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Recherche académique sur l'histoire du Maroc : l'avis de Majida Bargach

Professeure et responsable du Centre d'études Internationales de l'Université de Virginie, Majida Bargach revient sur son parcours et ses responsabilités au sein de cette université qui fournit le plus de cadres au département d'État américain. Elle nous parle également de sa perception du projet de création de la Maison de l'histoire du Maroc.

Majida Bargach.

30 Janvier 2022 À 11:54

Le Matin : Professeure Bargach, pourriez-vous nous parler de votre parcours académique et de vos responsabilités d'enseignement et d’administration à l'Université de Virginie ?

Majida Bargach
: Concernant le premier volet de votre question, je dirais brièvement que j'ai étudié le droit public et l'économie à l’Université de Bordeaux avant de préparer un troisième cycle en science politique et plus précisément en analyse politique comparée. J'ai également enseigné à l'Université de Bordeaux I pendant cinq ans. Après mon départ aux États-Unis, j’ai commencé à enseigner en 2001 à l'Université de Virginie (UVA). L’année suivante, j'ai initié et dirigé le programme d'études de UVA au Maroc qui a pris place à Rabat tous les étés pendant 17 ans. Nos étudiants sont venus étudier le Maroc, son histoire et sa civilisation. Ils ont été passionnés par les cours qui leur étaient donnés.

Par quoi se distingue UVA, si vous deviez la situer par rapport à d’autres universités américaines ?

UVA est la première université publique américaine. Elle a été fondée en 1819 par Thomas Jefferson, troisième Président des États-Unis d'Amérique. Pour des raisons historiques et du fait de la proximité de Washington DC, c'est l’Université qui fournit le plus de cadres au département d'État. Bon nombre de nos étudiants occupent ou sont amenés à occuper de hautes fonctions au sein de l’Administration américaine en général et, en particulier, dans la diplomatie.r>S’agissant de mes propres responsabilités administratives, c’est en 2009 que l'office du Provost de UVA m'a chargée d'un Centre d'études internationales dont le but, en sus de l’organisation de conférences et de séminaires, était l’octroi de bourses incitant les professeurs de l'université à entamer des recherches sur des sujets globaux ou à l'étranger. Il y avait aussi dans le Centre des groupes de recherches interdisciplinaires. Des professeurs de physique, de philosophie, de médecine, d'histoire, d'ingénierie, etc. se retrouvaient ensemble pour discuter de sujets de recherche globale, tels que l'immigration, le changement climatique ou les droits de l'Homme. De grands esprits abordaient des sujets globaux à partir d’une perspective liée à leur spécialité. Cette interdisciplinarité est porteuse d’un enrichissement intellectuel exceptionnel.r>Je souhaiterais vivement l’instauration et le développement de ce type de recherche ici pour que nos professeurs et nos étudiants s'enrichissent par l'ouverture à l’Autre et l'écoute de l’Autre. Je pourrais ajouter qu’au sein de l’office du Provost, j'ai créé et dirige un Centre dédié à l’organisation de stages pour nos étudiants en Afrique (incluant le Maroc bien sûr), en Asie et en Europe. Ces expériences à l’étranger sont une belle initiation à l’Altérité (Otherness). Dans un monde si interconnecté, même pour ceux qui ne quitteront pas leur pays, l'exposition et l'ouverture à l'Autre en apprenant sa culture, son histoire, son économie est aujourd'hui un passage obligé pour nos économies modernes. L'outil de l'ouverture à l'autre reste bien évidemment l'apprentissage des langues, comme nous avons pu l'observer lors des communications des deux invitées américaines au Colloque International organisé par l'Institut Royal pour la recherche sur l'histoire du Maroc.

Avez-vous des étudiants ayant pris le Maroc pour objet d’études et dans quels domaines ?

Beaucoup de recherches ont été effectuées par les étudiants de UVA au Maroc, que ce soit sur les questions du bilinguisme, du développement, des énergies renouvelables ou sur l'histoire, comme c'est le cas de l'une de notre panélistes, Mary Beth Allen, qui a été l'assistante du programme au Maroc et qui a consacré sa thèse de doctorat au Sultan Moulay Ismaïl.

Des projets de partenariat avec l'Institut Royal pour la recherche sur l’histoire du Maroc sont-ils envisageables ?

L'Institut Royal pour la recherche sur l'Histoire du Maroc a bien entendu la faculté d’envisager toutes sortes de partenariats universitaires à travers le monde, car tout comme nous, les autres seraient intéressés. Mes collègues de UVA ou d’ailleurs, historiens, archéologues, anthropologues, politologues connaissant le Maroc seraient ravis de collaborer avec l'Institut. Je devrais peut-être mentionner que le Professeur Mohammed Kenbib a visité le campus de UVA à deux reprises, une première fois en 1985 et une autre en 2006. Au cours de cette deuxième visite, il a donné des conférences à nos étudiants à l’invitation d’une collègue historienne.

Quelles perceptions vous faites-vous outre-Atlantique du projet de création d’une Maison de l'histoire du Maroc – en tant que Marocaine bien évidemment ?

Le projet de création de la Maison de l'histoire du Maroc est un projet de très grande envergure que je trouve aussi extraordinaire que nécessaire pour nos compatriotes et nos visiteurs. Une grande souscription nationale ou même internationale pourrait octroyer au projet l'envergure qu'il mérite. Aux États-Unis, la philanthropie et l'économie du don sont à la base des projets historiques et culturels. Une souscription pourrait financer et en même temps créer l'enthousiasme pour une Maison de l'histoire mettrant en valeur notre immense patrimoine historique qui mérite d'être exposé et apprécié de tous.r> 

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