24 Novembre 2022 À 21:33
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Flambées des prix des produits énergétiques, décarbonation, changement géopolitique… sont autant de signaux d’alerte pour ne pas rater le virage que le monde est en train de négocier. Le Maroc a bien compris cela. «Sa Majesté le Roi vient de présider une réunion de travail consacrée aux énergies renouvelables, à leurs perspectives et aux fortes ambitions de notre pays sous l’impulsion des Décisions Royales visant à accélérer et accompagner le développement de ces énergies», souligne Mohammed Haitaimi, PDG du Groupe «Le Matin», lors d’une conférence sur le thème «Autoproduction électrique : comment accompagner les industriels à réussir leur transition énergétique ?», organisée hier à Casablanca par le Groupe «Le Matin». Aujourd’hui, le monde vit une bascule qui est extrêmement importante et très fortement symbolique. «Cette bascule, on la voit venir depuis longtemps. Les premiers explorateurs des premiers gisements de pétrole savaient dès le début que cette énergie était limitée. Aujourd'hui, on arrive au moment où on prend conscience de la vraie valeur de l'énergie. Nous étions dans un système où l'énergie n'était pas valorisée. C'est ce qui a créé cette extraordinaire inflation», estime Moundir Zniber, PDG de Gaia Energy, lors de cet événement du Cycle de Conférences du Groupe «Le Matin».
Mohammed Houari, directeur énergies renouvelables AMEE
• Le point de départ des énergies propres remonte à 2009 avec le lancement, par Décision Royale, d’une politique marocaine en matière de choix des stratégies énergétiques et pour opter pour les énergies renouvelables et pour l’efficacité énergétique. Cela étant, il y a encore des décrets et des choses à compléter.
• Le Maroc a fait le choix de prioriser l’économie verte, la technologie, l’approvisionnement énergétique renouvelable et l’exploitation des ressources locales.
• Concernant la production, en plus du solaire et de l’éolien, la part de l’hydraulique est très importante dans la production d’énergie électrique. Malheureusement, ces dernières années, il n’a pas été très performant, à cause du manque de précipitations et de la sécheresse.
• Pour la décarbonation, il y a une task force nationale pour mettre en place les outils en matière de calcul de son empreinte carbone, ainsi que pour faire un bilan carbone au sein des entreprises en vue d’avoir ce label et cette particularité de produire avec un faible taux d’émission de gaz à effet de serre. La task force comprend 5 acteurs nationaux publics et privés qui travaillent ensemble pour être préparés à cette décarbonation.
Slama Lmbirik, directeur général de NRGYL
• Une réduction de 80% de la consommation énergétique pendant les heures pleines peut quelque part induire en erreur. Prenons l’exemple d’un industriel qui fonctionne 24 h/24. Dans le meilleur des cas, les heures pleines ne vont pas dépasser 10 h, soit 40% du nombre d’heures de fonctionnement de l’industriel. Avec l’application des 80% de l’économie d’énergie, on va tourner autour de 25 et 30% par jour. Sur la facture énergétique, il n’y aura pas réellement de réduction de 80%, sauf si l’on décide de suivre la courbe du soleil et de ne fonctionner que pendant les heures d’ensoleillement.
• On a tous entendu parler du projet de 850 Wind dans lequel le prix du kilowatt était à 27 centimes. On a aussi entendu parler du Portugal où c’était à 11 centimes. Pour quelqu’un qui paye actuellement 1,20 DH lors des heures de pointe, si on lui parle d’un prix du kilowatt en centimes, ceci va certainement l’impressionner, mais la réalité est un peu différente et c’est ce qui frustre les industriels. • Pour quelqu’un qui paye 1 million de DH de facture d’énergie, une réduction de 10% ou de 12%, ce n’est pas quelque chose de négligeable.
• Sur l’autoconsommation, j’ai participé il y a une quinzaine d’années à l’exploitation du premier projet qui a été raccordé au réseau moyenne tension, mais c’était un cas particulier où j’étais à la fois producteur, distributeur, transporteur et client. Le réseau est installé au siège de la direction de l’électrification rurale de l’électricité à l’ONEE. Certes, ce cas est très difficilement reproductible, mais il a le mérite d’exister. On arrivait à exporter sur mon réseau de l’ONEE l’excédent pendant les weekends où il n’y avait pas beaucoup de consommation au niveau des bâtiments.
• Le dispositif de «réseau moyenne tension» peut inspirer beaucoup d’industriels qui se sont lancés dans l’autoproduction. Il faut toutefois savoir que ça ne va pas être la réduction totale et l'atteinte d'économies importantes, mais il faut reconnaître qu’il y a quand même des économies derrière.
Moundir Zniber, président-directeur général de Gaia Energy
• Nous avons plus de 90% des industriels en termes de consommation et non pas en termes de nombre. 37 sont connectés en haute tension, alors que nous avons des dizaines de milliers d’autres qui sont connectés en moyenne tension.
• Les industriels connectés en moyenne tension ont mieux profité de la loi 13-09. Ils achètent de l’électricité qui n’est pas chère et qui est en renouvelable jusqu’à 90%.
• L’enjeu aujourd’hui c’est tout le reste de l’écosystème industriel qui ne peut pas s’approvisionner en électricité propre.
• Au sein de Gaïa Energy, nous avons créé une division qui s’appelle «Gaïa rooftop» dont le but est d’accompagner les propositions des solutions industrielles. On est déjà en discussion avec une centaine d’industriels différents qui ont tous des enjeux et des problématiques différents auxquels on doit pouvoir donner des solutions concrètes.
• Le premier problème est l’investissement : un industriel disposant d’une toiture de 10.000 mètres carrés avec une facture énergétique d’un million de DH et qui souhaite installer du solaire. Ceci va lui permettre de couvrir 25% de ses besoins énergétiques. Pour cet industriel, le fait d’investir 20 millions de DH sur sa toiture est une décision pas du tout facile, d’autant plus qu’il n’y a pas d’encouragements et de subventions dans ce sens.
• La solution la plus simple pour pallier ce problème consiste à recourir à des développeurs qui ont levé le financement. Ce type de financement est très difficile à lever, dans la mesure où on n’a pas vraiment cette vision de l’industriel qui peut se projeter sur le long terme.
• Pour pouvoir penser et fonctionner ‘’renouvelable’’, il faut être en mesure de penser que l’on va s’engager sur la longue durée. • La durée d’amortissement d’une toiture scolaire est de 6 à 7 ans au minimum, si l’industriel l’achète lui-même. Mais s’il fait appel à un développeur qui va l’installer pour lui, l’amortissement passe à 10 ans au minimum. L’industriel doit donc s’engager sur le long terme pour avoir un prix intéressant. Ces solutions existent, mais il faudrait qu’elles se dupliquent.