Économie

La culture entrepreneuriale pour favoriser l’essor d’une génération confiante en ses capacités

De la famille à l’université, en passant par l’école, la culture entrepreneuriale se cultive et se développe dans un écosystème complémentaire qui ne néglige pas l’accompagnement. Le Maroc dispose d’un potentiel entrepreneurial important qui est encore mal exploité par manque de synergie entre les composants de l’écosystème, à commencer par l’école et l’université.

03 Avril 2022 À 18:29

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La culture entrepreneuriale est constituée de qualités et d’attitudes qui expriment la volonté d’entreprendre et de s’engager pleinement dans ce que l’on veut faire et mener à terme : autonomie, créativité, esprit d’initiative, confiance en soi, leadership, esprit d’équipe, sens de l’effort, responsabilité, solidarité, persévérance. On pourrait donc considérer comme éducative et en faveur du développement entrepreneurial toute activité pédagogique individuelle ou collective favorisant leur mise à contribution. r>Encourager l’entrepreneuriat et en faire une culture est l’une des questions omniprésentes dans les débats publics, notamment dans le monde de l’enseignement. La complexité de la réflexion autour de ce sujet vient du fait qu’elle concerne à la fois les acteurs de l’enseignement public et privé, les intervenants de l’écosystème entrepreneurial, mais aussi et surtout le cadre familial. Le dialogue devra donc être élargi à ce trio pour arriver à examiner les freins qui empêchent l’émergence d’une nouvelle génération d’entrepreneurs créateurs de valeur ajoutée pour le pays. 

Il ne fait aucun doute que le Maroc dispose d’un très fort potentiel entrepreneurial. Dans la dernière étude Global Entrepreneurship Monitor (GEM), près de 75% de la population sondée a exprimé son intérêt d’opter pour une carrière entrepreneuriale et près du tiers a exprimé l’intention d’entreprendre dans le futur. Toutefois, la face cachée est que ces intentions ne se transforment pas toujours en créations d’entreprises. Le Maroc a un taux de création parmi les plus faibles dans la région, soit un peu plus de 7%. «On peut former à l’entrepreneuriat dans une école ou dans une université. Par contre, on doit inculquer l’esprit d’entreprendre au sein même de la famille et, par la suite, il faut assurer aux jeunes les outils pour qu’ils puissent créer leurs entreprises à l’avenir. Encore faut-il que l’environnement où ils évoluent soit favorable à la prise d’initiative et de risque», note le vice-président du Centre de très petites entreprises solidaires, Hassan Charaf.r>En effet, l’un des éléments qui expliquent ce faible taux de transformation est l’absence d’esprit d’entreprendre et de prise de risque au sein de la population. Une situation qui s’explique par le taux élevé d’échecs, chose qui nourrit la peur de la prise d’initiative et de la création d’entreprise. D’où la nécessité de promouvoir un esprit entrepreneurial dans l’enceinte du monde de l’éducation et de la formation, mais aussi dans l’environnement socioéconomique.

Autre paramètre à souligner, la défaillance de l’écosystème entrepreneurial au Maroc. L’absence de structures d’accompagnement suffisamment étoffées pour accompagner les jeunes entrepreneurs constitue également un frein pour l’émergence de l’entrepreneuriat en tant que voie pour un développement pérenne. L’État est ainsi appelé à jouer son rôle pour développer un écosystème favorable à l’entrepreneuriat. Inciter les jeunes à la création d’entreprise passe par la mise en place d’un environnement propice qui accompagne la dynamique entrepreneuriale, que ce soit au sein de la communauté, du milieu de l’enseignement ou encore du tissu socioéconomique. Il faut une réelle volonté à tous les niveaux pour faire éclore le potentiel entrepreneurial dont notre pays dispose.

Face à une demande croissante d’emploi et à l’évidence que l’emploi salarié ne peut répondre à lui seul à cette demande, la meilleure option est d’encourager la culture entrepreneuriale auprès des jeunes et promouvoir les conditions nécessaires pour la création d’écosystèmes favorables à l’entrepreneuriat. En effet, le développement d’une culture entrepreneuriale permettrait de démocratiser l’aptitude à créer et à gérer la richesse, tant matérielle qu’immatérielle, favorisant ainsi l’essor d’une génération confiante en ses capacités.r>L’une des priorités est donc de contribuer à l’accompagnement et à l’orientation des jeunes vers le milieu réel, celui de la production de la richesse, mettant en valeur le rôle des professeurs pour faire de l’entrepreneuriat une matière de construction des capacités des jeunes issus de différentes filières. Ce genre d’actions permet de développer chez les jeunes les jonctions naturelles entre les capacités cognitives développées sur une matière dans les domaines théoriques et académiques et le monde du travail.

Ouvrir l’école au monde de l’entrepriser>L’école primaire, le collège et le lycée sont les fournisseurs de l’enseignement supérieur. C’est donc leur responsabilité également de développer la culture entrepreneuriale chez les apprenants. L’école, restée longtemps un peu passive, insensible aux besoins de sa communauté, commence à se sentir interpellée. Il existe également de nombreuses initiatives qui s’associent à l’école pour promouvoir la culture entrepreneuriale. Le programme Injaz Al-Maghrib en est une. Les programmes de formation sont ainsi destinés aux jeunes des établissements publics du primaire à l’université. «Notre objectif est de former les jeunes à l’entrepreneuriat et de les préparer à la vie active en leur permettant de suivre une formation dispensée par des cadres d’entreprises qui enseignent bénévolement les programmes de formation. Nos programmes sont des programmes éprouvés au niveau international, conçus par Junior Achievement Worldwide, leader mondial en matière d’éducation à l’entrepreneuriat depuis 1919, traduits et adaptés au contexte marocain par notre association», indiquent les responsables du programme. Et de confirmer que des études menées en Europe ont démontré que 30% des jeunes qui suivent la formation «Company Program» créent leur entreprise à l’âge de 25 ans.

L’Université entrepreneuriale génératrice d’un capital humain entrepreneur

Le concept d’Université entrepreneuriale mise sur l’idée d’une révision des structures et fonctions académiques pour aligner les missions de recherche et d’enseignement avec celle du développement économique. En ce sens, l’Université entrepreneuriale intégrerait une mission de développement économique à l’intérieur de l’institution universitaire. Face à un environnement qui se mondialise et impose des normes beaucoup plus innovantes en adaptation avec les exigences de la compétitivité et la concurrence, la contrainte des universités est plus grande : offrir aux étudiants un enseignement supérieur hautement défini, qui répond aux standards pédagogiques innovants. Cette innovation est considérée comme étant «la fonction spécifique de l’entrepreneuriat». La mission traditionnelle de l’université, à savoir l’enseignement et la recherche, est remise en question en faveur d’une nouvelle orientation dite entrepreneuriale. Ce terme a été adopté par des universitaires et des décideurs politiques pour décrire les universités qui remplissent efficacement cette «troisième mission». Maillon fort de l’écosystème entrepreneurial, l’université doit interagir avec son environnement socioéconomique pour relever les défis imposés par la globalisation et saisir les opportunités que représente l’orientation entrepreneuriale. 

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Avis de l’expert 

Hassan Charaf, vice-président du Centre de très petites entreprises solidairesr>«L’acquisition de l’esprit d’entrepreneuriat démarre à l’école et se développe au cours du cursus de formation»

Comment inculquer la culture de l’entrepreneuriat chez les jeunes ? r>La culture entrepreneuriale repose sur un processus indéterminé que l’on ne peut pas limiter dans le temps. Mais ce qui est certain, c’est que son développement prend ses marques dès l’école primaire. Toutefois, cette culture, pour qu’elle puisse atteindre un ancrage dans les esprits, nécessite une démarche d’accompagnement tout au long du cursus scolaire du primaire jusqu’au supérieur. En effet, l’acquisition de l’esprit de l’entrepreneuriat démarre à l’école et se développe par la suite tout au long du cursus de formation. Cela passe par l’apprentissage de plusieurs valeurs et soft skills, à savoir l’esprit d’équipe, la gestion du stress et du temps, la créativité, l’innovation, etc. Ces compétences apprises à l’école sont liées au monde de l’entrepreneuriat, et donc ces deux environnements sont complémentaires.   r>Il convient de mentionner également que la culture entrepreneuriale ne se limite pas au niveau scolaire ou éducatif. Elle peut se manifester également au niveau sociétal et social, par l’adoption d’un ensemble de comportements et la prise d’initiatives qui contribuent à l’acquisition de la culture entrepreneuriale. À titre d’exemple, la médiatisation de cette thématique, l’organisation de prix pour honorer les jeunes acteurs dans ce domaine, l’exposition des «success-stories» pour inspirer les jeunes, etc. Ces actions et d’autres contribueront au développement du mindset entrepreneuriale chez les jeunes.

À votre avis, naît-on entrepreneur ?r>La question à mon avis n’est plus à poser, du moment que la culture de l’entrepreneuriat se cultive. Je pense que chaque individu naît avec des compétences et des habiletés d’entrepreneur. C’est inné, sauf que certains d’entre nous ont besoin de stimuler et réveiller ces compétences. Puis nous devons les nourrir et les développer par l’apprentissage, l’accompagnement et l’expérience. À mon avis, la persévérance reste la voie vers le succès et l’excellence, cela s’illustre parfaitement à travers les expériences de personnes qui ont démarré leurs carrières d’entrepreneurs avec des moyens très modestes, mais grâce à l’ambition et à la persévérance, ils sont aujourd’hui très distingués. 

Quelles sont les compétences requises pour entreprendre ? r>Aujourd’hui, nous vivons dans un monde VUCA, volatile, incertain, complexe et ambigu. Les changements s’opèrent très rapidement, et cela impose un nouveau mindset pour l’entrepreneur, plus accéléré et pratique. Concernant les compétences à avoir pour percer et arriver au bout de son expérience dans l’entrepreneuriat, il en existe à mon avis beaucoup que je peux résulter en quatre principales catégories : compétences techniques, managériales, humaines et Innovatrices. Ainsi, un jeune dirigeant doit impérativement développer ces compétences, puisqu’elles touchent non seulement l’aspect technique et scientifique, mais également l’aspect humain et éthique. Je tiens à cette occasion à saluer et encourager profondément tous les jeunes qui veulent commencer leur carrière en entrepreneuriat. 

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