«Arte» et l'image plurielle du Maroc
La télévision franco-allemande “Arte” a consacré sa soirée “Théma” de mardi 4 décembre au Maroc. Plus de deux heures de télévision où l'image du pays est apparue, sous l'œil d'une caméra exigeante, plurielle. Deux documentaires, servis selon deux approche
"L'évolution de la monarchie et des institutions politiques, l'état de l'économie, le statut des femmes, la place de l'Islam, le rôle de l'armée...”, aucun domaine n'est laissé au hasard dans le documentaire de 55 mn qui inaugurait la soirée "Théma”. La présentation du "panorama des défis posés à la classe dirigeante et à la société marocaine” s'est fait sans complaisance, avec la rigueur professionnelle. Ce qui nous change des émissions truffées de préjugés et de clichés.
Séverine Labat et Jean-Michel Vennemani, réalisateurs de ce travail, allaient être les premiers surpris du résultat. L'image est prenante d'une jeunesse marocaine libre de s'exprimer, sans tabous, sans interdits. Une jeunesse consciente de ses droits qui a porté tous ses espoirs dans son Roi. "L'institution monarchique est le seul repère pour les marocains”, dira notre confrère Mohamed El Gahs.
Le documentaire est une biographie politique de S.M. le Roi, qui dresse un état des lieux de la maison Maroc avec interviews et témoignages des personnalités du monde politique, économique et social. Tous s'expriment différemment mais leur message essentiel est partout le même. Face à l'espoir réel de tout un peuple, les blocages de la société persistent qui freinent l'élan de dynamisme impulsé par le Souverain. Le Maroc reste confronté à des défis politiques, économiques et sociaux pas faciles à régler. Les réticences au changement sont perceptibles et réels.
Mais la volonté d'aller de l'avant est manifeste. Les actes du Souverain sont multiples qui favorisent l'espoir d'une plus grande ouverture démocratique, d'un essor économique et d'un meilleur être social. La lutte est engagée contre le chômage, la marginalisation des femmes, l'exode rural, la corruption et la faillite du système éducatif. Face à cela, le bilan de l'action gouvernementale paraît plus contrasté.
L'effet de ce retard est relevé. Les jeunes, qui en sont les premières victimes, sont les plus critiques, les plus impatients aussi.
De ce premier documentaire, on retiendra surtout cette image plurielle du Maroc. La modernité, dans ses aspects les plus criards, qui cohabite avec le conservatisme des traditions de la société. Ce trait est renforcé lors des deux marches contradictoires de mars 2000 à Casablanca et Rabat. L'une, menée par des militantes présentées comme progressistes, revendiquait plus de droits pour la femme, l'autre encadrée par des mouvements "islamistes”, appelait au nom des mêmes droits de la femmes au respect de la tradition et de la religion. D'aucuns s'entêtaient à n'y voir qu'un clivage profond de la société marocaine. En fait, les deux marches reflétaient un Maroc tolérant et démocratique où chacun peut exprimer et assumer sa différence tout en respectant l'autre.
Le dernier documentaire de la soirée nous emmènera dans les dédales de l'ancienne Médina de Casablanca à la rencontre d'un petit groupe de femmes marocaines. Pauvres et analphabètes, elles sont résignées mais dignes. Conscientes de leur droits aussi. Au fil des séquences, la caméra de la réalisatrice d'origine marocaine, Dalila Ennadre, deviendra complice. Elle les suvra dans leur vie quotidienne, entierrement dédiée à leurs enfants et maris, pour nous révéler "des femmes d'une surprenante vitalité, curieuses, lucides, volontaires, enjouées...” Leur message sera le plus percutent. Leur ambition est simple, mais résume les attentes des marocains: un meilleur être social dans la dignité.