09 Mai 2023 À 17:14
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Alors que plusieurs semaines nous séparent de la saison estivale, le soleil a déjà pris quartier dans les différentes régions du Maroc et des records de températures ont été battus dans de nombreuses provinces. Des vagues de chaleur intenses se succèdent depuis fin mars dernier, laissant prévoir un été très chaud. «Au cours des semaines écoulées, la situation météorologique a été caractérisée par une hausse importante des températures, en particulier à l’Est de nos provinces du Sud, le Centre, les plaines intérieures nord ainsi que l’Est du pays, où les températures ont été supérieures de 5 à 13 degrés à la moyenne saisonnière, ce qui est remarquable pour la saison printanière», déclare au «Matin» Houssein Bouabed, responsable de la communication à la Direction générale de la météorologie (DGM).
Et d’ajouter que «des records de températures maximales ont été atteints au cours du mois d’avril notamment à Sidi Slimane avec 42 degrés, Marrakech et Taroudant avec 41 degrés, Settat avec 40 degrés et Béni Mellal, Meknès, Fès et Oujda avec 39 degrés. D’autres villes comme Taza, Bouarfa et Er-Rachidia ont également enregistré des températures de 38 degrés qui ont dépassé le record de température du mois d’avril, ce qui rend cette canicule très sévère pour cette période du printemps».
Le spécialiste indique que cette élévation des températures pendant cette période est due à l’activité de la dépression thermique saharienne, qui a généré un courant du Sud-Est qui a amené les masses d’air chaud et sec du Grand Sahara vers nos régions, provoquant ainsi la montée des températures dans la plupart des régions du pays, en particulier les régions du Sud et du centre et les régions intérieures et est du pays. «Ces masses d’air chaud se sont déplacées vers le nord du pays et se sont étendues jusqu’au sud de l’Espagne et au Portugal, où elles ont contribué à la hausse des températures», développe Bouabed.
Ce dernier indique, par ailleurs, qu’en conséquence du réchauffement climatique, les vagues de chaleur ces dernières années sont devenues plus fréquentes et plus intenses et continueront de l'être sur notre région dans le cas d'augmentation de ces émissions. «Ce dernier résultat est affirmé par une étude climatologique prospective récente sur la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA). Pour le Maroc, une étude récemment réalisée au sein de la DGM montre que notre pays a connu un allongement de la saison estivale en termes de nombre de jours sur plusieurs endroits lors de la dernière décennie comparativement à la durée climatologique normale. Ainsi, les masses d'air chaudes arrivent plus tôt et demeurent plus tard», explique-t-il.
De son côté, Dr Abderrahim Haidar, spécialiste en Sciences de l’environnement, souligne que le changement climatique augmente la probabilité de vagues de chaleur record. «De nombreux pics de température ont déjà été battus. Les scientifiques ont déclaré que dans un scénario d'émissions de gaz à effet de serre élevées, les vagues de chaleur extrême seront deux à sept fois plus probables entre 2021 et 2050 et 3 à 21 fois plus probables entre 2052 et 2080», affirme-t-il. Et de préciser que «cette situation entraîne des tempêtes plus destructrices, des vagues de chaleur plus intenses, des sécheresses et une multiplication d’incendies de forêt. Une atténuation rigoureuse du taux actuel de réchauffement climatique n'arrêtera pas ces épisodes de chaleur, mais il les réduira tout de même sensiblement».
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Comment peut-on expliquer le phénomène des vagues de chaleur précoces enregistrées de plus en plus tôt au Maroc ?
Les vagues de chaleur sont un type spécifique d'événement de température extrême. C’est un phénomène météorologique qui se produit sur quelques jours et commence lorsque la haute pression dans l'atmosphère se déplace et pousse l'air chaud vers le sol. Au fur et à mesure que l'air descend, la pression augmente, comprimant l'air et le réchauffant, comme dans une pompe à vélo. Il existe un consensus sur le fait que l'intensité, la fréquence et la durée des vagues de chaleur ont augmenté dans les enregistrements d'observations, à la fois au niveau régional et mondial. Il s’agit d’une combinaison de la tendance du réchauffement climatique et des circulations atmosphériques particulières qui conduisent à ces températures extrêmes.
L’année 2023 s’annonce encore plus chaude que celle écoulée où plusieurs records de chaleur ont été battus. Pensez-vous que cette tendance va se poursuivre les prochaines années ?
En réalité, jusqu'à présent, l’évaluation complète des changements régionaux est entravée par la gamme de paramètres utilisés, par l’ensemble de données sous-jacentes et par les périodes examinées. La seule certitude est que, dans presque toutes les régions, la fréquence des vagues de chaleur enregistre un changement rapide et significatif, depuis les années 1950. Les tendances les plus importantes sont observées au Moyen-Orient en Afrique et en Amérique du Sud, où la chaleur supplémentaire produite par les vagues de chaleur augmente de 10 °C en une décennie. Ces tendances devraient s'aggraver sous l'effet d'un réchauffement climatique accru.
Quel impact cela peut-il avoir sur notre environnement, la santé, l’agriculture… ?
Les vagues de chaleur ont de nombreux effets néfastes, notamment sur la santé humaine, l'agriculture, la productivité sur le lieu de travail, la fréquence et l'intensité des feux de forêt. Des périodes prolongées de températures élevées le jour et la nuit créent un stress physiologique cumulatif sur le corps humain qui peut engendrer des maladies respiratoires et cardiovasculaires, le diabète et les maladies rénales. Les vagues de chaleur peuvent avoir un impact aigu sur les personnes âgées pendant de courtes périodes et déclencher ainsi des urgences de santé publique et entraîner une sur-mortalité. Il faut surtout souligner que l'inégalité des impacts des vagues de chaleur affecte négativement les pays en développement en raison d'un manque de capacité d’adaptation. Ils peuvent également entraîner une perte de capacité de prestation des services de santé, où les pénuries d'électricité qui accompagnent souvent les vagues de chaleur perturbant les établissements de santé, les transports et les infrastructures d'approvisionnement en eau. Ces impacts augmenteront dans le cadre d'un réchauffement climatique, où des vagues de chaleur plus rapides produiront probablement des impacts plus graves et peuvent être irréversibles dans certains secteurs.
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