09 Janvier 2022 À 17:30
L’immense chantier de la généralisation de la protection sociale est sur les rails. Comprenant la généralisation de l'assurance maladie obligatoire de base, l'extension des allocations familiales aux ménages qui n'en bénéficient pas, l'élargissement de l'assiette des affiliés aux régimes de retraite et la généralisation de l'indemnisation de la perte d'emploi, ce projet est censé être pleinement opérationnel à l'horizon 2025.
Pour la première phase, qui court de 2021 à fin 2022, qui consiste en la généralisation de l'assurance maladie obligatoire de base, le gouvernement a manifesté dès les premiers jours son intention de prendre le taureau par les cornes pour réussir ce projet d’envergure. Ainsi, à l'issue des premiers conseils de gouvernement, plusieurs projets de décret ont été adoptés pour établir le référentiel réglementaire nécessaire à la mise en œuvre de ce chantier, permettant ainsi à quelque 11 millions de personnes et leurs ayants droit de bénéficier de la couverture médicale.
À compter de janvier, les commerçants et artisans tenant une comptabilité, les agriculteurs, les médecins, les dentistes, les prothésistes dentaires, les pharmaciens, les sages-femmes, les kinésithérapeutes, les opticiens, les audioprothésistes, les orthophonistes, les psychomotriciens, les orthoptistes, les podologues, les diététiciens, les psychologues, les vétérinaires, les notaires, les adouls, les huissiers de justice, les guides touristiques, les ingénieurs, les géomètres, les topographes, les chauffeurs de taxi, les artisans qui ne tiennent pas une comptabilité et les auto-entrepreneurs sont désormais assujettis à l’AMO. Les 11 millions de bénéficiaires de l’actuel Régime d’assistance médicale (Ramed) basculeront également vers l’AMO avant la fin de 2022. D'autres catégories professionnelles devront adhérer à l'AMO dans un avenir proche, comme les avocats, les ouvriers du bâtiment, les artistes, les professionnels du transport, du tourisme, de la pêche maritime, de l'industrie et des nouvelles technologies, de la presse, du cinéma et les petits artisans.
Cependant, la tâche du gouvernement est encore loin d'être accomplie à cet égard. Il doit d'abord s'ingénier à trouver des solutions appropriées aux réserves exprimées par certains corps (dont les avocats et les médecins) qui se mobilisent contre le décret n° 2.21.290 fixant les revenus forfaitaires sur la base desquels sont calculées les cotisations à l'AMO et le régime de retraite. Se pose ensuite la question de la capacité du secteur public à faire aboutir ce chantier, surtout quand on sait qu'il est la locomotive de tout régime de couverture médicale universelle.
Aujourd'hui, seulement 6% des prestations de la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) par exemple reviennent au secteur public, et ce pourcentage va encore baisser avec l'arrivée des bénéficiaires du Ramed (qui étaient uniquement pris en charge dans les établissements de santé publics) et qui auront désormais la possibilité de se faire soigner par le secteur privé. Il y a aussi la question de la soutenabilité des caisses d'assurance maladie, lesquelles seront soumises à une forte pression consécutive à la généralisation de l’assurance maladie obligatoire. Là encore, le gouvernement devra tâcher de trouver des mécanismes de financement additionnels aux cotisations (lesquelles finiront par atteindre leurs limites). Ce vaste chantier de généralisation de la protection sociale mobilisera, pour rappel, un montant total annuel de 51 milliards de dirhams d'ici 2025, dont 23 milliards seront financés par le budget général de l'État.