En entrant à l'OMC: la Chine fait de l'ombre à ses voisins asiatiques
Les dirigeants asiatiques s'inquiètent du prochain bond en avant de l'économie chinoise grâce à l'entrée de Pékin dans l'Organisation mondiale du commerce (OMC), estiment les experts.
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LE MATIN
19 Septembre 2001
À 19:08
L'adhésion de la Chine, officialisée lundi à Genève, va représenter une contrainte supplémentaires pour la compétitivité des économies asiatiques qui vont devoir se mesurer au rouleau compresseur de l'industrie chinoise, soulignent-ils.
«La Chine va devenir l'usine du monde pour le 21 ème siècle tout comme le Japon l'avait été juste après la Deuxième guerre mondiale», a déclaré mercredi le vice-Premier ministre de Singapour Lee Hsien Loong lors d'une conférence.
«L'entrée de la Chine dans l'OMC va accélérer son intégration dans l'économie mondiale mettant la pression à la fois sur les autres pays mais également sur tout le secteur des entreprises d'Etat chinoises», a-t-il ajouté. Les dix voisins de la Chine, membres de l'Association des 110ns de l'Asie du Sud-Est (ASEAN), déjà empêtrés par le ralentissement économique général, vont avoir la tâche difficile de s'intégrer plus étroitement qu'auparavant, explique Bob Broadfoot directeur exécutif d'un institut sur l'Etude des risques économiques et politiques (PERC).
«L'ASEAN a besoin d'accroître sa coopération régionale afin d'abaisser ses barrières tarifaires et de créer un marché plus cohérent si elle veut apparaître comme une alternative crédible au marché que représente les 1,2 milliard de consommateurs chinois», a déclaré à l'AFP M. Broadfoot. «Faute de quoi elle sera considérée comme un forum de discussion plutôt que comme une instance opérationnelle», a-t-il ajouté. Représentant un total de 500 millions d'habitants, les dix pays de l'ASEAN (Bruneï, Cambodge, Indonésie, Laos, Malaisie, Birmanie, Philippines, Singapour, Thaïlande et Vietnam) ont été la cible de critiques en raison de leur incapacité à augmenter l'intégration de leurs économies après la crise financière régionale de 1997-1998.
Intégration économique
Pourtant tous ont adhéré à une zone de libre-échange (AFTA) ce qui entraînera pour les pays membres les plus avancés, une réduction des taxes d'importation pour la plupart des produits qui se situeront entre zéro et cinq pour cent d'ici 2003.
Singapour, qui représente l'une des économies les plus florissantes en Asie est le membre le plus véhément face aux défis entraînés par l'adhésion de la Chine à l'OMC.
Lee Kuan Yew, qui a été le premier chef de gouvernement de Singapour, poste qu'il a occupé de 1959 à 1990, a insisté auprès des membres de l'ASEAN pour qu'ils passent des accords bilatéraux de libéralisation du commerce afin de contrer le poids croissant de l'économie chinoise. «Si vous pensez que les choses vont continuer comme avant et que nos exportations vont repartir et que nous redeviendrons un tigre économique vous vous trompez. Nous sommes dans un monde différent», a déclaré M. Lee lors d'un récent voyage en Malaisie. Successeur de Lee Kuan-Yew, le Premier ministre Goh Chok Tong estime que la rapide croissance de la Chine est «inquiétante» ce qui selon lui doit conduire Singapour à relever son plus grand défi en se taillant des marchés-niche face à la force de Pékin en mesure d'inonder le monde de ses produits de haute qualité et moins chers.
Cependant le secrétaire général de l'ASEAN, Rodolfo Severino, est moins pessimiste estimant que cette organisation peut faire face aux défis que représente la Chine.
«Depuis le début, les pays de l'Asie du Sud Est savaient que la Chine entrerait dans l'OMC», a-t-il expliqué à l'AFP par téléphone depuis Jakarta.
Ce ne sera pas à sens unique dans la mesure où la Chine va également abaisser ses taxes d'importation ce qui devrait profiter aux pays de l'ASEAN, ajoute M. Severino.
En outre, dans le domaine des investissements étrangers, les dix pays de l'organisation craignent que la Chine se taille la part du lion à leur dépens.