14 Février 2022 À 15:58
Najat Vallaud-Belkacem, ex-ministre en France et directrice France de l’ONG ONE, qui lutte contre l’extrême pauvreté et les maladies évitables, a animé récemment un débat à l’Université Euromed de Fès (UEMF) autour de son livre «La société des vulnérables : leçons féministes d’une crise», cosigné avec l’universitaire Sandra Laugier. Elle a plaidé pour une prise de conscience citoyenne et une mobilisation via le culturel afin de réfléchir autrement le monde d’après-Covid. L’ancienne ministre des Droits des femmes puis de l’Éducation de François Hollande a attiré l’attention sur plusieurs vulnérabilités relevées pendant les confinements et avec la crise Covid-19. D’abord, elle a jeté une lumière sur «les choix absurdes pris par nos sociétés surtout par les décideurs politiques». Ces choix font qu’on soit peu préparés aux risques majeurs et pandémies. À titre d’exemple, elle a cité le sous-financement des appareils de santé. Najat Vallaud-Belkacem a aussi appelé à l’égalité dans les conditions de traitement, de rémunération et de reconnaissance pour les professions dévalorisées, mais vitales comme les agents de nettoyage, les caissières, les soignants… Par ailleurs, elle a désapprouvé l’argument de l’impuissance politique théorisé avant la Covid. «Tellement de politiques publiques qu’on nous disait infaisables étaient réalisables pendant la crise : on pouvait verser des milliards de dollars pour éviter que des entreprises mettent la clé sous la porte, pour empêcher l’expulsion des gens de chez eux en plein confinement. On peut alors loger les sans-abri, réduire la population carcérale… On ne peut plus avoir la même relation au monde et à la politique après cette crise», précise-t-elle. Dans le même sens, Najat Belkacem a noté qu’il est temps de repenser les choix faits dans la problématique des réfugiés. Et ce dans un nouveau contexte qui accorde une forte valeur à la vie. De même, elle a appelé à une reconsidération de l’emprise humaine sur la planète.
Impact disproportionné sur les femmes
Ensuite, Najat Vallaud-Belkacem a fait remarquer qu’il suffit d’une crise pour remettre en question l’égalité homme-femme. Dans ce cadre, elle a attiré l’attention sur la quasi-disparition des femmes dans les médias pour céder place aux experts et professionnels masculins. Un grand paradoxe sachant que les métiers les plus sollicités sont gérés essentiellement par des femmes. «Le traitement médiatique et politique a considérablement invisibilisé les femmes. Celles qui travaillent dans des secteurs moins exposés sont celles qui ont le plus perdu leur travail», a-t-elle précisé. Selon la directrice France de l’ONG ONE, tout cela est lié à la nouvelle organisation des vies, les tâches domestiques... Pour elle, la crise met à nu le progrès clamé pour l’égalité hommes-femmes. Ces dernières sont victimes des fardeaux domestiques, violences...r>«La crise écologique va poser le même problème. Les femmes sont les premières victimes alors que ce sont elles qui proposent des solutions et qui ont une plus grande sensibilité», indique l’ex-ministre.
Pour une répartition équitable des soins
Dans le troisième bloc de vulnérabilité, Najat Vallaud-Belkacem a abordé la gestion internationale de la pandémie appelant à une répartition équitable des vaccins anti-Covid.r>«Nous sommes à un moment où on s’interroge sur ce qu’on fait. Les doses de vaccins ne sont pas réparties équitablement dans le monde. On se retrouve avec une situation médicale et économique d’extrême pauvreté. On est en train de préparer un monde compliqué si on ne fait pas preuve de solidarité», explique-t-elle. Et d’ajouter que les laboratoires pharmaceutiques doivent être à la hauteur de cet enjeu partagé. «Chaque continent doit être capable de produire ses traitements pour éviter les problèmes de transport et de scepticisme au niveau de la population». Rappelons que Najat Vallaud-Belkacem donnera, tout au long de cette année académique, une série de cours et de séminaires à l’UEMF.