17 Mars 2022 À 16:57
La Russie et l’Ukraine sont d’importants acteurs mondiaux de l’agriculture-agroalimentaire et des carburants. En plus des produits pétroliers, ils fournissent plusieurs pays en maïs, graines de colza, huiles et graines de tournesol et blé. La guerre qui oppose ces deux pays a eu un impact à la hausse quasi immédiat sur les prix de ces produits. Cette hausse «accélère déjà l'inflation dans de nombreux pays», indique la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED) dans un rapport publié mercredi. Selon ce document, intitulé «The Impact On Trade And Development Of The War In Ukraine», le Maroc compte pour 1,9% des exportations ukrainiennes d'agroalimentaire. Par ailleurs, indique le rapport, au cours des périodes d'incertitude et de volatilité accrues, d’importants volumes de richesses se déplacent vers des valeurs refuges. Les investisseurs financiers boudent les actifs perçus comme à haut risque, tels que les titres de créance des marchés émergents vers des valeurs refuges comme les instruments de dette publique des économies avancées, ce qui «peut exacerber les pressions sur les taux de change des pays en développement et les soldes des comptes de capitaux extérieurs», explique le document. «Cela obligerait les économies en développement à resserrer les conditions monétaires intérieures, affaiblirait la croissance et ferait baisser la valeur réelle des revenus intérieurs», concluent les auteurs.
Attention aux "Fire sales" d'actifs !
La CNUCED met en garde contre le risque d'un cercle vicieux, alimenté par des «Fire sales" (ventes avec des remises excessives) d'actifs, la dévaluation du taux de change et l’augmentation des obligations de la dette extérieure. De même, l'augmentation significative des prix du pétrole et du gaz pourrait rediriger les investissements vers les industries extractives et la production d'énergie à base de combustibles fossiles, risquant ainsi d'inverser la tendance vers les énergies renouvelables observée au cours des 5 à 10 dernières années.
Les investissements Greenfield menacés
«Pris ensemble, ces changements dans les positions d'investissement et d'actifs (c'est-à-dire l'inversion des flux de capitaux) impliquent un risque sérieux de désinvestissements Greenfield (annulation d’investissements directs étrangers décidés lorsqu'une société transnationale s'installe dans un pays en voie de développement pour construire de nouvelles usines et/ou magasins, ndlr) et dans les pays en conflit», met en garde le rapport. La pression à la baisse sur les investissements serait particulièrement ressentie dans les infrastructures et les secteurs pertinents pour la réalisation des objectifs de développement durable (ODD).
Impact non négligeable sur les pays en développement et les ménages
Ainsi, prévoient les auteurs du rapport, les pays dépendants des importations de carburants et de denrées alimentaires verront se détériorer leurs balances des paiements et augmenter la pression sur les taux de change. En effet, la guerre en Ukraine met les décideurs macroéconomiques des économies avancées dans une situation difficile. Plus haute est l'inflation, plus elle augmente la pression pour resserrer la politique monétaire en augmentant les taux d'intérêt. Sur le court terme, les perturbations causées par la guerre et le potentiel de désordre financier pourraient amener les banques centrales à reporter tout resserrement et, au lieu de cela, accroître encore l'apport de liquidités. Ainsi, la montée du poids de la dette, la hausse des coûts du changement climatique, les effets pandémiques en cours et les chocs des prix des matières premières augmentent clairement le risque d'une crise de la dette dans les pays en développement.
Le rapport souligne également que l’impact de la hausse des prix touche principalement «les segments les plus pauvres de la population, car ils ont tendance à dépenser une part disproportionnellement élevée de leur revenu sur la nourriture». La combinaison des prix très élevés des denrées alimentaires et du carburant et du resserrement macroéconomique exercera une forte pression sur les ménages des pays en développement : les revenus réels seront compressés et la croissance économique sera limitée.