10 Août 2022 À 16:44
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Face à la montée du stress hydrique, le Maroc entend accélérer le processus d’exécution de son Plan national de l’eau (PNE 2020-2050). Le département chargé de l’Eau planche, en effet, sur les études d’impact sur l’environnement, socio-économiques et de rentabilité économique de nouveaux grands barrages à aménager au niveau de trois bassins hydrauliques du pays : Sebou, Tensift et Oum Er-Rbiaa et Moulouya et Bouregreg Chaouia. Les études en projet aborderont plusieurs aspects liés à la réalisation de ces futures infrastructures hydrauliques notamment leurs coûts d’investissement, d’exploitation et d’entretien. Sur le plan socio-économique, la consultation proposera des actions favorisant la création de nouvelles activités et d’emplois, la valorisation touristique de la retenue, l'exploitation piscicole et la production de l’énergie hydroélectrique. Par ailleurs, pour chacune des trois zones devant abriter les projets de barrages, les études établiront la situation de l’approvisionnement en eau potable avec l’estimation du besoin en eau potable et son évolution selon les dernières projections de l’Office national de l’eau et de l’électricité (ONEE) aux différents horizons (2022, 2030, 2040 et 2050), et ce en vue d’évaluer les possibilités d’approvisionnement en eau potable à partir des barrages à construire. Le tout assorti d’un examen de la demande en eau industrielle, agricole et touristique liée au système et leurs projections futures.
Eu égard à son importance stratégique, le secteur de l’eau bénéficie d'un intérêt particulier de l’État. Ainsi, cette ressource est au centre des préoccupations des politiques économiques en raison de son rôle déterminant dans la sécurité hydrique du pays et l'accompagnement de son développement notamment l'agriculture irriguée. Les stratégies en matière de gestion de l’eau au Maroc devraient donc évoluer afin de répondre à un certain nombre de défis : déficits en eau croissants, croissance démographique préoccupante et changement climatique. Le PNE (2020-2050) constitue ainsi le cadre de référence de la politique nationale de l’eau et d’intervention de tous les acteurs dans le domaine de l’eau pour les 30 prochaines années, pour la gestion intégrée et durable de l’eau. L’objectif étant d’assurer les besoins en eau de la population, d’accompagner durablement le développement socio-économique du pays, et de préserver cette ressource stratégique. Cette feuille de route s’articule autour de trois piliers fondamentaux : la poursuite et le renforcement de la politique de développement de l’offre, la gestion de la demande et la préservation des ressources en eau et des écosystèmes et l’amélioration de la gestion des phénomènes météorologiques extrêmes. Sur la base du diagnostic des enjeux et des défis que le secteur de l’eau fait face au Maroc, le PNE prévoit en effet dans ses orientations la poursuite et le renforcement de la politique de développement de l’offre par la construction des barrages et l’interconnexion entre les différents systèmes hydrauliques. Ces projets viennent dans le but d'optimiser la valorisation des ressources en eau et de réaliser une solidarité spatiale entre les bassins qui connaissent un surplus de ressources et ceux qui connaissent un déficit. Dans le même sens, et suite à la succession des années de sécheresse, le Programme national pour l’approvisionnement en eau potable et d’irrigation 2020-2027 a été mis en place. Son objectif, accélérer les investissements dans ce secteur.
Valorisation des ressources en eau : la révision de la tarification indispensable
Dans son dernier Rapport de suivi de la situation économique au Maroc, la Banque mondiale table sur un ralentissement de la croissance à 1,3%, en raison des chocs déstabilisateurs externes, certes, mais aussi de la sécheresse et la pénurie d'eau qui devient un défi structurel. Selon l’institution de Bretton Woods, la réponse ne doit pas se limiter au développement des infrastructures de stockage et aux solutions technologiques, mais via également des politiques de gestion de la demande, notamment une révision de la tarification de l’eau pour encourager une utilisation plus rationnelle de cette ressource.
«Si les chocs liés à la faiblesse des précipitations ont toujours été un facteur de volatilité macroéconomique au Maroc, les sécheresses étaient généralement suivies d’une reprise vigoureuse et n'entravaient pas la croissance robuste et à long terme du produit intérieur brut (PIB) agricole. Cependant, avec la fréquence accrue de saisons des pluies médiocres, la sécheresse pourrait devenir un défi structurel, impactant sérieusement l'économie à long terme», avertit la Banque mondiale. Selon ses données, entre 1960 et 2020, les ressources hydriques renouvelables disponibles ont diminué, pour passer de 2.560 m³ à environ 620 m³ par personne et par an, entraînant le pays dans une situation de «stress hydrique structurel». Sur la même période, le Royaume a construit plus de 120 grands barrages, multipliant par dix la capacité de stockage de l'eau. Le volume réel d'eau stocké dans les principaux barrages du pays a toutefois diminué pendant la majeure partie de la dernière décennie. Et, lors de la dernière sécheresse, le taux de remplissage global n’était que d’environ 33%, menaçant la sécurité hydrique dans certains bassins hydrographiques et conduisant les autorités à adopter des mesures d'urgence.
Pour les experts de l’institution mondiale, le Maroc devra donc accompagner ses efforts de développement des infrastructures de politiques de gestion de la demande en eau qui encouragent l'utilisation durable, efficace et équitable des ressources hydriques. «Le Maroc fait partie des pays les plus touchés au monde par le stress hydrique. Les événements récents ont montré que les solutions techniques ne suffisent plus à protéger l'économie contre les chocs climatiques et soulignent la nécessité d’adopter des politiques complémentaires, telles que celles décrites dans le nouveau modèle de développement, qui permettraient de tenir compte de la véritable valeur des ressources en eau et d'encourager des usages plus efficients et plus raisonnés», affirme Jesko Hentschel, directeur des opérations de la Banque mondiale pour le Maghreb et Malte, dans le rapport. Ces réformes prévoient notamment de fixer le prix de ressources hydriques devenues plus rares à une valeur idoine, de mettre au point des mécanismes efficaces d'allocation de l'eau, par exemple au moyen d'un système de quotas négociables, et de produire et de publier des données précises et détaillées sur les ressources hydriques et leur utilisation, souligne la Banque mondiale.