Nation

Parlement : l’opposition dénonce «la mainmise» de la majorité sur la législation

08 Mars 2022 À 17:54

Quelque 100 propositions de loi déposées au bureau de la Chambre des représentants depuis le début de cette première année législative de la 11e législature, sans qu'aucune d’entre elles ne soit programmée pour examen en commission. Lors d’une réunion tenue au cours de la semaine dernière entre le président de la Chambre des représentants, Rachid Talbi Alami, et les présidents des groupes et groupements parlementaires, celui-ci a annoncé que le gouvernement avait décidé d’interagir positivement avec une seule proposition de loi déposée par le Parti du progrès et du socialisme (PPS) et qui porte sur le droit des obligations et des contrats pour la protection du consommateur. Cette «marginalisation» des initiatives législatives suscite l’ire des parlementaires, notamment ceux des partis de l’opposition, qui est à l’origine de 90% des propositions de loi déposées. Les forces de l’opposition dénoncent en effet une «tentative d’hégémonie» exercée par les partis de la majorité en matière de législation.

Ces derniers chercheraient, d’après Rachid Hamouni, président du groupe du PPS au sein de la première Chambre, à mettre au pas l’opposition. «Les bureaux des commissions permanentes sont dominés par les députés de la majorité qui disposent d’une majorité numérique confortable et refusent de programmer les propositions de loi déposées par l’opposition, quand bien même les présidents des commissions seraient de l’opposition. C’est un véritable bras de fer qui s’exerce actuellement au sein des commissions», s’exclame M. Hamouni. Les députés de l’opposition fustigent également le gouvernement pour sa faible interaction avec les initiatives législatives et son rejet de certains textes avant même qu’ils n’atterrissent au Parlement. C’est le cas de deux propositions de loi déposées récemment par le groupe de la Confédération démocratique du travail (CDT) au bureau de la Chambre des conseillers. Il s’agit d’une proposition de loi relative à la régulation du prix du carburant et une deuxième portant sur la passation des actifs de la société la Samir au compte de l’État.

Une démarche jugée par les parlementaires de l’opposition comme anticonstitutionnelle et non conforme aux dispositions du règlement intérieur. «L’Exécutif empiète sur le rôle et les missions du Parlement. Le gouvernement ne dispose pas des prérogatives – juridiquement parlant – pour rejeter une proposition de loi. Car la commission interministérielle a pour mission uniquement d’examiner les initiatives législatives proposées et de les transférer au Parlement qui, lui seul, est habilité à adopter ou rejeter un texte de loi», déclare M. Hamouni. La question qui se pose maintenant est de savoir si ce phénomène de marginalisation des initiatives législatives est propre à cette législature. Et la réponse est non. D’après une source parlementaire de la majorité, les propositions de loi adoptées par la Chambre des représentants durant toute la dixième législature n’ont pas dépassé 7% de l’ensemble de la législation, soit 23 propositions sur un total de 330 textes ayant franchi le cap de l’institution législative, et 8% sur les 257 propositions de loi déposées par les députés. Même la question du rejet par le gouvernement de certaines propositions de loi est une pratique courante. En effet, selon la même source, le gouvernement se base sur l’avis de la commission interministérielle chargée d’examiner, en amont, les textes produits par les parlementaires pour valider ou refuser une initiative de loi, sachant que parmi les critères brandis par l’Exécutif pour justifier sa position, il y a la conformité de la proposition de loi avec la Constitution. Le gouvernement exige par ailleurs que les dispositions prévues dans l’initiative législative n’empiètent pas sur ses prérogatives. Les parlementaires sont en effet appelés à éviter le volet réglementaire qui est une attribution propre à l’Exécutif.

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