15 Août 2023 À 11:50
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Qui n’a pas traversé la petite rue Anoual en tentant d’imaginer vivant le sublime édifice du Gran Teatro Cervantes ? Monument phare de Tanger, ce joyau architectural édifié en 1913 se refait une beauté pour entamer un nouveau chapitre de son histoire, après des années d'abandon.
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Les travaux de restauration du Gran Teatro Cervantes de Tanger ont débuté le 9 août 2023, une date qui coïncide avec les 110 ans depuis l'inauguration du théâtre. Le gouvernement espagnol avait fait don du théâtre au Maroc en 2020, sous certaines conditions. En effet, l’accord stipulait que la culture espagnole y soit maintenue. En 2021, les travaux de conditionnement ont commencé, mais ils ont été arrêtés jusqu'à la reprise depuis la semaine dernière. Et aujourd’hui, le théâtre s'apprête enfin à revivre.
L'histoire du Gran Teatro Cervantes remonte à ses fondateurs, Esperanza Orellana et Manuel Peña, accompagnés de leur ami passionné de théâtre, Antonio Gallego, qui ont financé sa construction il y a plus d'un siècle. Pour réaliser le chef-d’œuvre, les mécènes ont fait appel à un Tangérois formé en France, l’architecte Diego Jiménez Armstrong, dont le nom a signé plusieurs monuments de Tanger et de Casablanca. Dans la vision novatrice de Jiménez, l'édifice doit incarner l'union harmonieuse entre classicisme et modernité. De fait, l'utilisation précoce du béton armé a été rehaussée par la symétrie raffinée de sa façade, ainsi que d'une coupole centrale et d'avant-corps élégants qui séduisent le regard. Les sculptures ont été l’œuvre de Federico Ribera et Candido Mata.
Doté d'une capacité de 1.400 sièges, le théâtre a rapidement prospéré en accueillant des opérettes, des pièces de théâtre, des performances variées et des projections cinématographiques. Des stars espagnoles s’y sont produites tout comme des pièces en français ou en arabe. On n’avait plus à se rendre à Paris ou à Madrid pour s’abreuver d’art. À noter qu’en 1929, son propriétaire Peña l’a cédé au gouvernement espagnol en raison de problèmes d’ordre financier. Peu à peu, le Grand Théâtre s’est laissé dégrader par le passage du temps. En 1974, il a fermé ses portes, laissant derrière lui un bâtiment historique en détresse. El Gran Teatro se mourait littéralement en attendant que l’Espagne lui apporte son aide.
Voir tomber en décrépitude un si bel espace, qui fut jadis cœur battant de la scène culturelle tangéroise, n’a pas été du goût de l’Amithe, l’Association des Amis des théâtres historiques d’Espagne, qui ont maintes fois contacté le ministère des Affaires étrangères espagnol pour réhabiliter le théâtre, mais en vain… Au final, c’est le Maroc qui propose de prendre en charge les travaux de réhabilitations pour une enveloppe budgétaire de 60 millions de dirhams. L'année 2019 marque un tournant décisif avec la signature d'un accord entre les gouvernements espagnol et marocain, officialisant le transfert du théâtre et marquant le début de sa restauration tant attendue.
Ledit accord insiste sur la nécessité de préserver le nom «Cervantès» et de promouvoir les cultures marocaine et espagnole dans la programmation à venir. La restauration vise à préserver l'architecture originale tout en lui conférant une nouvelle vocation culturelle, une passerelle entre les deux nations et leurs histoires.
Le Gran Teatro Cervantes de Tanger ne se contente pas d'être un bijou architectural et culturel d'une importance locale. Depuis sa fondation il y a plus d'un siècle, le théâtre a agi en tant que médiateur entre les cultures et les peuples, tissant un réseau de connexions artistiques et humaines entre les deux nations. La réhabilitation du Gran Teatro Cervantes englobe donc le renouveau des relations bilatérales entre le Maroc et l'Espagne.
En insistant sur la nécessité de préserver l'origine espagnole du théâtre et de promouvoir les cultures des deux pays, l'accord de transfert établit un pacte culturel solide entre les deux nations. Si la politique ne peut qu’en tirer avantage, le tourisme culturel en sera également vivifié. Le théâtre agit comme un vecteur de dialogue interculturel, offrant une plateforme où les arts et les idées peuvent s’échanger, transcender les barrières linguistiques et culturelles, et favoriser une compréhension mutuelle. Si des pièces de théâtre maroco-espagnoles existent déjà, le Gran Teatro Cervantes peut en être l’écrin et l’initiateur, pourvu qu’il soit doté de moyens et de ressources humaines qualifiées, passionnées et sensibles au brassage culturel que l’on espère promouvoir dans l’espace.