entrepreneurs de traverser cette vallée de la mort avec moins de difficultés», souligne Eric Asmar, CEO de Happy Smala.

Un cadre réglementaire en construction

Les modèles de Crowdfunding basés sur les dons, l’investissement/equity et le crédit sont à leurs débuts au Maroc. L’adoption du décret d’application de la loi 15.18 relative au financement collaboratif en mai 2022 par le Conseil du gouvernement et la publication par Bank Al-Maghrib de plusieurs textes réglementaires en juin dernier viennent compléter le dispositif prévu pour encadrer ce mode de financement.

«Malgré le retard observé au niveau de la mise en œuvre d’une réglementation appropriée, le cadre légal est en train de se mettre en place. L’adoption de la loi 15-18 sur le Crowdfunding constitue une avancée importante annonçant un départ prometteur de cette activité au Maroc. Cependant, cette loi ne comprend pas toutes les mesures réglementaires suffisantes pour faire intégrer efficacement ce secteur dans le marché marocain», explique Sylvain Alassaire, fondateur du cabinet Alassaire Juri Conseil. Selon le spécialiste du Crowdfunding, le cadre légal est en train de s’installer dans le Royaume pour la partie «Prêts», par contre pour les parties «Dons» et «Investissements et Prise de participation», il reste encore du chemin à parcourir.

Il existe toutefois un modèle de Crowdfunding qui se développe au Maroc sans problèmes. Il s’agit du modèle de la prévente, qui entre dans le cadre juridique du e-commerce. D’ailleurs, ce modèle a permis à plusieurs entrepreneurs marocains de lancer leurs projets, à l’image de Youssef Ghalem, fondateur et directeur général de Miratti, une entreprise de maroquinerie haut de gamme made in Morocco, qui œuvre pour la préservation de l’artisanat.

«En 2018, quand j’avais lancé ma première marque de sacs, j’avais découvert une plateforme de prévente appelée “Wuluj”, qui donnait la possibilité aux créateurs de décrocher des financements avant de lancer la production. Ce concept a suscité mon intérêt pour réaliser une première campagne avec une vidéo filmée dans mon garage pour promouvoir mes produits. Le Crowdfunding a été une très bonne manière pour moi pour démarrer mon projet parce que je n’avais pas besoin d’investir énormément pour développer un stock de produits. À travers cette plateforme de prévente, je pouvais sécuriser des commandes au fur et à mesure du développement du projet», assure l’entrepreneur.r>Le Crowdfunding a le potentiel d’occuper une place clé dans le développement de la dynamique entrepreneuriale au Maroc. Entre les trois typologies qui seront autorisées au Maroc (le don ou la prévente, les crédits et l’investissement), le Crowdfunding sert en tant que moyen de financement transitionnel entre les autres types qui existent.

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Plus de 3,7 millions de dirhams collectés entre 2019 et 2021

Au Maroc, le financement collaboratif avance doucement, mais sûrement, selon les résultats de la deuxième édition du baromètre du Crowdfunding marocain, réalisée par les experts de Happy Smala et les étudiants de l’ESSEC Afrique. Ce rapport livre l’état des lieux de l’utilisation de ce mode de financement par les entreprises marocaines sur une sélection de 13 plateformes locales et internationales entre janvier 2019 et juin 2021. Ainsi, 171 projets marocains ont été financés via des plateformes de financement collaboratif entre 2019 et 2021, récoltant un total de plus de 3,7 millions de dirhams. Parmi ces projets, 60% sont portés par des particuliers, 27% par des associations, tandis que 10% des projets sont portés par des entreprises et 2% par des entités publiques. Le baromètre du Crowdfunding marocain livre également des précisions sur l’impact des projets financés. En l’occurrence, 40% du montant total récolté a servi à financer des projets sociaux, 22% à lancer des activités économiques et 10% à soutenir des projets éducatifs.

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Invité de «L’Info en Face» 

Sylvain Alassaire, fondateur du cabinet Alassaire Juri Conseil et spécialiste du Crowdfunding

«L’adoption de la loi 15-18 sur le Crowdfunding constitue une avancée importante, mais il reste encore du chemin à faire»

Le manque de réglementation suscite des interrogations sur l’avenir du financement collaboratif au Maroc. Dans l’attente de la mise en place d’un cadre légal complet pour avoir accès à ce type de financement, les entrepreneurs et les opérateurs du secteur se préparent à activer leurs projets via des plateformes de Crowdfunding. Ce constat a été affirmé par Sylvain Alassaire, fondateur du cabinet Alassaire Juri Conseil et spécialiste du Crowdfunding, invité de l’émission «L’Info en Face» du Groupe «Le Matin».

Malgré le retard observé au niveau de la mise en œuvre d’une réglementation r>appropriée, le cadre légal est en train de se mettre en place. L’adoption de la loi 15-18 sur le Crowdfunding constitue une avancée importante annonçant un départ prometteur de cette activité au Maroc. Cependant, cette loi ne comprend pas toutes les mesures réglementaires suffisantes pour faire intégrer efficacement ce secteur dans le marché marocain. Selon Sylvain Alassaire, fondateur du cabinet Alassaire Juri Conseil, spécialisé dans le conseil juridique en Droit des affaires, le cadre légal est en train de s’installer dans le Royaume pour la partie «Prêts», par contre pour les parties «Dons» et «Investissements et Prise de participation», il reste encore du chemin à faire. Au niveau de la dématérialisation, le spécialiste du Crowdfunding a évoqué le cadre légal installé au Maroc qui permet de dématérialiser des actes par voie électronique avec une signature électronique sécurisée. En ce qui concerne tout ce qui est lié à l’investissement et à la prise de participation, il affirme qu’il y a toujours un manque de lois et de textes d’application et de clarté réglementaire sur l’investissement en action.

Qui peut bénéficier du financement collaboratif ?r>Avant de citer les bénéficiaires du Crowdfunding, Alassaire a défini ce type de financement comme une source de financement collaboratif qui, à travers une plateforme technologique, va mettre en relation des porteurs de projet et des contributeurs. En effet, le législateur a prévu trois types de financement collaboratif, à savoir le don, le prêt avec ou sans intérêt et l’investissement dans une société commerciale.r>Les bénéficiaires du financement collaboratif sont les porteurs de projet, qui peuvent être des personnes physiques ou des personnes morales portant des projets à but lucratif ou non lucratif. Dans ce contexte, le spécialiste a précisé que ce financement est ouvert à tous types de projets, mais il y a certaines activités qui sont exclues, notamment la promotion immobilière, les établissements de crédit et les sociétés d’assurance, ainsi que les structures en redressement ou en liquidation judiciaire.

Les dons anonymes peuvent-ils passer par le Crowdfunding ?r>Les principales spécificités du Crowdfunding résident dans ses aspects de traçabilité et de transparence. Ce type de financement passe par un processus bien défini avant qu’il soit accordé. Alassaire a signalé, dans ce sens, que le Crowdfunding ne fait pas de dons anonymes. Ce point permet d’installer un climat de confiance chez toutes les parties prenantes. «Il y a tout un parcours tracé et transparent qui se fait pour le financement : tout d’abord, l’argent passe par des établissements de crédit dans le cadre de plusieurs conventions signées», a expliqué le spécialiste, notant que les sociétés de financement collaboratif, qui ont une mission d’intermédiaires, ont la responsabilité de s’assurer que l’argent est destiné à la bonne adresse.r>En termes d’agilité, Alassaire a indiqué qu’il y a un processus qui se fait de manière dématérialisée à travers la plateforme, précisant que «le législateur et les textes d’application prévoient que l’engagement de financer se fait à travers un contrat de financement collaboratif qui peut être dématérialisé».r>Par ailleurs, l’expert a souligné que bien au-delà de l’aspect financier et matériel, les plateformes du Crowdfunding offrent des services d’accompagnement, notamment de conseil et de gestion. C’est ce volet d’accompagnement qui va permettre aux porteurs de projets de bien ficeler leur campagne et la renforcer lors des différents stades de mise en place de leurs projets. 

 

 

 

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