Fatima Hal : l'art culinaire, une histoire d'amour et de patience
Que ce soit en pratique ou en théorie, une pluralité exquise enrichit l'art culinaire marocain. Depuis des siècles, la cuisine marocaine a fait montre d'une capacité déroutante à préserver son empreinte grâce à son goût raffiné et à sa méthode original
Vous êtes la première femme maghrébine à obtenir la légion d'honneur en France, parlez-nous des conditions de cet événement ?
La reconnaissance de l'État français pour mon parcours est extrêmement importante. Cela veut dire qu'il n'est nullement indifférent aux travaux effectués par les résidents étrangers marocains.
Il est conscient de l'apport de cette population pour l'enrichissement de la culture locale.
Quant à ma contribution, elle se situe au niveau de mon intérêt pour l'immigration dans le milieu des enfants et de la conditions de la femme maghrébine en France. Le volet primordial de cette décoration est celui de mon intervention dans le milieu de l'art culinaire dans lequel je travaille depuis plus de 17 ans. Cette cérémonie pleine d'émotions, célébrée en présence de notre ambassadeur en France, d'intellectuelles français et marocains, d'hommes politiques ainsi que du ministre des Droits de la femme français, fut une nouvelle occasion pour mettre la lumière sur nos affinités et non pas nos différences.
A la fois rebelle et libre, la cuisine marocaine refuse les structures figées. Justement, vous dites que la sauvegarde de la cuisine marocaine n'a été possible que grâce à la mobilité des hommes et à l'interaction de différentes tendances....
En effet, il n'existe pas de cuisine pure au sens propre du terme. La communication a joué un rôle stratégique dans la préservation de notre patrimoine culinaire. Chaque famille a ses propres secrets gastronomiques, et à chaque fois que l'occasion se prête permettant des échanges de secrets de recettes, on ne la rate pas. Les interactions à travers la communication, les voyages ont été bénéfiques pour la préservation de nos traditions culinaires.
Est-ce-que cela veut dire qu'il n'existe pas de cuisine dénuée de toute influence?
L'astuce de notre culture culinaire gravitait autour de la sauvegarde de notre héritage culinaire, tout en donnant libre court à notre créativité qui acceptait aisément d'introduire de nouvelles techniques et ingrédients sans aucun reniement. Il est important de signaler que la force des marocains réside dans cette formidable possibilité de maîtriser les acquis et les adapter aux influences d'ailleurs.
Le Festival des arts culinaires vient de célébrer la gastronomie marocaine dont l'ambition ultime est de confirmer sa place au sein du patrimoine culinaire mondial....
Les traditions culinaire d'un pays sont le miroir de sa civilisation. Toutes les grandes 110ns disposent d'une longue histoire culinaire, et nous en sommes une qui a particulièrement parvenu à exporter ses goûts et ses saveurs au delà de nos frontières. Il est temps de doubler nos efforts pour que nous puissions faire connaître ce côté savoureux de notre civilisation, et de mettre en exergue ses particularités .
De par les sondages effectués en France, on réalise que la cuisine marocaine, en particulier le couscous, est généreusement bien placée parmi les plats préférés des Français. Quel serait le secret de cet envoûtement?
Il faut dire que des efforts considérables sont fournis par les marocains à l'étranger pour promouvoir notre gastronomie, qui est très à la mode actuellement en France. Elle est classée en premier ou en deuxième rang, encore une fois grâce aux restaurateurs marocains qui font preuve de recherche et de communication auprès du public français. Ce dernier a adopté notre cuisine parce qu'il s'est senti diététiquement à l'aise dans la composition de nos recettes. Nous n'avons point de crème, et notre répertoire culinaire est truffé de plats qui assurent un bon équilibre alimentaire.Si l'on se donne la peine de faire un tour d'horizon de notre gastronomie, ses bienfaits sont évidents. Le méchoui, accompagné d'une ou deux salades assaisonnées de l'huile d'olive est une cure joviale pour notre appétit. La cuisson à la vapeur est un autre point fort de nos gestes culinaires qui semblent faire rage auprès des gourmets.
Vous en êtes à votre troisième livre culinaire, «Cuisine du Maroc» qui vient de sortir sur le marché marocain. Est ce que cela veut dire que vous trouvez toujours quelque chose à écrire sur la richesse de la gastronomie marocaine?
L'art culinaire est une question d'amour et de patience. Et on a beau faire des découvertes, le travail sur le terrain, avec de femmes âgées, me permet toujours de dénicher le petit plus. Mon dernier livre «Cuisine du Maroc» fait désormais parti de la collection des cuisines du monde aux éditions du Pacifique. Distribué aux U.S.A., en Asie, en Europe et en Afrique, cet ouvrage ne comporte pas uniquement que des recettes (65 plats) mais également des textes et de magnifiques photos.