C'est indécent, Signore Berlusconi !
S'il s'affaire en lorgnant du côté des valeurs boursières ou en opérant des classements entre les entités de son empire financier, Signore Berlusconi a tout le loisir de “boursicoter” en bon initié, et établir la hiérarchisation préférentielle idoine qui
28 Septembre 2001
À 23:24
Mais que Signore Berlusconi s'engage en sa qualité du président du conseil de la République d'Italie sur une appréciation des valeurs de l'Islam par rapport à celles de la civilisation occidentale, zéro pointé et lourd de conséquences.
Faut-il se résigner désormais à faire subir, en Italie, des examens sévères en histoire des civilisations à tous les candidats à la présidence du conseil pour s'assurer que des déclarations indécentes ne viennent ternir gravement l'image de l'Italie. Car, en patron averti de l'audiovisuel et en orateur politique normalement au fait des effets de l'image, Signore Berlusconi est frappé de strabisme, lui qui vient de porter un coup dur à l'Italie, à son génie et à ses penseurs qui ont tant donné à l'Histoire universelle. "Il faut être conscient de la supériorité de la civilisation occidentale et de son système de valeurs sur l'Islam”, affirme El Signore !
Il y a, dans cette "conscience” et dans la "supériorité” qu'il prône, comme une remontée en surface d'un atavisme de croyance qui risque de libérer de vieux démons, ceux-là mêmes qui ont conduit l'Italie d'hier à de fâcheux destins.
Comme il y a, dans cette formulation qui exploite la déchirure planétaire actuelle, la résurgence d'un des principaux aspects du mythe politique dont les nouveaux "nazions” ont donné le ton. Ce mythe politique là est bien fabulation, déformation ou interprétation objectivement récusable du réel.
Car Berlusconi se réfère implicitement dans son mythe de "supériorité” à un construit de récits légendaires qui avait conduit à des désastres. Il exerce une fonction explicative, qui fournit un certain nombre de clés de compréhension du présent et qui constituent une grille à travers laquelle peut sembler s'ordonner le chaos déconcertant des faits et des événements.
Il est vrai encore que ce rôle d'explications de l'affirmation " berlusconienne ” se double d'un rôle de mobilisation : par tout ce qu'il véhicule de "dynamisme” catégorique (surtout en ces temps) le recours implicite croisade accrédite la thèse "huttingtonienne” du "clash” (inévitable) des civilisations.
Il est ainsi, à sa manière, une façon de légitimer un terrorisme à rebours.
L'imaginaire "berlusconien” dans ses structures, comme dans ses desseins, ne relève point des principes républicains qui, en Italie, après la deuxième guerre mondiale, ont tiré un trait sur les "superlatifs” entre les hommes.
Le terrorisme n'est pas un extrémisme que seules les contrées islamiques ont sécrété. L'Islam, religion révélée et monothéiste, est bien celle de la paix, de la tolérance, de l'égalité et du juste milieu.
Si Berlusconi attend des "dividendes” d'une telle affirmation indécente et qui attise les élans racistes et xénophobes, l'on peut répondre que, heureusement, il y a des démocrates en Italie et en Europe pour lui répondre avec vigueur et sans équivoque. Car, il a démontré aux Italiens qu'il ne peut respecter les engagements pris en leur nom lorsqu'il a ainsi tourné le dos à la déclaration solennelle des Européens, qui ont unanimement rejeté l'amalgame et l'assimilation entre Islam et terrorisme.
Si la première Sourate du Saint Coran commence par une invocation au savoir, "Ikr'e”, Berlusconi est encore invité à reprendre le chemin de la connaissance pour mieux méditer l'Histoire universelle, Islam compris.