Économie

Les Régionales de l'investissement : Le potentiel de l'industrie pharmaceutique et médicale exposé à Rabat

​Fortes de leur franc succès en 2021, les «Régionales de l’investissement» de la Banque Populaire reviennent pour capitaliser sur un premier bilan plus que satisfaisant. Nouveauté cette année : focus sur un secteur spécifique à chaque escale régionale, en présence d’un invité de marque. Pour l’étape inaugurale qui a eu lieu à Rabat le 31 mai, c’est le secteur de l’industrie pharmaceutique et médicale qui était sous les feux de la rampe. Un secteur auquel Sa Majesté le Roi Mohammed VI porte une attention particulière pour assurer la souveraineté sanitaire du Royaume, élément essentiel de sa sécurité stratégique.

02 Juin 2022 À 16:07

C'est parti pour la deuxième édition des «Régionales de l'investissement». Le directeur général de la Banque Populaire, Jalil Sebti, a donné le coup d'envoi de ce roadshow le mardi 31 mai à Rabat. Au programme de cette première étape, un grand focus sur le secteur de l'industrie pharmaceutique et médicale. Le ministre du Commerce et de l'industrie, invité spécial de cette première étape, a souligné en ouverture de cet événement qu’«aujourd'hui, nous sommes dimensionnés pour servir un marché de 2 milliards de personnes en ayant un accès facilité pour nos produits à ce marché, en raison de l'absence (ou presque) de barrières commerciales, et grâce aussi à une infrastructure, notamment logistique, qui nous permet d'être connectés au monde de manière régulière et à des tarifs assez compétitifs».

L'objectif est, d’après M. Mezzour, non seulement de substituer les importations, dont la valeur est estimée aujourd'hui à 62,6 milliards de dirhams, mais aussi d'aller vers l'exportation avec un potentiel de 70,5 milliards de dirhams. Cet objectif vaut également pour l'industrie pharmaceutique et médicale marocaine, laquelle est appelée à exploiter tout le potentiel des mouvements de relocalisation post-Covid, mais également de l'objectif stratégique du Royaume d'assurer sa souveraineté sanitaire et celle de l'Afrique. Preuve en est notamment le lancement par Sa Majesté le Roi Mohammed VI de la construction de l'usine de fabrication du vaccin anti-Covid-19 et d'autres vaccins, «SENSYO Pharmatech», destinée à positionner le Royaume comme un hub biotechnologique incontournable en Afrique et dans le monde.r>Les thèmes des trois panels retenus pour cette première étape ont fait l'objet de discussions profondes et ouvertes par une pléiade d'éminents invités et ont permis de dégager une idée claire sur la réalité et les perspectives de ce secteur, ainsi que sur les leviers de son développement en général, et dans la région de Rabat-Salé-Kénitra en particulier.

Industrie pharmaceutique et médicale : réalités et perspectives

Le secteur de l'industrie pharmaceutique et médicale au Maroc existe depuis plus de 60 ans, emploie 55.000 personnes et génère actuellement un chiffre d'affaires annuel de 16 milliards de dirhams. Il se classe au deuxième rang en Afrique. De par son poids et son historique, ce secteur a atteint aujourd'hui une certaine maturité avec un niveau respectable de savoir-faire et d'expertise. Il est actuellement à un tournant très important, au sortir de la crise de la Covid. Cette pandémie a en effet fait ressortir les forces et les faiblesses de ce secteur. Parmi les points forts, on a pu découvrir notamment une certaine résilience et agilité de ce pan de l'économie, qui a su faire face, contrairement à d'autres pays, même parmi les plus grands, à cette crise. En revanche, des points faibles ont été mis à nu, particulièrement sur le plan législatif et de recherche-développement.

Opportunités à saisir

La nouvelle configuration géopolitique mondiale a généré des opportunités à l'issue de la crise de la Covid. Les Européens, en particulier, ont découvert à quel point ils étaient vulnérables pendant cette pandémie, en raison de la délocalisation d'industries clés du secteur vers des pays tels que la Chine. Confrontés à une rupture de stock de médicaments et de dispositifs médicaux pendant cette crise, les pays européens s'emploient aujourd’hui à relocaliser leurs industries pharmaceutiques et médicales. Relocalisation où le Maroc est en haut de la liste pour accueillir des unités industrielles grâce à sa proximité géographique, son capital humain qualifié, la maturité de son secteur pharmaceutique et médical, sa logistique et sa transition vers les énergies propres, mais qui nécessite encore une préparation à certains niveaux.r>Parmi les opportunités à saisir, il y a également la généralisation de la couverture médicale qui ouvrira et développera le marché (appelé «Réservoir patient»), pour intégrer 22 millions de citoyens marocains supplémentaires qui viendront s'ajouter aux 14 millions déjà bénéficiant d’une couverture médicale. Sans oublier les opportunités offertes par l'ouverture sur l'Afrique qui offre aux investisseurs marocains un espace pour exporter des produits pharmaceutiques et des dispositifs médicaux.

Une stratégie portée par trois acteurs

La stratégie du Maroc pour le développement de ce secteur a été établie par le ministère de de l'Industrie et du commerce, le ministère de la Santé et l'Association marocaine des groupes de santé (AMGS), qui regroupe, en gros, les cliniques privées du Maroc. Ces trois parties ont signé conjointement une convention pour asseoir cette stratégie du «Made in Morocco» afin d'atteindre cet objectif de souveraineté sanitaire et la mise en place effective de la couverture médicale. Cette stratégie a pour finalité de créer un écosystème qui soit un «fast track» des produits développés au sein du cluster médical. Ces derniers s'emploieront donc à fabriquer les produits nécessaires, tandis que le ministère de l'Industrie et du commerce sera chargé, selon les termes de la convention, d'accompagner et de mettre en relation les différents acteurs et de fournir un appui en matière de propriété intellectuelle (problème régulièrement soulevé par les investisseurs marocains). Le ministère de la Santé, pour sa part, se chargera de la certification, de la qualification et des essais des produits. L'AMGS œuvrera donc pour la fabrication de produits purement marocains dans un premier temps, et veillera dans un deuxième temps à ce que la priorité soit donnée à ces produits lors des commandes publiques (70% des commandes nationales) et des commandes privées.

État des lieux du secteur dans la région de Rabat-Salé-Kénitra

En termes de chiffres, il ressort de cela, de prime abord, que la région est sous-représentée en termes d'investissements médicaux et de santé, d’après la présidente de la CGEM de Rabat-Salé-Kénitra, Bouthayna Iraqui Houssaïni. À titre indicatif, sur les 53 industries pharmaceutiques présentes au Maroc, seules trois se trouvent dans la région de Rabat-Salé-Kénitra. Or cette région est celle qui présente le plus d'opportunités d'investissement au Maroc, grâce à son pôle universitaire avec deux Facultés de médecine, son CHU, la présence d'une dizaine d'hôpitaux (plus six dont l'ouverture est imminente), la présence de 58 cliniques privées (plus six en construction), sans oublier l'hôpital militaire qui est une référence en Afrique, l'hôpital Sheikh Zayed, et le lancement des travaux de construction du nouvel hôpital «Ibn Sina» d'une capacité de 1.000 lits.r>En outre, la population de cette région est essentiellement urbaine et même sa population rurale est située à moins de 10 kilomètres des périmètres urbains. De plus, cette région abrite des zones industrielles en cours de développement offrant des avantages intéressants avec des procédures simplifiées qui permettront aux investisseurs d'y implanter leurs unités industrielles.r>Autre atout et non des moindres, la présence de la Direction des médicaments et de la pharmacie (DMP) à Rabat, vers laquelle toutes les unités industrielles se tournent pour obtenir leurs certifications et qui est également chargée d'arrêter les normes du secteur. Aussi, souligne l’experte dans le secteur pharmaceutique, Radia Chmanti Houari, l'un des principaux laboratoires pharmaceutiques au Maroc est situé à Aïn Aouda (région de Rabat). Ce laboratoire fournit 50% des antibiotiques consommés au Maroc.

Leviers de développement des investissements et des exportations dans la région

Le Conseil de la région de Rabat-Salé-Kénitra, selon son président, Rachid El Abdi, se fixe un objectif de croissance de 2%, supérieure à la moyenne nationale, pour les six prochaines années. À cette fin, trois axes de travail ont été identifiés :r>• Un échange étroit avec les partenaires économiques et institutionnels.r>• Travailler sur l’image de la région.r>• Mettre en place les instruments de promotion et d’investissement à travers notamment :r>− La création d’un Fonds de promotion de l'investissement de 1,25 milliard de DH (déjà opérationnel). La convention-cadre relative à ce Fonds a la particularité d’être paramétrable selon les villes de la région (dans la mesure où la réalité de Rabat n’est pas celle de Témara ou de Khémisset).r>− L’adoption d’un manuel de procédures qui a été élaboré en collaboration avec le Centre régional d’investissement (CRI) qui a deux particularités, à savoir la transparence des informations et la formulation très simple des procédures.r>Le Conseil régional de Rabat-Salé-Kénitra mise également sur les atouts de sa région, à savoir le foncier (disponible notamment dans la région de Bouknadel, appelée à devenir une zone d'accélération industrielle, Aïn Johra et Témara) et la formation par le biais d'une collaboration avec les instituts de formation professionnelle afin d'adapter des formations spécifiques aux besoins des investisseurs dans la région, puis d'offrir des solutions de formation directe sur le site de l'investisseur.r>Pour le développement de l'investissement et de l'exportation à l'échelle nationale, la directrice générale de l’Industrie au ministère de l’Industrie et du commerce, Lalla Kenza El Alaoui, a parlé de la transformation de la «Banque des projets» en «Task force souveraineté», qui reste une structure physique relevant du ministère de l'Industrie. Cette «Task force souveraineté» collabore avec tous les partenaires (CRI, AMDIE, etc.) et intervient sur le foncier, la formation, la certification, etc. Le premier fruit du travail de cette «Task force» est l'identification de 1.065 projets pour une enveloppe budgétaire totale de 46 milliards de DH, qui permettront de créer 100.000 emplois directs et 150.000 emplois indirects (la part de la région de Rabat-Salé-Kénitra dans ces projets sera de 9% pour 17.500 emplois).

Le directeur général du Commerce au ministère de l’Industrie et du commerce, Abdelouahed Rahal, a indiqué, quant à lui, que la réflexion est engagée pour tirer le maximum de bénéfices de la relocalisation résultant de la perturbation des chaînes de valeur mondiales. La région de Rabat-Salé-Kénitra, a-t-il précisé, est bien positionnée pour accueillir de nouvelles unités industrielles. «À cet effet, une équipe conjointe a été mise en place entre le ministère, les départements concernés et le secteur privé qui a fait une étude des opportunités, dégagé un potentiel théorique et également un potentiel non exploité de 120 milliards de DH. Cette équipe a dégagé ensuite 60 produits qui ont donné lieu à 1.200 couples “marché-produit”. Des fiches ont été rédigées sur chaque marché, comprenant notamment les données d’investissement et les produits pouvant être commercialisés dans ce marché», a expliqué M. Rahal. Il a donné l'exemple du coton au Bénin et au Burkina Faso. L'opportunité à saisir serait d'aller installer dans ces deux pays de petites unités de filature, puis d'amener ce coton filé au Maroc pour en faire des produits finis à exporter.

Le chargé de mission «Partenariats institutionnels stratégiques» à l’Agence marocaine de développement des investissements et des exportations (AMDIE), Ali Mehrez, a expliqué, lui, que l'Agence ne se contente pas d'accompagner les exportateurs, mais les accompagne réellement jusqu'au bout pour qu'ils obtiennent le résultat escompté au départ. Et de faire remarquer que le premier constat qui a été fait est qu'il y a une spécificité de chaque expérience d’exportation. Chaque entreprise qui veut exporter des produits du Maroc suit vraiment un parcours particulier. «Il n'y a pas de modèle d'exportation pour les acteurs marocains», dit M. Mehrez, ajoutant que «des scénarios pour chaque exportateur sont prévus pour l’accompagner de bout en bout». «La stratégie de l’AMDIE repose sur l’anticipation des questions, le balisage du terrain et l’orientation de chaque exportateur en fonction de son cas», a-t-il précisé.r>Mohamed Benmokhtar, du CRI de Rabat-Salé-Kénitra, a évoqué pour sa part la loi n°47-18, qui a fixé un cadre de réforme des CRI axée sur leur restructuration, la création de la commission régionale unifiée des investissements (ayant pour principal objectif la simplification des procédures). Les CRI, poursuit M. Benmokhtar, se dotent grâce à cette loi d’un pôle de promotion et d’impulsion économique ce qui revient à dire que chaque région, à travers son CRI, fait sa propre promotion.

Dispositifs d’accompagnement et de financement

En termes de financement et d'aide, les investisseurs ont à leur disposition plusieurs types de solutions. Aujourd’hui, une société comme «Tamwilcom» (société anonyme détenue par l'État marocain) intervient pour fournir des services financiers traditionnels (principalement dans le «crédit par signature», c'est-à-dire la garantie, et accessoirement le «crédit par décaissement», mais aussi des services non financiers, en aidant à accéder au leasing par exemple) destinés notamment aux TPME.r>Son directeur général, Hicham Zanati, a annoncé dans le cadre de ces «Régionales d'Investissement» que le plafond (pour les garanties), fixé à 10 millions de dirhams, a été réévalué en fonction du contexte de crise et s'élève désormais à 15 millions de dirhams. Le plafond de 20 millions de dirhams (tous financements confondus) a été porté également à 30 millions de dirhams.r>Tamwilcom vient également de lancer «Fin-Créa», une plateforme numérique exclusivement dédiée aux TPE de moins d'un an, qui peuvent accéder pour la première fois à un financement bancaire et demander un crédit d'investissement pouvant aller jusqu'à 2 millions de dirhams. Cette solution permet aux PME de constituer un dossier conforme aux normes bancaires avant de solliciter un financement auprès de la banque de leur choix.

L'Agence Maroc PME, pour sa part, vient de lancer une nouvelle génération de programmes d'appui multiformes (du conseil et de l'expertise technique au financement et à l'appui à l'innovation). Il s'agit de cinq grands programmes : Istitmar, Mouwakaba, Nawat, Tatwir et Inmaa. Pour les deux premiers (Istitmar et Mouwakaba), ce sont deux programmes qui ont été reconfigurés et enrichis. Nawat est destiné aux micro-entreprises dans le but de les accompagner dans leur gestion quotidienne. Tatwir est destiné aux PME avec trois objectifs : l'élaboration d'un plan de décarbonation, l'optimisation de la facture énergétique et l'accompagnement des projets d'équipement pour l'économie circulaire. Inmaa, pour sa part, consiste en une sorte d'«usine modèle» mise à disposition des TPME industrielles pour les initier à l’«e-management».

Pour la Banque Centrale Populaire, le directeur exécutif en charge du marché des PME, Mohamed Amimi, a souligné que les «Régionales de l’investissement» sont aujourd'hui devenues une plateforme d'accompagnement pour les entrepreneurs, lesquels bénéficient d'une assistance qui va au-delà des workshops organisés dans le cadre de ce roadshow. M. Amimi a également précisé que la BCP met à jour ses programmes en fonction des programmes lancés par l'État (par exemple, la BCP a lancé une ligne de crédit adaptée à la «Task Force Souveraineté»). Il a également mentionné les deux conventions signées avec la Fédération marocaine de l’industrie et de l’innovation pharmaceutique et le Moroccan Medical & Biomedical Industry Cluster, qui reflètent la volonté de soutenir le secteur de la santé avec une offre couvrant l'ensemble de la chaîne de valeur de l'investissement dans ce secteur.r>M. Amimi a également annoncé que la BCP s'apprêtait à lancer une offre spécialement conçue pour le secteur de la santé, couvrant toute sa chaîne de valeur. Il s'agit de l'offre «Health Invest», qui cible les cliniques privées, les unités de l'industrie pharmaceutique et médicale, les laboratoires d'analyse et de radiologie et les équipementiers du secteur médical. Cette nouvelle offre a pour objectifs :r>• Le financement des investissements.r>• Le financement de la trésorerie.r>• Le financement de la recherche et développement.r>Maroc Leasing accorde une attention particulière au secteur de la santé, notamment après la généralisation de la couverture médicale qui ouvrira ce marché et le programme «Made in Morocco». Le directeur général de Maroc Leasing, Adil Rzal, indique à cet égard que le secteur de la santé est un «secteur à risque zéro» où il n'y a pas d'impayés et qui est sur une dynamique qui se voit, par exemple, à travers l'ouverture de cliniques privées même dans les moyennes et petites villes. M. Rzal a souligné par ailleurs que le matériel médical est un équipement éligible au «financement vert» et bénéficie à cet égard des subventions prévues pour l’économie verte et de conditions avantageuses au niveau des crédits.

 

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