20 Septembre 2023 À 16:46
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Le CNDH vient de se prononcer sur le projet de loi n°10.23 relatif à l'organisation et à la gestion des établissements pénitentiaires, lequel vient d'être examiné, mardi, par la Commission de la justice, de la législation et des droits de l'Homme, en présence du ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi. L'objectif principal de cet avis, d'après le Conseil, est de renforcer les dispositions de ce texte afin de décliner les objectifs ambitieux annoncés dans sa note de présentation en garanties effectives pour protéger les droits fondamentaux des personnes incarcérées.
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Les premières recommandations du CNDH ont trait à la forme et à la terminologie utilisées dans le projet de loi. Ainsi, le Conseil constate que le projet de loi ne contient pas de préambule, alors même que celui-ci contribue pour beaucoup à la compréhension des objectifs de la loi et des raisons ayant présidé à son adoption par le législateur. Le Conseil note également l'absence de définition de certaines notions essentielles, telles que les «établissements pénitentiaires» et les «centres de réforme et d'éducation», pour lesquels il est seulement fourni une description de leurs fonctions.r>De même, la terminologie utilisée dans ce projet de loi recèle un lexique peu précis et équivoque, dont l'interprétation peut prêter à confusion, notamment en ce qui concerne la relation des personnes incarcérées avec l'administration pénitentiaire, et ne rend pas possible de cerner le pouvoir discrétionnaire de cette administration.
Dans son avis, le Conseil exprime également sa préoccupation en ce qui concerne le recours à des expressions telles que «il est permis», «sauf en cas de nécessité», «dans les limites des possibilités disponibles», «dans la mesure du possible» ou «ordre et sécurité». À titre d'exemple, dans son article 156, le projet de loi se heurte à l'ambiguïté de la notion d'«ordre et de sécurité». Cet article confère ainsi à l‘établissement pénitentiaire la prérogative d'interdire à tout prisonnier de bénéficier des séances de sport pour des raisons motivées par l’ordre et la sûreté, ce qui porte atteinte à son droit de faire des activités sportives, indispensables à son bien-être mental et physique.
Le Conseil fait également remarquer que le projet de loi renvoie largement à des textes réglementaires qui compléteront la loi, dont la plupart portent sur la mise en œuvre des droits fondamentaux des prisonniers. Ces renvois soulèvent de nombreuses questions sur les délais de parution de ces textes réglementaires et leur conformité avec les normes internationales applicables en matière de droits des prisonniers. Pour remédier à toutes ces lacunes, le Conseil recommande donc d'inclure un préambule fixant le cadre général de l'ensemble des défis auxquels les établissements pénitentiaires sont confrontés, et de définir clairement les objectifs de la nouvelle loi. Le CNDH recommande également que des définitions précises soient données aux notions d'«établissements pénitentiaires», d'«ordre et sûreté», de «centres de réforme et d'éducation» ou d'«établissements pénitentiaires à régime quasi ouvert».
Une autre recommandation du Conseil consiste à remplacer l'expression «il n'est pas permis» par «il est interdit» dans tous les articles du projet de loi se rapportant à une action ou une mesure émanant d'un fonctionnaire ou de l'établissement pénitentiaire, afin de prémunir les prisonniers contre tout abus ou comportement dégradant pour leur dignité. Il est également recommandé de ne pas employer d'expressions telles que «dans la mesure du possible» pour affirmer que l'État est tenu par la Constitution et les conventions relatives aux droits de l'Homme de mettre en œuvre les droits fondamentaux des prisonniers de manière inconditionnelle.
À ce propos, la CNDH insiste, par exemple, sur le droit à une prise en charge sanitaire et psychologique complète des prisonniers. L'article 64, par exemple, souligne le Conseil, stipule que le prisonnier ne peut bénéficier d'une assistance et d'un accompagnement médical et psychologique que «dans la mesure de leur disponibilité». Or le soutien médical et psychologique faisant partie de l'un des droits fondamentaux de l'Homme, à savoir le droit à la santé, le CNDH recommande donc de supprimer l'expression «dans la mesure de leur disponibilité».
En outre, le CNDH souligne que l'article 100 dispose que les établissements pénitentiaires peuvent conclure des contrats avec des médecins généralistes, spécialistes, dentistes ou des infirmiers. Toutefois, on constate que l’emploi de l'expression «il est permis» peut suggérer que le recrutement de médecins ou d'infirmiers par voie contractuelle est conditionné par les ressources qui sont réservées à ces établissements. Le Conseil recommande donc de modifier cet article comme suit : «l'établissement pénitentiaire est tenu de recruter des médecins généralistes, des spécialistes, des dentistes ou des infirmiers sur une base contractuelle, tout en veillant à assurer les ressources nécessaires pour exécuter ce contrat».
En matière de droit à l'assistance juridique, le CNDH fait observer que l'article 66 stipule qu'«il doit être offert à tous les prisonniers des facilités, dans la mesure du possible, pour obtenir l'assistance et le conseil juridique, conformément aux mesures et aux modalités fixées par voie réglementaire». Pour le Conseil, le caractère limité ou l'absence de telles facilités ne peut être retenu comme justification suffisante pour priver un prisonnier de son droit à une telle assistance et à un tel conseil. Voilà donc pourquoi il recommande de supprimer l’expression «dans la mesure du possible».r>