Économie

Entreprises publiques : la réforme se poursuit sur fond de gros investissements en 2023

L’effort d’investissement du portefeuille public des EEP ne semble pas s’essouffler. Après les 100 milliards de DH attendus à la clôture de l’exercice en cours, les EEP programment des investissements dépassant les 140 milliards de dirhams en 2023, soit une progression de 41% par rapport à 2022. Sur fond de bonnes performances en 2021 et 2022, l’État semble bien mener la danse en avançant pratiquement sur l’ensemble des chantiers de réforme du périmètre public des EEP. Amélioration de la gouvernance, réforme de la contractualisation, reparamétrages sectoriels, renforcement du contrôle de gestion… L’écosystème est promis à de belles perspectives de développement.

23 Octobre 2022 À 10:27

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Un investissement conséquent programmé par les entreprises et établissements publics en 2023 (EEP). Le portefeuille public mobilisera, en effet, 140,50 milliards de dirhams, en progression de 41% comparé à 2022. Dans ce tableau, le groupe OCP tient la corde avec 55,43 milliards de DH, suivi de l’Office national de l’eau et de l’électricité (ONEE – 12,69 milliards) et Masen (7,01 milliards). Ensemble, ces structures pèsent, à elles seules, 53% dans le volume global des investissements projetés par le portefeuille public. Selon le rapport sur les EEP, accompagnant le projet de Budget 2023, plus de 78% de ces prévisions relèvent des EEP du périmètre à gestion stratégique. Pour les exercices 2024 et 2025, le secteur des EEP devrait réduire ses investissements par rapport à ceux prévus pour l’année prochaine. Le portefeuille public devrait ainsi mobiliser 127,9 milliards de DH en 2024 et 106,8 milliards l’année suivante, dont une quote-part de plus de 72% devant être réalisée par les EEP relevant du périmètre de l’Agence nationale des participations de l’État. Pour l’exercice en cours, les investissements actualisés des EEP totalisent un montant frôlant les 100 milliards de DH, en progression de 8% par rapport aux prévisions initiales de la loi de Finances 2022 (92,125 milliards). Cette montée en flèche, l’Exécutif l’explique par les décisions prises, ultérieurement, lors des discussions budgétaires et des travaux des organes délibérants des EEP.

Réforme des EEP : les chantiers avancent doucement, mais sûrement

La réforme du secteur des EEP connaît actuellement des «avancées concrètes» à en croire le document préparé par le département des Finances. Le processus de préparation des textes d’application de la loi-cadre n° 50-21 portant le projet de réforme des EEP, en plus de l’opérationnalisation de l’Agence des participations de l’État et la réalisation des opérations de restructuration des EEP, est sur le bon chemin. Concrètement, sur les quatre textes législatifs prévus par la loi-cadre, trois sont en cours de finalisation en concertation avec les parties prenantes. 

Ces projets de textes portent sur la réforme de la gouvernance et du contrôle financier des EEP et la mise en place d’un régime des privatisations. De même, un autre texte, également en finalisation, viendra régir les conditions et les modalités de désignation des administrateurs indépendants au sein des organes délibérants des entreprises publiques. Un quatrième projet de texte portera sur la création de l’Instance centrale de liquidation. Il fait actuellement l’objet d’une étude. Sur le plan réglementaire, cinq projets de décret sont en gestation. Ils portent sur les modalités de nomination et de rémunération des représentants de l’État siégeant au sein des organes délibérants des EEP et sur celles liées à la nomination et la rémunération des membres indépendants siégeant au sein des organes délibérants de ces entités. Les décrets en projet viendront régir la contractualisation des relations entre l’État et les EEP, l’approbation du Code marocain de bonne gouvernance du portefeuille et l’évaluation du domaine public mis à la disposition des EEP. Selon les Finances, les deux premiers projets de décrets sont finalisés et mis dans le circuit d’adoption alors que les trois autres sont en cours de finalisation. Concernant l’Agence nationale de gestion stratégique des participations de l’État et de suivi des performances des EEP, les travaux seront accélérés pour la mise en place du Conseil d’administration de cette instance en vue de son opérationnalisation prochainement. D’ailleurs, indique l’Exécutif, le projet de décret relatif à la désignation des représentants de l’État au niveau du Conseil d’administration de l’Agence a déjà été mis dans le circuit d’adoption.

Le portefeuille public à redimensionner

De même, les travaux sont en cours pour la finalisation du projet de décret fixant les modalités selon lesquelles l’Agence procédera aux diligences nécessaires afin de donner son avis sur les opérations de capital et de portefeuille ainsi du projet de décret fixant la composition et les modalités de fonctionnement de l’Instance de concertation sur la politique actionnariale de l’État. Parallèlement, une étude confiée à un cabinet spécialisé est en cours de réalisation pour l’élaboration de cette politique actionnariale. Par ailleurs, indique le rapport, les travaux sont en cours pour la préparation des dossiers relatifs aux instruments de gestion de 8 établissements publics (l’Agence pour l’aménagement du site de la lagune de Marchica, l’Agence pour l’aménagement de la vallée de Bouregreg, l’Agence nationale de la conservation foncière du cadastre et de la cartographie, le Laboratoire officiel d’analyses et de recherches chimiques de Casablanca, la MAP, l’OMPIC, l’ONDA et l’ONP) relevant du périmètre de l’Agence en vue de leur passage au contrôle d’accompagnement, conformément à la loi n° 82-20 portant sa création. S’agissant des opérations de restructuration des EEP, les concertations et réflexions engagées auront abouti à l’élaboration d’une feuille de route visant d’un côté le redimensionnement du portefeuille public et d’un autre côté, le renforcement des modèles économiques de certains EEP. L’année 2022 aura connu ainsi le ciblage d’un nombre de secteurs jugés prioritaires dont l’énergie, le transport et la logistique, ainsi que d’autres secteurs (audiovisuel, jeux et loterie nationale) ou des EEP à forts enjeux (RAM, HAO, Barid Al-Maghrib). «Ces opérations de restructuration sont menées dans le cadre d’une approche collective et partenariale et visent le traitement, dans un cadre planifié, de tous les risques et problématiques qui entravent la réalisation des performances et projets de développement lancés par les différents acteurs», explique le département des Finances.

Endettement de l’ONCF : un schéma de réforme dans le pipe

L’Office national des chemins de fer (ONCF) a besoin d’une intervention d’urgence afin de l’alléger de son fardeau de la dette. Selon le rapport, des concertations ont été engagées pour la mise en œuvre d’un schéma de réforme optimal devant concilier entre les objectifs de développement des infrastructures et la modernisation de l’exploitation ferroviaire. L’objectif étant de pérenniser son modèle et assainir sa situation financière caractérisée par un endettement dépassant 43 milliards de dirhams. r>La dette pèse également lourd sur les finances d’Autoroutes du Maroc (ADM). La société porte, en effet, un endettement de près de 39 milliards de DH. Des évaluations sont ainsi en cours afin de doter le secteur autoroutier d’un modèle ouvert à des schémas de financement «alternatifs» et «innovants» pour assurer l’accompagnement du développement du secteur, tout en limitant le recours à l’endettement et aux actionnaires, dont l’État en particulier.

ONEE-Masen : un schéma unique en préparation

Dans le secteur de l’eau et de l’électricité, le projet de réforme portant sur le modèle multiservice de distribution de l’ONEE par la création de sociétés régionales de distribution est à un «stade avancé» de préparation. De même, des évaluations sont lancées pour définir le schéma institutionnel à consacrer pour les fonctions de production de l’énergie électrique et de gestion du réseau national de transport en vue de doter l’ONEE d’un modèle «viable» dans le cadre d’un schéma intégrant Masen (énergies renouvelables). Par ailleurs, le projet de réforme du dispositif de gouvernance et de contrôle financier de l’État sur les EEP, qui fait actuellement l’objet de consultations auprès des parties prenantes, est en phase de finalisation. Si tout va bien, le texte en projet empruntera les circuits d’approbation en 2023. 

Rappelons que la nouvelle version de ce projet entend doter les EEP d’un cadre juridique «unifié et clair» et instaurer les principes devant guider cette réforme que le gouvernement juge ambitieuse qui viendra consacrer l’autonomie des EEP, la responsabilisation des organes délibérants et des dirigeants, la restauration de la confiance des usagers, l’amélioration des performances des EEP, un meilleur service aux clients, un bon usage des deniers publics et une meilleure contribution des EEP au développement socio-économique. Autre chantier : l’actualisation du Code marocain de bonne gouvernance des EEP. Ce processus, en cours de finalisation, selon les Finances, est mené dans une logique visant à franchir de nouveaux paliers en corrélation avec les mutations de contexte marquées, notamment, par l’évolution des pratiques de gouvernance à l’international et par les exigences édictées, à ce titre, par la loi-cadre n° 50-21 portant réforme des EEP et surtout les objectifs de rehaussement de l’efficience de l’action des EEP.

L’objectif final étant de renforcer leurs contributions à la dynamique de transformation de l’économie du pays. Ainsi, les règles prescrites dans ce nouveau Code visent, en particulier, la consécration de l’autonomie des EEP, la responsabilisation et la professionnalisation des organes délibérants et la réduction de leur taille pléthorique. Il introduit également les administrateurs indépendants et prévoit une mixité plus équilibrée avec la clarification de leurs missions pour renforcer leurs rôles en matière d’orientation stratégique, de contrôle et d’évaluation des performances et de la gestion. 

Contractualisation État-EEP : De nouvelles conditions arrivent

Le chantier de contractualisation des relations entre l’État et les EEP revêt également une importance stratégique pour l’équipe Akhannouch. En effet, conformément à l’article 36 de la loi-cadre de réforme des EEP, les travaux sont en cours pour la finalisation du projet de décret devant fixer les nouvelles conditions dans lesquelles les contrats-programme doivent être conclus entre l’État et les EEP. r>Cette réforme est orientée de manière à donner au contrat-programme un contenu en termes de plan de développement à réaliser, des enjeux et des objectifs ciblés et surtout en termes de rehaussement de l’efficience économique et sociale de l’action de l’EEP concerné. Dans la future formule de ces cadres contractuels seront intégrées l’identification et la mise en œuvre des mesures de restructuration, de valorisation des synergies et des complémentarités avec les autres acteurs publics.  Ce projet de décret est appuyé par un nouveau guide méthodologique de contractualisation structuré selon une approche visant de faire du contrat un réceptacle «large» devant intégrer tous les axes de progrès pour renforcer l’efficience de l’EEP, allant de la viabilisation de son modèle, du dispositif de gestion et de pilotage de ses activités, de sa stratégie de transformation digitale, du renforcement du capital humain jusqu’aux actions de synergies, de complémentarités, voire de rapprochement ou de regroupement avec d’autres acteurs publics.

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De bonnes performances attendues cette année

Après une dure année 2020, marquée par la crise sanitaire, le portefeuille public constitué de 271 EEP a emprunté le chemin du redressement de ses indicateurs en 2021. Il a ainsi généré 285,48 milliards de DH de chiffre d’affaires, en hausse, respectivement, de 21 et 13% par rapport à 2020 et 2019. Les EEP relevant du périmètre de l’Agence des participations de l’État (avec un CA de 192,32 milliards de DH en 2021) ont pesé pour 67% du chiffre d’affaires global du portefeuille, marquant une nette amélioration de 28 et 14%, respectivement, par rapport à 2020 et 2019. La croissance du CA en 2021 est tirée notamment par le groupe OCP (84,30 milliards de DH) qui a réalisé une hausse significative de son CA (+50% et +56% respectivement par rapport à 2020 et 2019). Le géant phosphatier représente à lui seul 30% du CA du secteur (44% du CA des EEP du périmètre de l’Agence).

Il est suivi de l’ONEE qui a engrangé un CA de 39,28 milliards de DH, en appréciation de 7 et 4% par rapport à 2020 et 2019. Vient ensuite, le groupe CDG (+54% et +19% respectivement par rapport à 2020 et 2019 avec 12,38 milliards de DH) et à l’Agence nationale de la conservation foncière et du cadastre (ANCFCC) (+42 et +21% respectivement par rapport à 2020 et 2019 avec 8,09 milliards). Les probabilités de clôture de l’exercice 2022 tablent, pour l’ensemble du secteur, sur un CA de 344,17 milliards de DH, en progression de 20%. Pour le périmètre de l’Agence, l’Exécutif table sur un CA de 245,158 milliards de DH, en amélioration de 27%. La hausse prévue du CA revient aux performances attendues, notamment, du groupe OCP (+56% avec 131,33 milliards de DH), de l’ONEE (+6% avec 41,70 milliards), du groupe TMSA (3% avec 7,36 milliards) et du groupe ONCF (+12% avec 4,43 milliards de DH).

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