Disparition de Gilbert Bécaud : «quand il est mort le poète»
Homme de scène, chanteur survolté plus que révolté, auteur de plusieurs tubes, Gilbert Bécaud, surnommé Monsieur 100.000 volts, est mort mardi sur sa péniche parisienne des suites d'un cancer du poumon. La carrière de ce mélodiste et harmoniste hors pair
18 Décembre 2001
À 20:37
Homme aux 1.000 projets (il avait le passé en horreur), le chanteur avait en partie enregistré un nouvel album, qui devrait sortir dans le courant de l'année prochaine. Parmi ses dernières chansons figurent quelques titres écrits avec son auteur-fétiche, Pierre Delanoë, dont "SOS Mozart”, composée l'an dernier. Gilbert Bécaud, François Gilbert Silly de son vrai nom, est mort sur sa péniche d'Aran, amarrée sur la Seine, au pont de Saint-Cloud. La péniche porte le nom de son opéra créé en 1962 au théâtre des Champs Elysées ("A ma péniche, au pont de Saint-Cloud, on n'est pas riche, mais on s'en fout”). Bécaud était très attaché à cette oeuvre qui ne rencontra qu'un modeste écho en France, ce dont il avait souffert, échec en partie compensé par l'écho rencontré à l'étranger, à Broadway notamment.
Gilbert Bécaud est mort, d'un cancer, hier à l'âge de 74 ans. Parallèlement à sa carrière de chanteur-compositeur, il avait joué dans près d'une dizaine de films. Gilbert Bécaud est certes plus connu en tant que chanteur, mais il eut aussi une brève carrière cinéma. En effet, en 1956, Bécaud était à l'affiche de «Le Paris d'où je viens» de Marcel Carné. Il a également travaillé avec Claude Lelouch dans «Toute une vie» où il a incarné son propre rôle. Mais, c'est biensûr le musicien que retient le public en mémoire et pour cause... Gilbert Bécaud a marqué pendant un demi-siècle l'histoire de la chanson française, avec un sens du swing qui lui valut dès ses débuts le surnom de «Monsieur 100.000 volts». Avec quelque 400 chansons à son répertoire, dont une vingtaine de tubes qui ont traversé toutes les modes, Gilbert Bécaud a eu une carrière dont la longévité n'a d'équivalent que celle de Charles Trenet, et qui s'identifie pour une grande part à l'histoire de l'Olympia à Paris où il s'est produit plus de trente fois. Né le 29 octobre 1927 à Toulon (sud-est) dans une famille de petits commerçants, Gilbert Bécaud - de son vrai nom François Gilbert Silly - fait des études aussi brèves que médiocres. Mais, simultanément, il suit des cours de piano au conservatoire de Nice, où la petite histoire lui prête comme professeur le virtuose polonais Ignacy Paderewski. «Monté» à Paris dès la Libération, Gilbert Bécaud mettra aussitôt à profit ses talents de pianiste dans divers night-clubs. Il y fait la connaissance du chanteur Jacques Pills, dont il devient rapidement l'accompagnateur. L'épouse de celui-ci n'est autre qu'Edith Piaf. Confirmant sa réputation de découvreuse de talents, elle l'incite à l'interprétation et lui présente le préfet-poète Louis Amade qui sera, avec Pierre Delanoë, l'un de ses principaux paroliers. Il fera son entrée fracassante à l'Olympia, en s'y produisant comme tête d'affiche en avril 1954. Ce spectacle restera dans l'histoire du music-hall français comme celui où, pour la première fois, des sièges sont brisés par des spectateurs électrisés par le rythme de la musique, événement qui vaut à Gilbert Bécaud le surnom qui le suivra toute sa carrière: «Monsieur 100.000 volts». L'une de ses chansons les plus célèbres, «Et maintenant», a connu un succès gigantesque outre-Atlantique dans sa version anglaise («What now my love»), interprétée par quelque 150 artistes, dont Frank Sinatra et Barbara Streisand. A l'image de ce tube, l'essentiel du répertoire de Bécaud était composé de chansons sentimentales dont certaines sont restées sur toutes les lèvres: «Nathalie», «L'important c'est la rose», «Quand il est mort le poète», «Le jour où la pluie viendra», etc. Marié deux fois, père de cinq enfants et d'une petite Laotienne adoptée en 1992, Gilbert Bécaud partageait sa vie entre une propriété dans le Poitou (centre-ouest), une maison en Corse (sud-est) et une péniche amarrée en région parisienne.