Accidents de travail et responsabilité civile : un projet de loi plus contraignant
L'assurance « accident de travail, responsabilité civile » constitue l'une des responsabilités les plus lourdes incombant aux employeurs vis-à-vis de leur personnel.
C'est le dahir du 25 juin 1927 tel que modifié par le dahir n° 1-60-223 du 6 février 1963 qui réglemente la réparation des accidents de travail. Le dit dahir a, depuis, fait l'objet d'un résumé sous forme d'arrêté du directeur du travail du 26 mai 1948 qui doit être affiché dans chaque établissement ou partie d'établissement.
A fin de réviser ce dahir et surtout le rendre obligatoire, le ministre de l'Emploi a présenté un projet de loi qui a été adopté dernièrement à une forte majorité par la commission de la justice, de la législation et des droits de l'Homme de la Chambre des Conseillers.
C'est ainsi que le projet prévoit une indemnité égale à deux tiers de la rémunération journalière dès les premiers jours de l'incapacité au moment où l'actuelle législation ne prévoit que la moitié du salaire journalier pour le premier mois et deux tiers au-delà. Mais, la clause la plus controversée est celle obligeant les employeurs qui ne souscrivent pas à une assurance accidents du travail à une amende de 2.000 à 200.000 DH et à un emprisonnement d'un à six mois ou à l'une de ces deux peines seulement. Ce qui soulève le tollé de certains opérateurs économiques qui assimile ce projet à celui de la loi sur la SA. On peut se demander ce qui a poussé le ministère de tutelle à proposer ce projet de loi. La réponse est simple. L'assurance « accident du travail – responsabilité civile » plus connue sous le pseudonyme « A.T-R.C » n'est presque plus une obligation dans les petites entreprises et dans la majorité des entreprises moyennes. En effet, la plupart de ces entreprises n'ont aucune couverture pour la réparation des accidents du travail et de la responsabilité civile. Et, quand elles ont une couverture, celle ci est souvent faite pour une partie seulement de leur effectif dans la mesure où une partie non négligeable du personnel n'est pas déclarée à la CNSS et, par voie de conséquence, n'a pas de bulletin de paie, donc, travaillant en noir dans l'illégalité la plus absolue. Pourtant, pour le dahir du 25 juin 1927, tous les ouvriers, employés et apprentis travaillant dans les entreprises commerciales, industrielles, forestières et agricoles ainsi que dans les entreprises de soins personnels ou dans les professions libérales ou autres, tels les concierges, les gérants non salariés, les ouvreuses de cinéma ou de théâtre et les élèves des établissements d'enseignement technique ou professionnelle, etc. doivent être assurés.
La couverture des salariés est effective même en cas d'accident au cours du trajet de sa résidence au lieu du travail si le parcours n'a pas été interrompu ou détourné pour un motif dicté par l'intérêt personnel de la victime ou indépendant de son emploi. Il est vrai que la plupart des salariés tentent de profiter de cette opportunité pour se faire payer la moitié de leur salaire pendant deux à trois semaines tout en se dorant au soleil en transformant une blessure suite à une dispute ou à une réelle blessure survenue lors d'un accident le jour de repos en accident de travail. Il leur suffit d'amener deux témoins, souvent complices pour que l'accident soit enregistré. Tous les employeurs connaissent le problème qui tend à se généraliser. Aussi, le projet de loi doit donc faire échec aux tricheurs sans léser les véritables accidentés du travail qui doivent bénéficier de la couverture légitime. Pour en bénéficier, le salarié se doit de déclarer l'accident dans la journée ou au plus tard dans les 24 heures sauf en cas de force majeure
Quant aux employeurs, ils doivent, selon le dahir 25 juin 1927 modifier le 6 février 1963, déclarer l'accident au plus tard dans les 48 heures aux autorités compétentes (Préfecture, Gendarmerie ou Police), déposer le certificat médical, remettre à la victime un bulletin portant les renseignements sur la compagnie d'assurance, ceux de la victime et de l'employeur ainsi que la nature et la date de l'accident, verser l'indemnité journalière à la victime (50% pendant les 28 premiers jours et 2/3 au-delà), déposer le certificat de guérison chez les mêmes autorités.
Si l'employeur ne déclare pas l'accident de travail, le salarié peut le faire dans les deux années qui suivent l'accident en apportant toutes les preuves nécessaires. Au-delà de deux ans, l'action d'accident du travail est prescrite, c'est à dire qu'elle ne peut plus être acceptée.
Dans le cas ou l'état de santé de la victime s'est aggravé, celle ci peut demander la révision en hausse de l'indemnité dans un délai maximum de 5 ans. A contrario, si l'état de santé de la victime s'est amélioré, l'employeur peut également demander la révision en baisse de la dite indemnité.
Enfin , pour les personnes morales coupables de n'avoir pas assuré la couverture de leur personnel à l'assurance « accident de travail » , le nouveau projet rend responsable la personne physique qui la représente. Il est important cependant de trancher dans le cas de deux cogérants ayant le même nombre de parts ou d'actions.