Casablanca-Alerte à l'anthrax : huit mois de prison ferme pour l'auteur
Quiconque, par écrit anonyme ou signé, image, symbole ou emblème, menace d'un crime contre les personnes ou les propriétés est puni de l'emprisonnement d'un à trois ans et d'une amende de 120 à 500 dirhams». C'est l'article 425 du code pénal, invoqué par
Tout a commencé le 16 octobre dernier, à un moment où la situation internationale était en pleine crise (attentats du 11 septembre 2001 aux USA, guerre en Afghanistan et spectre de l'anthrax ou maladie du bacille de charbon).
Ce jour-là, Hicham El Kadiri, 37 ans, ingénieur informaticien et directeur de sociétés, employant près d'un millier de personnes, discutant avec son épouse, eut l'idée de jouer un tour à son ami Abdelkader Laâlej, industriel (produits avicoles).
Un canular dont il ne pouvait douter des conséquences, en ces temps difficiles.
Le destinataire n'était pas dans son bureau et c'était à sa secrétaire de réceptionner cette mystérieuse enveloppe contenant de la poudre blanche.
De l'anthrax ?
Le destinataire était en déplacement, à la suite du décès de l'un de ses proches.
Le 18 octobre 2001, Abdelkader Laâlej reçut donc l'enveloppe et, doutant de son contenu (Anthrax), saisit les services de police, déposa ensuite plainte contre X.
Le 22 octobre 2001, alors que le laboratoire scientifique de la Sûreté 110nale, après examen du contenu de l'enveloppe, conclut à un canular, Hicham El Kadiri fut arrêté, puis déféré au Parquet où il bénéficia de la liberté provisoire, sur ordre du procureur du Roi (Tribunal de 1ère instance d'Aïn Chock-Hay Hassani) qui ordonna à la P.J. un complément d'enquête.
Lundi dernier, Hicham El Kadiri comparut devant la Cour, en détention préventive et l'audience fut reportée à la suite d'une requête de la défense.
Jeudi dernier, et comme nous l'avons rapporté dans nos éditions d'hier, les plaidoiries de fond ont opposé représentant du ministère public à la défense.Lors de l'audition de l'inculpé, ce dernier a réitéré ses aveux aux enquêteurs, affirmant que le destinataire de l'enveloppe, Abdelkader Laâlej et lui se connaissaient depuis longtemps et avaient l'habitude d'échanger des plaisanteries.
Le président de la Cour : Mais cette plaisanterie présente une gravité, vu les circonstances actuelles.
L'accusé : C'était juste une plaisanterie et heureusement, notre pays est connu pour sa stabilité et ne connaît pas de psychose de peur.
Ministère public : Une plaisanterie avec de la poudre dans l'enveloppe ? A un moment où la menace de l'arithrax est réelle !
Hicham El Kadiri, en réponse à une question du président, a déclaré qu'il avait tenté en vain de téléphoner à son ami Laâlej pour le rassurer ; mais hélas, c'était trop tard car le destinataire avait déposé une plainte.
Laquelle plainte, Laâlej s'en désistera par la suite pour ne pas aggraver la situation de Hicham aux yeux de la loi.
Le réquisitoire du représentant du ministère public commença par la lecture de l'acte de l'accusation et du message contenu dans la lettre adressée par Hicham à Laâlej.
Un message qui se veut une menace et une mise en garde d'un mouvement intégriste à l'industriel, lui ordonnant de couper toute relation avec les mécréants et de le soutenir.
«L'accusé parle d'une simple plaisanterie alors que partout, dans le monde, la psychose de la maladie du bacille de charbon est réelle.
La menace n'avait pas d'impact seulement sur Abdelkader Laâlej, mais sur beaucoup de personnes qui croyaient que l'anthrax a atteint notre pays».
Et le représentant du ministère public de souligner la gravité des faits et de réclamer une peine exemplaire d'au moins un an d'emprisonnement, pour que cela serve de leçon aux mauvais plaisantins.
La bâtonnier, maître Abdallah Dermich, défenseur de Hicham El Kadiri allait exprimer son étonnement devant le point de vue du Parquet qui poursuit le prévenu sur la base des articles 425, 426 et 400, punissant les tentatives de menace de crime.
«En s'appuyant sur l'article 425 du code pénal, le Parquet n'a pas visé juste : le message en question, est-il réellement une menace de crime ?
Est-ce que Laâlej a été menacé de mort ?
Le ministère public a omis un point important : c'est que la menace doit être accompagnée de la volonté de crime ; ce qui n'est pas le cas dans cette affaire».
M. Dermich a ajouté que la lettre de Hicham a été remise par l'un de ses collaborateurs -donc une personne connue- à la secrétaire de Abdelkader Laâlej.
Donc, selon le défenseur de Hicham El Kadiri, l'intention criminelle de son assisté n'était pas prouvée et ses déclarations, comme celles des témoins, concordaient.
Elles prouvent la bonne foi de Hicham.
Au lieu des articles 425, 426 et 400 du code pénal, M. Dermich estime que le Parquet aurait, tout au plus, invoqué l'article 429, qui prévoit une peine d'un mois à trois de prison ou une amende allant de 120 à 150 DH, ou l'une de ces deux peines.
«Pour punir le prévenu, nous ne pouvons le faire que sur la foi de preuves matérielles et sur la base d'articles de loi et non sur des supposition ou des éléments extérieurs à l'affaire» a conclu le bâtonnier qui a plaidé ensuite les circonstances atténuantes pour obtenir la liberté provisoire en faveur de son assisté.
Elle fut rejetée par la Cour alors que le représentant du ministère public s'y était opposé auparavant.
Hier, le prononcé du jugement a été rendu : 8 mois de prison ferme et 500 DH pour Hicham El Kadiri.