06 Novembre 2022 À 11:44
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Moqueries, insultes, harcèlement, menaces, bagarres… les actes de violence sont devenus monnaie courante dans le milieu scolaire dès le primaire, voire avant. D’après l’Unesco, 246 millions d'enfants et d’adolescents connaîtraient chaque année la violence dans et aux abords de l'école. L’organisation onusienne a révélé, dans un rapport publié en 2019, que la prévalence des cas de violence et harcèlement dans les écoles au Maroc est de 32,2%, soit près d’un élève sur trois. Ce pourcentage est plus important chez les garçons que chez les filles (44% contre 31,6%). L’Unesco a également fait remarquer que les enfants qui font fréquemment l’objet de harcèlement sont près de trois fois plus susceptibles de se sentir marginalisés à l’école et sont au moins deux fois plus susceptibles de manquer l’école que ceux qui n’en sont pas souvent victimes.
Afin de protéger ces enfants et mieux combattre la violence à l'école, l’organisation onusienne vient de publier une nouvelle note pour mettre en avant le rôle que peuvent jouer les enseignants dans ce sens. «Les enseignants jouent un rôle clé dans la création d'un environnement d'apprentissage positif et propice. Ils sont souvent les témoins immédiats de la violence à l'école et les premiers à intervenir pour mettre fin à un comportement violent. Ils peuvent fournir une éducation de qualité qui développe chez les élèves la conscience de soi, la maîtrise de soi et les compétences interpersonnelles indispensables à des relations saines et respectueuses», souligne l’Unesco dans sa note.
Et d’ajouter que «les enseignants peuvent aussi créer des environnements scolaires et des salles de classe psychologiquement et physiquement sûrs et donner l'exemple de relations bienveillantes et respectueuses, et d'approches positives de la gestion des conflits ou de la discipline. Ils sont aussi en mesure de reconnaître et répondre aux incidents de violence et mettre les élèves en contact avec des services d'orientation si nécessaire ou les guider pour qu'ils agissent eux-mêmes face à un acte de violence».
Les enseignants ne sont pas sensibilisés à tous les types de violencer>Par ailleurs, l’Unesco souligne qu’elle a mené, en 2020, une étude mondiale en ligne sur les perceptions et les pratiques des enseignants en matière de violence à l'école. Cette étude a révélé que tous les enseignants ne sont pas pleinement préparés à remplir le rôle de prévention et de traitement de la violence à l'école. En effet, près de la moitié des enseignants interrogés déclarent avoir reçu peu ou pas de formation sur la violence à l'école au cours de leur formation initiale, et plus de deux tiers disent avoir appris à gérer la violence à l'école par l'expérience.
Trois enseignants interrogés sur quatre peuvent identifier la violence physique et sexuelle, mais sont moins susceptibles de reconnaître certaines formes de violence psychologique. «Même si les enseignants interrogés peuvent identifier la violence à l'école, et que quatre sur cinq de ces derniers affirment qu'il leur incombe de créer un environnement d'apprentissage sûr, ils n'interviennent pas toujours. Quatre sur cinq enseignants aident les cibles de harcèlement, mais seulement la moitié intervient auprès des élèves témoins de la violence», indique l’Organisation dans sa note.
«La capacité des enseignants à influencer positivement les environnements scolaires et à prévenir ou à répondre à la violence dépend fortement de leur préparation, de leur développement professionnel en cours d'emploi, des normes d'enseignement, des tâches et de la charge de travail. D'autres facteurs entrent en ligne de compte, notamment le leadership politique, les cadres juridiques et politiques aux niveaux national, local et scolaire, ainsi que le soutien, les ressources et la formation», conclut l’Unesco.
La stratégie du ministère de l’Éducation nationaler>Le ministre de l'Éducation nationale, de l'enseignement préscolaire et des sports, Chakib Benmoussa, a déclaré, lors de son passage à la Chambre des représentants, le 29 septembre dernier, qu’il est très important de coordonner les efforts entre les enseignants, le personnel administratif à l’école et les familles pour venir à bout de ce fléau. «Malgré les efforts déployés pour protéger le milieu scolaire de toutes sortes de violences, il est urgent d’unir nos forces et d'augmenter le niveau de vigilance. Il faut également faire participer le reste des partenaires institutionnels de l'école, des instances de la société civile, les médias… dans le but de renforcer la sécurité au sein de cet espace éducatif et de permettre à l'école de remplir ses missions fondamentales, à savoir l'éducation et l’enseignement», a-t-il affirmé.r>Benmoussa avait également rappelé que le ministère de l'Éducation nationale a mis en place une stratégie nationale de lutte contre la violence au sein de l’école. Cette stratégie vise à inculquer aux apprenants les valeurs indispensables à la paix incluant l’amitié, le respect d'autrui, la tolérance, la solidarité et l'ouverture aux autres à travers les programmes scolaires, les activités parascolaires, des campagnes de sensibilisation…r>Le département de Chakib Benmoussa œuvre également en partenariat avec le ministère de l'Intérieur pour assurer la sécurité des élèves aux abords des établissements scolaires, faire face à toutes formes de violence et lutter contre les manifestations de délinquance et le fléau du trafic de drogues et stupéfiants qui représentent une grande menace pour les jeunes.
************r>Conseils de Jihane Sâadi, psychologue
«Les enseignants peuvent aider à prévenir les violences à l’école, mais leur rôle est souvent négligé»
«Les violences qu’un enfant subit à l’école ont des répercussions directes sur son estime de soi. Souvent, les enfants harcelés pensent qu’ils ont été choisis en tant que “victimes”, à cause de leurs failles et leurs défauts même si cela n’est pas du tout vrai. En effet, un harceleur ne choisit pas ses victimes, c’est un pur hasard. Et c’est surtout lui qui projette sur ses victimes ce qu’il ressent. Par exemple, quelqu’un qui manque de confiance en lui a besoin d’écraser les gens pour se sentir la hauteur.r>Les enfants victimes de violence souffrent aussi d’anxiété ce qui a souvent un impact sur leur scolarité, appétit, sommeil, socialisation… ils ont tendance à s'isoler aussi parce qu’ils ont l'impression qu'ils ne sont pas normaux et que personne ne les comprendra, d’où l’intervention des enseignants. Ces derniers peuvent jouer un rôle très important dans la prévention des violences dans le milieu scolaire, mais qu’on néglige malheureusement. Il faut penser à organiser des journées de sensibilisation au profit des enseignants pour mieux leur expliquer l’approche à adopter pour lutter et prévenir ces comportements violents, en apprenant notamment aux victimes de poser des “limites saines” et apprendre à se défendre, car tant qu’ils ne réagissent pas, leurs agresseurs peuvent aller de plus en plus loin. Les enseignants doivent également encourager les enfants victimes de violence, leur en parler et leur montrer leur entière disponibilité. De cette façon, l’enfant se sentira moins isolé et aura moins de chances de se faire attaquer.»