11 Septembre 2023 À 19:40
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Vendredi dernier, la terre a tremblé au Maroc. La région d’Al Haouz a été fortement touchée. Au total 2.681 morts et 2.501 blessés ont été recensés à la date du 11 septembre. L’émotion de tout un peuple est à son comble, tout autant que l’élan de solidarité. Tout le monde n’a qu’une seule chose en tête : comment aider selon ses moyens et ses compétences. «Le Conseil national de l’ordre des architectes, qui se réunit en continu depuis samedi avec les Conseils régionaux, a lancé un appel à tous ses membres exerçant au Maroc et qui sont au nombre de 3.500 pour s’inscrire, s’ils le souhaitent, de manière volontaire, sur les listes ouvertes au niveau des Conseils régionaux, afin qu’ils puissent intervenir une fois les opérations de secours achevées. Bien entendu, ce sont les autorités qui donneront l’autorisation aux architectes», souligne Rachid Boufous, architecte, urbaniste et membre du conseil national du Mouvement populaire.
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Ce dernier, qui était l’invité de l’émission «L’info en Face», affirme aussi que les architectes sont prêts et formés au front avec d’autres professionnels du génie civil et des laboratoires géotechniques. Ils vont constituer une task force qui interveiendra une fois que les autorités auront donné leur feu vert pour aller sur place et réaliser au préalable un diagnostic, comme cela a été le cas en 2004 après le séisme d’ Al Hoceïma. «Cette annéelà, plus 200 confrères avaient diagnostiqué plus de 3.000 logements. Ce même travail sera fait à Al Haouz», précise M. Boufous. Mais y a-t-il un contrôle des constructions dans les zones sinistrées ? «Nous avons une réglementation parasismique depuis 2002. Elle est applicable dans tout le Maroc et à toutes les constructions, à l’exception des bâtiments conçus selon les techniques traditionnelles», explique l’architecte.
Dans les régions sinistrées, la plupart des habitations – dont certaines sont centenaires – sont construites en terre cuite sur des zones sismiques. Les habitants, dans leurs constructions récentes, ont continué d’adopter le même procédé ancestral sans avoir connaissance de la réglementation. «Cette réglementation, qui a été établie en 2002, n'avait fixé que 3 zones de sismicité au Maroc. Elle a été mise à jour en 2011, portant ces zones à 6. Sachant que l'activité sismique est variable d'une région l'autre, la mise en œuvre de cette réglementation est plus rigoureuse dans les villes. D'ailleurs, à Al Hoceïma, on l'impose depuis 2004. Aucune construction ne se fait sans respecter la réglementation, qu’il s’agisse d’un logement traditionnel ou de construction moderne», explique M. Boufous.
Or «on ne pensait pas que dans la région d’Al Haouz, on allait avoir un séisme d’une telle ampleur». Toujours est-il que même en construisant selon des normes parasismiques, un drame peut facilement survenir. «Il y a des pays qui sont très en avance concernant les techniques de construction, comme le Japon. Mais le tremblement de terre en 1995 dans ce pays a fait 6.900 morts, malgré le respect des règles parasismiques. Tout dépend d’où survient le séisme», précise l’architecte. Et d’ajouter qu’au Maroc, on veille à ce que les gens ne construisent pas dans les zones à fort risque de sismicité. «Agadir, avant le séisme de 1960, se trouvait en contrebas de la zone appelée Agadir Oufella. Aujourd’hui, il est strictement interdit d'y construire, comme il est strictement stipulé que tous les plans techniques, architecturaux sont sévèrement contrôlés par les autorités qui font leur travail correctement», note M. Boufous.
Mais pour l’invité de «L’Info en Face», outre les considérations géophysiques et géologiques, d’autres facteurs entrent en ligne de compte. À cet égard, il insiste sur la nécessité pour les architectes de bien s’acquitter de leur mission. Il faut en finir avec «les signatures de complaisance», dit-il. «Beaucoup d'architectes préfèrent signer des plans plutôt que d'exercer réellement leur métier. C’est un laisser-aller qui peut engendrer des effondrements. Pendant 30 ans, nous avons demandé aux autorités de nous permettre d'avoir un conseiller juridique pour pouvoir poursuivre nous-mêmes, dans le cadre de nos instances, ces architectes fautifs. Mais ce n’est que depuis trois ans qu’on le fait. Il y a eu des poursuites et des suspensions de confrères et de consœurs», déplore M. Boufous.