15 Décembre 2022 À 19:29
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Le grand Atlantique fait face à une série de crises sans précèdent. Des crises qui appellent à un renouvellement des mécanismes de coopération entre les pays et au développement de partenariats inter-atlantiques pour apporter les réponses nécessaires aux défis posés. Youssef Amrani, Dominique Strauss-Khan, Andrés Rozental ainsi que plusieurs autres économistes, diplomates et experts ont apporté leur contribution aux débats autour de ces différentes problématiques. Intervenant lors de plusieurs panels organisés dans le cadre de la 11e édition de la conférence internationale «The Atlantic Dialogues», ils ont appelé à plus d’efforts de la part des dirigeants, à une coopération plus efficace et à des mesures concrètes pour apporter des réponses à la hauteur des enjeux.
Pandémie, guerre en Ukraine, changements climatiques… le grand Atlantique est sous le coup d’une série de crises majeures qui ne cessent de s’aggraver. Prenant part à un panel sur l’aggravation de ces crises au niveau de la région, des experts de différents bords ont fait le point sur la situation. Ouvrant les débats, le vice-président de la Banque mondiale pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, Ferid Belhaj, a indiqué que les crises de ces dernières années ont dévoilé «des fragilités que nous ne voulons pas affronter».
Appelant les décideurs, en particulier les hommes politiques, à adopter une approche davantage proactive, à même d’anticiper les crises futures, l’expert a déploré le manque d’action par rapport à certaines menaces comme la crise climatique au cours des vingt dernières années. De son côté, le président-fondateur du Conseil mexicain sur les relations extérieures, Andrés Rozental, a dressé une liste des enjeux communs pour les pays du grand Atlantique. Changement climatique, pénurie d'eau, ressources énergétiques, menace nucléaire, sécurité alimentaire, pandémies, déforestation et désertification, mouvements de population, migrations, chômage des jeunes, chaînes d'approvisionnement interrompues... sont autant de défis à relever en urgence selon M. Rozental qui estime qu’aujourd’hui «on a du mal à traiter ces questions au niveau global ou atlantique élargi ou même régional ou national».r>Intervenant également lors de ce panel, le directeur de l’Institut français des relations internationales (IFRI), Thomas Gomart, a plaidé en faveur d’une nouvelle conception du système multilatéral, en particulier dans le contexte de la guerre en Ukraine. Le chercheur a fait savoir qu’«il y a aujourd’hui une superposition de 3 types de géopolitiques : la première est la géopolitique des fossiles, qui continue à guider de nombreuses décisions. La seconde est la géopolitique des énergies vertes et la dernière est la géopolitique des données, qui est très difficile à cerner et à analyser».
La question du multilatéralisme s’inscrit dans la logique du partage, mais aussi dans la logique capitaliste qui vise à pouvoir échanger au profit de tout le monde, a relevé le président du conseil d’administration, Congo Challenge, Matata Ponyo Mapon. Intervenant lors du deuxième panel de cette 11e édition des Atalantic dialogues, M. Mapon a affirmé que l’importance de chaque membre dans l’ensemble tient compte de ce qu’il apporte comme élément de partage. «Il est important de souligner que l’attention qui doit être portée à chacun est essentiellement justifiée par la contribution. Il faut que les pays du Sud puissent davantage produire non seulement en termes de quantité mais aussi en termes de qualité», a-t-il relevé.
Pour sa part, l’ambassadeur du Maroc en Afrique du Sud et désigné pour l’Union européenne, Youssef Amrani, a été catégorique. «Le multilatéralisme de demain sera plus global, plus inclusif et plus juste ou ne le sera pas», a-t-il affirmé. Mettant en avant l'exigence d’un «multilatéralisme renouvelé dans ses portées, reconfiguré dans ses modes opératoires et recalibré dans ses ambitions», le diplomate marocain a assuré que le multilatéralisme à deux vitesses, deux mesures n’a rien de multilatéral dans son essence.r>Poursuivant son analyse, M. Amrani a affirmé que «nous devrions faire nos propres devoirs en interne. Construire des économies fortes, construire la démocratie, nous préparer à interagir avec nos voisins». Parlant d'un point de vue africain, il a fait savoir que nous devons partager un nouveau récit. «Nous sommes indispensables à l'action dans ce monde. S’il n'y a pas d'écoute, nous n'avançons nulle part», a-t-il relevé. Pour M. Amrani rien ne s’impose, tout se négocie. En effet, «le multilatéralisme est le moteur qui anime et conditionne la cohérence même de l’exercice diplomatique», a-t-il relevé. Insistant sur le fait que seule des solutions collectives peuvent apporter la paix et la sécurité collectives, M. Amrani a souligné que le monde globalisé ne peut et ne doit se permettre de retomber dans les travers du repli.
Pour contrer une inflation galopante et généralisée, il faut déployer des politiques conjointes, ont affirmé les participants au troisième panel organisé dans le cadre de la 11e édition des «Atlantic Dialogues». Mettant en avant la nécessité de se réunir pour établir des politiques conjointes, les participants à ce panel sur «Les conséquences de l’inflation sur le grand Atlantique» ont affirmé que dans un système mondialisé avec une inflation grimpante et généralisée, la solution doit être politique et basée sur la coopération des pays.
Pour l’ancien patron du FMI et associé-gérant de Parnasse International, Dominique Strauss-Khan, le monde a fait l’expérience de 20 ans de mondialisation, mais est entré dans une période de fragmentation, alors que la crise est généralisée. «Les tensions entre la Chine et les États-Unis, qui sont deux acteurs essentiels de l’économie mondiale, empêchent la mise en place d’une politique commune pour endiguer l’inflation», a -t-il relevé. «Cette crise était d’abord une crise de la demande, mais aussi amplifiée par la pandémie et la guerre en Ukraine» a poursuivi M. Strauss-Khan. Passant en revue les mesures prises par les gouvernements pour faire face à cette situation d’inflation galopante, l’économiste a rappelé que les Banques centrales ont augmenté leur taux d’intérêt, à l’instar de la Réserve fédérale américaine (Fed). Une mesure insuffisante selon M. Strauss-khan qui a affirmé qu’on ne peut pas compter que sur ce mécanisme. «Il faut l’accompagner de politiques coordonnées entre les différents acteurs, dont la Chine», a-t-il affirmé.
Intervenant également lors de ce panel, le président du Center for Global Development (CGD), Masood Ahmed, a fait le lien entre la baisse des cours de pétrole et la limitation de l’inflation. «La baisse récente du prix du pétrole a eu pour conséquence un ralentissement de l’inflation. Mais ce n’est pas un arrêt ou une inversion», a expliqué l’expert en attirant l’attention sur les risques d’une récession dans les pays européens l’année prochaine. Pour les marchés émergents, l’inflation augmente partout et est exacerbée par la chute des monnaies des pays en développement par rapport au dollar américain, a-t-il ajouté.
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