08 Septembre 2022 À 19:25
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«C’est une victoire obtenue au prix de pertes lourdes pour le vainqueur». C’est ainsi que Hassan Benaddi qualifie la victoire de la majorité actuelle lors des dernières élections législatives. C’est une «victoire à la Pyrrhus», dit-il. Invité de l’émission l’Info en Face, cet ancien SG du PAM n’a pas fait dans la dentelle. Il a tenu des propos très critiques et sévères au sujet des partis politiques (de la majorité comme de l’opposition, les anciens comme les plus récents). Sans langue de bois, et comme à l'accoutumée, M. Benaddi n’a pas épargné son ancien parti, le PAM. Concernant les partis de la majorité, il estime qu’ils ont remporté la victoire en septembre 2021 sur les islamistes qui ont été réduits à la portion congrue. «Mais parallèlement, on n’avait plus d’armées.
Les partis qui ont servi de réplique à la déferlante islamiste n’étaient plus de véritables partis», soutient l’ancien secrétaire général du PAM. Est-ce que cela veut dire que les partis formant la majorité, RNI, PAM et Istiqlal, ne sont pas à la hauteur ? Sa réponse est glaçante : «ces partis se sont avérés des machines électorales efficaces, mais ils ne sont pas véritablement des partis politiques. Parce que nous constatons que nous n’avons plus de Parlement aujourd’hui», déplore-t-il tout en concédant que ses propos vont «vexer beaucoup de monde».
Nouveau modèle de développement
Poursuivant son analyse, M. Benaddi affirme qu’il n’y a plus de débats entre ceux qui gouvernent et ceux qui s’opposent à eux et les critiquent. Or le jeu démocratique suppose, selon lui, une majorité au pouvoir et une opposition. «L’opposition a tendance à s’exprimer de manière quasi sauvage dans les réseaux sociaux, dans les salons, les stades de football… Vous savez, aujourd’hui, beaucoup de responsables politiques sont incapables d’aller à un match de football. Parce que c’est une force d’opposition qui s’est organisée et qui a un discours audible. Alors qu’au Parlement, il n’y a plus de discours audible», affirme-t-il.
Continuant sur sa lancée, Hassan Benaddi estime que la lecture du contexte actuel renseigne sur la gravité de la crise. «Tout le monde parle de l’inflation généralisée, la cherté de la vie, le mécontentement qui s’exprime à travers des hashtags… tout cela est l’expression d’un climat délétère. Quand on prend conscience des autres enjeux dans lesquels le pays est engagé, on est déçu. C’est vraiment un paradoxe. D’un côté, il y a une vraie feuille de route qui est le nouveau modèle de développement (NMD) auquel le gouvernement ne cesse de se référer, mais seulement dans un esprit d’évocation. Le NMD est en train de devenir une lettre morte», regrette-t-il.
Un cautère sur une jambe de bois
Sur le même ton critique, Hassan Benaadi qualifie de «cautère sur une jambe de bois» les mesures prises par le gouvernement pour faire face à la montée des prix. «Ce sont de petites mesurettes. Ce ne sont pas des réponses suffisantes». Plus que cela, il accuse les chefs des trois partis de la majorité de ne pas avoir de vision, de ne pas tenir le discours qu’il faut. Pour lui, un politique c’est d’abord un discours audible et crédible. «Vous avez, poursuit-il, par exemple un chef au Parlement qui dit que ceux qui critiquent le gouvernement sont des malades. Lorsqu’on est aux commandes, on n’a pas le droit de parler comme ça. Un politique doit convaincre les gens, ouvrir des perspectives, donner de l’espoir pour permettre aux gens de se mobiliser ensemble. Pour cela, il doit être crédible et pour l’être il faut que l’action soit juste». Pour toutes ces raisons, M. Benaddi estime ce gouvernement «a fonctionné en tant que catalyseur de catastrophes»... et que la responsabilité en incombe aux trois chefs des partis de la coalition gouvernementale.
Au sujet de la rumeur du remaniement ministériel, H. Benaddi s’est montré évasif. «Qu’il y ait remaniement ou pas, ce n’est pas l’important. Le plus important c’est la nécessité d’avoir de véritables partis politiques qui fonctionnent. Or actuellement, on ne les a pas. On a une majorité au Parlement, mais pas une opposition», répond-il à la question. Puis il s’attaque encore une fois aux formations politiques qui, selon lui, ne fonctionnent pas et souffrent d’un «problème chronique». «On a transposé le modèle de la confrérie, c’est-à-dire une structure avec un cheikh entouré de mouridines (disciples). Il n’y a jamais eu de débats politiques, alors que le débat est nécessaire pour faire émerger des idées… Alors qu’au sein des zaouïas (confréries), celui qui n’est pas content, soit il rentre chez lui soit il va créer une autre zaouïa. C’est un problème qui se pose aux élites marocaines», explique M. Benaddi.
De ce fait, il appelle les hommes politiques à arrêter «les bricolages politiques» – propos qu’il dit emprunter à feu Abderrahmane El Youssoufi – et à se placer au niveau des ambitions auxquelles aspire le Maroc, notamment la position de leader sur le plan africain… «Quand on voit ces ambitions et qu'on voit le petit jeu politique et la qualité des acteurs du champ partisan, on constate qu'il y a un grand déphasage», déplore-t-il, en lançant un appel aux vrais militants qui ont déserté les partis à assumer leur responsabilité vis-à-vis de leur pays.