Saloua Islah
29 Novembre 2025
À 09:50
L’affaire est partie d’une démonstration publiée sur le réseau X par un ingénieur indien, révélant que Nano Banana Pro, l’outil avancé de génération d’images développé par Google, peut produire des duplicatas bluffants de cartes officielles telles que les Aadhaar et PAN en Inde, l’équivalent des cartes nationales d’identité et des numéros fiscaux utilisés dans la plupart des pays. À partir d’un simple prompt textuel, le système génère des documents comprenant textures authentiques, typographies quasi conformes, photos synthétiques crédibles et éléments graphiques reproduits avec une précision inquiétante. Les identités présentées, bien que fictives, semblaient suffisamment cohérentes pour contourner les contrôles visuels traditionnels.
Cette démonstration dépasse largement le cas indien et met en lumière un risque global, y compris pour les pays où Nano Banana est largement accessible, notamment le Maroc, même si aucun cas n’a été détecté à ce stade. Dans plusieurs régions du monde où la digitalisation demeure incomplète (en Afrique, en Asie du Sud ou en Amérique latine ), les services financiers et administratifs s’appuient encore largement sur l’analyse d’images statiques pour les procédures KYC, l’ouverture de comptes ou l’activation de cartes SIM. Les technologies de marquage invisible, telles que SynthID intégré par Google, ne constituent pas une protection suffisante, car ces filigranes peuvent être contournés par un simple recadrage ou une altération de la qualité de l’image.
Face à cette évolution, les experts en
cybersécurité redoutent désormais une véritable industrialisation de
la fraude identitaire. Les faux documents générés par IA peuvent être produits en grande quantité, en quelques secondes et sans aucune compétence technique. Ces faux justificatifs peuvent ensuite servir à ouvrir
des comptes bancaires, demander des crédits instantanés, créer
des identités fictives destinées à des
activités illégales ou
activer des cartes SIM utilisées dans des
campagnes de phishing ou pour
intercepter des codes OTP. Sur les marchés souterrains, ce type d’identité synthétique pourrait même devenir un produit commercialisable, proposé comme un service prêt à l’emploi aux fraudeurs.
Dans ce contexte, les systèmes de vérification actuels se retrouvent en première ligne, d’autant qu’une grande partie
des processus d’intégration repose encore sur de simples photos envoyées via des applications, un mécanisme devenu insuffisant face à des images générées par IA désormais visuellement indiscernables du réel. Plusieurs spécialistes appellent à un basculement vers des approches plus robustes :
vidéo en direct, détection de vivacité faciale,
analyse automatisée des artefacts génératifs ou encore vérification systématique via les
API officielles des gouvernements. Les analystes expliquent qu’il ne s’agit plus simplement d’améliorer les contrôles, mais de repenser entièrement la notion de preuve d’identité dans une ère où l’image n’est plus une garantie fiable.
L’incident a relancé un débat mondial sur la sécurité numérique, la confiance dans les documents officiels et la régulation des outils d’intelligence artificielle, tant la menace apparaît désormais structurelle. Pour les institutions financières, les opérateurs télécoms et les administrations, l’enjeu est d’adapter rapidement leurs systèmes à un paysage où la fraude n’est plus artisanale mais automatisée, scalable et difficilement détectable. Les spécialistes convergent aujourd’hui vers un même constat,
la fraude identitaire bascule dans une nouvelle ère portée par la puissance de l’IA, et seule une
modernisation accélérée des mécanismes de défense pourra freiner cette menace croissante.