23 Avril 2023 À 17:37
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Les premières rencontres du Chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, dans le cadre du dialogue social d'avril 2023 avec les partenaires sociaux ont pris fin jeudi par une réunion avec la délégation de la Confédération démocratique du travail (CDT). Cette réunion fait suite aux réunions précédentes avec l'Union marocaine du travail (UMT), l'Union générale des travailleurs du Maroc (UGTM) et la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM).
Les différents partenaires sociaux ont pu ainsi exprimer leurs revendications et reçu les premières réponses du gouvernement. Quelle sera donc la prochaine étape de ce dialogue ? Selon Miloudi Moukharik, secrétaire général de l’UMT, une commission mixte tripartite a été mise en place pour examiner les revendications des syndicats. Cette commission est composée de représentants des syndicats, des ministres impliqués dans les négociations sociales et de la CGEM.
Selon Miloudi Moukharik, la commission devra entamer ses travaux après l’Aïd. Or les syndicats s’impatientent déjà et veulent des réponses concernant leurs revendications avant le 1er mai, la fête des travailleurs. Les syndicats insistent sur une augmentation générale des salaires et du SMIG, ainsi que sur une révision du taux de l’IR, une réduction des taux de la TVA pour améliorer le pouvoir d'achat des travailleurs et des ajustements pour les pensions de retraite. Ils réclament également le respect des engagements pris dans l'accord du 30 avril 2022.
De leur côté, les employeurs sont préoccupés par deux sujets principaux : la révision du Code du travail et l'élaboration d'une loi encadrant le droit de grève. En effet, le président de la CGEM, Chakib Alj, à l’issue de sa rencontre avec le Chef du gouvernement, a affirmé la pleine mobilisation de la Confédération pour réussir le dialogue social tout émettant le souhait d'accélérer les réformes législatives, notamment l'amendement du Code du travail et la promulgation de la loi sur la grève pour accompagner, d’une part, la mise en place de la charte d’investissement et améliorer, d’autre part, le climat des affaires, «qui sont nécessaires à la sauvegarde du tissu économique et à la promotion de l’emploi».
Mais si l'UMT, l'UGTM et la CGEM attendent les réponses du gouvernement dans l’espoir de trouver un terrain d’entente, la CDT, elle, a adopté une position toute différente. Pour cette centrale syndicale, le gouvernement n'a pas clairement exprimé sa volonté de respecter les engagements pris dans l'accord du 30 avril 2022, conformément au calendrier prévu dans ledit accord, ce qui laisse présager un échec des négociations. Dans un communiqué publié vendredi après sa réunion avec Aziz Akhannouch, la CDT souligne que le gouvernement a opté pour une politique d'évitement puisqu’il reporte l'amélioration des revenus à la prochaine loi de Finances, considérant que d'autres questions sont prioritaires à ce stade.
Mais pour le syndicat, ses «priorités sont alignées sur les intérêts des travailleurs, leurs revendications matérielles et professionnelles, ainsi que la défense de leurs acquis sociaux». Dans ce sens, il encourage vivement la classe ouvrière et toutes les catégories de travailleurs à se mobiliser autour de leur organisation, pour faire du 1er mai de cette année un moment de protestation massif contre les politiques publiques et la hausse des prix. Le syndicat invite également les travailleurs «à exprimer avec force et conscience leur refus du désengagement du gouvernement vis-à-vis des engagements sociaux et à lutter contre les projets qui visent à réduire les acquis sociaux liés à la retraite». L’issue de la prochaine étape du dialogue social reste ainsi incertaine, mais une chose est sûre : les attentes des syndicats sont élevées et la pression est forte sur le gouvernement, d’autant plus que sa marge de manœuvre n’est pas très grande.
Le Matin : Quel est votre sentiment après ce premier round de dialogue social ?
Miloudi Moukharik : Notre devise à l'UMT est que «le dialogue vaut ce que valent ses résultats». Nous avons présenté nos demandes justes et légitimes au Chef du gouvernement, notamment celle consistant à freiner l'augmentation des prix et à lutter contre la baisse du pouvoir d'achat des salariés et des citoyens. Nous proposons d'agir sur la TVA comme mécanisme pour y parvenir. Les impôts génèrent des recettes, mais ils servent également à la redistribution des richesses. En temps de crise, il est inacceptable de prélever des taxes allant de 10 à 20% sur des produits de première nécessité, surtout lorsque d'autres pays de la région méditerranéenne ont réaménagé la TVA pour protéger le pouvoir d'achat, comme l'Espagne. Nous avons fait cette demande au Chef du gouvernement et, peu importe les arguments budgétaires avancés, il est crucial de protéger le pouvoir d'achat des citoyens.
Quelles sont les autres revendications sur lesquelles vous avez insisté ?
Je tiens à souligner de nouveau et à insister sur le fait que la seconde revendication primordiale de l'UMT est la réduction de l'impôt sur le revenu. Les salariés constituent la seule catégorie sociale dans notre pays qui paie régulièrement des impôts, sans évasion fiscale, car ceux-ci sont prélevés à la source et atteignent parfois un taux de 38%. Il est donc nécessaire de réduire l'impôt sur le revenu des salariés (IS). Il est important de rappeler que les impôts prélevés sur les salariés représentent 74% des revenus de l'IR. Cette forte imposition concerne même les travailleurs modestes, tels que les ouvriers, les salariés et les fonctionnaires.
Une autre demande concerne l'augmentation globale des salaires, mais pour nous, la demande principale est la revalorisation du SMIG. Lors de la dernière négociation en avril 2022, nous avions obtenu une augmentation de 10%, dont 5% ont été mis en place en septembre 2022. La deuxième tranche était prévue pour le 1er septembre suivant, mais nous avons fait savoir au Chef du gouvernement que les 5% obtenus ne suffisent plus. Nous demandons donc que la revalorisation du SMIG soit portée à un taux compris entre 10 et 15% (SMIG et SMAG).r>Enfin, il convient de considérer la question de la revalorisation des pensions de retraite, qui sont actuellement très faibles. Pour le secteur privé, il existe une limite de 4.200 DH par mois pour tous les salariés, qu'ils soient cadres ou techniciens, quel que soit le nombre de jours cotisés. Cette politique de la CNSS conduit les travailleurs affiliés à vivre dans la pauvreté, car même les cadres se retrouvent avec un revenu mensuel limité à 4.200 DH, ce qui est bien en dessous d'un salaire décent. Par conséquent, il est impératif de déplafonner cette limite et d'augmenter les pensions de retraite de manière globale.
Nous avons également insisté sur le fait que la récente augmentation de 5% pour les retraités octroyée par la CNSS a été appliquée de manière inappropriée. En effet, la CNSS a ignoré la décision du conseil d'administration en ne fournissant cette augmentation qu’aux retraités de 2020, sans l'appliquer pour ceux des années 2021, 2022 et 2023. Pour nous, c’est discriminatoire !
Comment le Chef de gouvernement a-t-il réagi à vos revendications ?
Le Chef du gouvernement est d'accord avec nous sur ce point en particulier. En ce qui concerne les autres points, nous avons eu droit à des réponses insistant sur l’importance des équilibres budgétaires et du financement de grands projets tels que la couverture sociale. Mais à notre sens, cela ne justifie en aucun cas que les citoyens, en particulier les salariés, continuent à subir seuls les conséquences négatives de la situation actuelle. Nous avons dit que pour équilibrer le budget du gouvernement, il serait plus judicieux de traquer les personnes qui ne paient pas d'impôts. Il est troublant de constater que seulement 26% de l'impôt sur le revenu est payé par des catégories sociales autres que les salariés, cela montre que l’évasion fiscale prend des proportions inquiétantes.
Quelles sont les prochaines étapes prévues dans ce dialogue social ?
Le Chef du gouvernement a suggéré la formation d'une commission tripartite composée de représentants du gouvernement, des syndicats et des organisations patronales pour examiner les revendications en question et fournir des réponses concrètes. Les travaux de cette commission devraient débuter la semaine d’après l'Aïd. Nous avons fait part au Chef du gouvernement de notre souhait d'obtenir des réponses avant la fête du 1er mai, afin de pouvoir célébrer cette journée dans la joie. Dans le cas contraire, cette journée sera marquée par des manifestations et des protestations de grande ampleur.
Propos recueillis par B.M.
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