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Agriculture : les cultures gourmandes en eau dans le viseur de Nizar Baraka

Face à la raréfaction de ses ressources en eau, le Maroc est appelé à opérer des choix nouveaux dans plusieurs domaines, notamment en agriculture. À cet égard, le ministre de l'Équipement et de l'eau, Nizar Baraka, est on ne peut plus clair : les intérêts stratégiques du Royaume ne peuvent être mis en concurrence avec les gains économiques. «D'où la décision du gouvernement d'abandonner cette année la culture de la pastèque dans la région de Tata», a-t-il affirmé jeudi à Rabat lors d’une rencontre-débat. S’agissant des cultures gourmandes en eau, fortement décriées en cette période de stress hydrique, il a annoncé notamment l’abandon de la culture des pastèques dans la région de Tata et la signature d'un contrat pour la protection de la nappe phréatique de Boudnib où de grandes exploitations agricoles puisent l'eau de cet aquifère pour irriguer les palmiers dattiers. M. Baraka a déploré par ailleurs le fait que la convergence qui devait rattacher le Plan Maroc vert à la stratégie nationale de l'eau ne soit plus d'actualité, étant donné que la commission interministérielle chargée du suivi n'est plus opérationnelle et aussi en raison de l'émergence d'autres cultures non prévues initialement par le PMV.

04 Mars 2022 À 17:41

Le ministre de l'Équipement et de l'eau, Nizar Baraka, multiplie les rencontres ces derniers temps, et il y a bien une raison à cela. La sécheresse de cette année a déclenché l'alarme sur les réserves d'eau du Maroc. Le taux de remplissage des grands barrages ne dépasse pas les 33% et le niveau des nappes phréatiques continue de baisser. Ainsi, lors de la rencontre organisée jeudi dernier par le Club de la presse du Maroc sous le thème «L'eau comme enjeu marocain», en partenariat avec l'Institut supérieur de l'information et de la communication (ISIC), M. Baraka a été particulièrement interpellé par l’assistance sur la raison de la pratique de certaines cultures très gourmandes en eau, particulièrement celles situées dans des régions souffrant d'un déficit en ressources hydriques. Le ministre a alors répondu en disant qu'effectivement le moment était venu de passer à une démarche de contractualisation en ce qui concerne l'exploitation des eaux souterraines.

L'objectif étant de mettre fin à la surexploitation des eaux souterraines par une gestion intégrée de l'eau. Cela consiste à identifier le plafond des investissements possibles pour une région au regard de ses capacités en termes de ressources en eau. M. Baraka a indiqué dans ce sens qu'il sera procédé en ce mois de mars à la signature d'un contrat pour la protection de la nappe phréatique de Boudnib (région d'Errachidia où il existe de grandes exploitations agricoles qui puisent l'eau de cet aquifère pour la culture des dattes). Concernant les cultures consommatrices d’eau, comme celle de la pastèque, dans les régions de Zagoura et de Tata, le ministre a indiqué que l'apport économique de ces cultures est important puisque leurs produits sont destinés au marché européen durant le printemps. Mais, a-t-il poursuivi, les intérêts stratégiques du Royaume ne peuvent être mis en concurrence avec les gains économiques, d'où la décision du gouvernement d'abandonner cette année la culture de la pastèque dans la région de Tata. S’agissant de la pertinence des choix faits dans le cadre du Plan Maroc vert et de leur relation avec les modes de culture gourmands en eau, M. Baraka a tenu à tirer les choses au clair. «Au début, lorsque la stratégie nationale de l'eau et le Plan Maroc vert (PMV) ont été lancés, on a envisagé une convergence entre les deux plans, c'est-à-dire prendre en compte nos capacités en termes de ressources en eau pour implanter les filières agricoles.

Donc la mise en œuvre du PMV a pris cette dimension d'économie d'eau dans un premier temps, puis on s'en est éloigné pour plusieurs raisons, notamment le fait que la commission interministérielle chargée du suivi de ces stratégies est devenue non opérationnelle», a expliqué le responsable gouvernemental. Et de reconnaître donc que la convergence qui devait rattacher le PMV à la stratégie nationale de l'eau n'est plus d'actualité, «étant donné que la commission interministérielle chargée du suivi n'est plus opérationnelle et aussi en raison de l'émergence d'autres cultures non prévues initialement par le PMV».

Les stations de dessalement pour les côtes et les barrages pour l'intérieur du pays

En matière de ressources en eau, l'avenir du Maroc n'est pas encore scellé. Pour le ministre, les solutions sont encore valables et il faut simplement accélérer la mise en œuvre de la stratégie nationale de l'eau, laquelle accuse aujourd’hui un retard. L'axe principal de ces solutions consiste, selon M. Baraka, à optimiser l'exploitation des eaux de surface (aujourd'hui, nous ne parvenons à mettre à profit que 22 milliards de mètres cubes sur les 140 milliards disponibles).

Pour cela, il est nécessaire de construire des barrages (grands barrages, barrages collinaires...) pour retenir ces eaux. Le nombre de barrages à construire dans le cadre de la stratégie nationale de l'eau est resté en deçà des prévisions, en raison de plusieurs facteurs liés aux procédures d'expropriation, mais aussi au manque d'entreprises en capacité de prendre en charge la construction, explique M. Baraka. Ces barrages auront pour mission de retenir davantage de ressources en eau destinées à assurer l'approvisionnement en eau potable des villes de l'intérieur et également l'irrigation des terres. Ils serviront également à alimenter artificiellement les nappes phréatiques, souligne-t-il. Aussi, précise M. Baraka, il est nécessaire de réaliser, parallèlement à la construction de ces barrages, les canaux destinés à l'irrigation. Pour assurer également l'approvisionnement en eau potable des villes côtières, il est également prévu de construire une vingtaine de stations de dessalement, dont celle de Casablanca qui apportera 125 millions de mètres cubes.

L'entrée en service de cette station était prévue en 2016, ainsi que celle de Saïdia en 2019, mais la réalisation des deux stations a pris du retard. M. Baraka a également expliqué que les futures stations devraient tourner avec des énergies renouvelables, afin de diminuer le coût du mètre cube d'eau. Ainsi, le coût du mètre cube d'eau qui sera produit par la station de dessalement de Dakhla fonctionnant aux énergies renouvelables est de 2 dirhams contre 5 dirhams pour celui de la station d'Agadir ne bénéficiant pas de ce type d'énergie. Le ministre a également fait savoir que l'eau produite par ces stations sera minéralisée pour éviter l'apparition de certains maux constatés dans certains pays qui emploient cette technique.r> 

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