Fête du Trône 2006

L'exhortation au convenable et la prohibition du blâmable

Le thème abordé en conférence par le professeur Mohamed Taha Assabounji, présente un principe idéal, d'abord par le fait de sa portée thématique qui évoque le prohibitif et le blâmable. En outre, c'est un sujet d'actualité, complexe et enchevêtré par les

22 Novembre 2001 À 16:58

(Suite et fin)
Cependant, concernant celui qui abjure l'Islam en se détachant de la communauté et constitue pour celle-ci un danger, l'Islam établit tout d'abord avec lui un dialogue utilisant l'argument et la preuve pour le ramener à la raison. S'il persiste cependant dans son attitude et continue à menacer la communauté des croyants, la peine légale lui sera alors appliquée. La sanction ici n'est nullement une atteinte à la liberté, mais plutôt une préservation de la liberté d'autrui et de la concorde sociale. Mais, tant la libre pensée que la libre expression demeurent assurées dans le cadre de l'éthique et de l'intérêt général et ne se transforment pas en un instrument de trouble, d'anarchie et d'atteinte à la sécurité de l'Etat et de la 110n sous prétexte de la liberté d'opposition ou du développement et de la réforme sociale. L'intervention d'aussi bien l'autorité que de la société dans le combat contre le mal et les extravagances politiques et sociales ne peut être comprise comme une régression de la liberté, mais plutôt comme une action qui jugule les dépassements et l'anarchie dans le seul but de préserver les libertés et la stabilité sociale. Cette intervention, dans plusieurs circonstances, devient même un devoir religieux qui prémunit contre tout danger de dislocation sociale et qui protège les individus et la société de l'anarchie, leur assurant ainsi la sécurité dans l'intérêt de tous.
C'est qu'en effet la société constitue un ensemble complémentaire. Une utilisation de la liberté portant préjudice à cette homogénéité est une attitude inique qui expose la communauté à l'anéantissement. Il devient donc obligatoire de contrer pareils excès sans faire cas des prétextes derrière lesquels se cachent ceux qui utilisent la liberté dans le but de saccager l'harmonie sociale.
Cela étant, la recommandation du convenable et la prohibition du blâmable passent néanmoins par l'argumentation et la belle exhortation qui s'effectuent selon les étapes du conseil, de la notification et de l'avertissement, conformément aux paroles où Dieu dit:
"Que de vous se forme une communauté qui appelle au bien, ordonne le convenable, proscrive le blâmable : ce seront eux les triomphants”.
Cette phase doit s'accompagner d'une révision de la notion de culture générale, des valeurs établies et des conditions environnantes ainsi que du domaine éducatif avec les instruments, l'évaluation et la méthodologie qu'il utilise pour assurer à la société le climat idéal qui en fait une 110n consciente de ses problèmes, réellement responsable et possédant une foi authentique.
C'est pareille société qui serait alors apte à adopter les mesures contraignantes et parfois même la force et la répression pour se protéger contre la déprédation.
Vient après la phase où l'on tranche le problème et qui ne saurait avoir lieu qu'après avoir au préalable puisé tous les moyens servant à cultiver et à orienter les gens et à leur faire prendre conscience du problème.
C'est une phase s'accompagnant d'une mutation que supervisent l'autorité et les responsables pour mener la communauté de la perdition à la stabilité, de l'anarchie à l'exercice d'une liberté responsable et de la déliquescence à la sécurité bienfaisante.
Aussi, le convenable supplantera-t-il le blâmable et assistera-t-on alors à une transformation telle que les personnes qui se dressent en tuteurs des gens, en censeurs de leur pensée et en juges de leurs comportements et qui se croient les seuls à comprendre la religion en se réservant le droit de distinguer le bien du mal, n'auront plus aucun impact sur les gens. Ces individus qui monopolisent la faculté de penser en l'interdisant aux autres et qui s'opposent à eux en les taxant d'innovateurs destructeurs, n'auront plus aucune raison d'exister.
En effet, telles attitudes aujourd'hui sont devenues parmi les éléments qui s'opposent à la liberté et à la religion même. Car le concept de recommandation du bien et de prohibition du mal devrait se fonder sur les réalités religieuses ne souffrant aucune espèce de permissivité ou de licence qui autoriserait les prétendus dévots, ceux qui utilisent la religion à leur fin personnelle ou qui se barricadent derrière des visions du monde révolues et ceux qui sont hostiles à tout genre de renouveau que suscite l'existence ainsi que leurs semblables parmi les septiques qui ne répondent qu'à leurs passions en toute chose, qui autoriserait, disions-nous de tels censeurs à intervenir en directeurs de consciences.
Le blâmable ne saurait être combattu par de tels énergumènes brailleurs. Il n'appartient en effet à aucun individu seul ni à un groupe quelconque de personnes de garantir cette responsabilité avec la méthode et l'exercice de la liberté qu'ils préconisent.
Sinon les transformations sociales iront de mal en pis à cause des troubles, des exactions et des excès que cela ne manque pas d'engendrer.
Une authentique mutation ne saurait se produire que par le biais de l'autorité qui elle, en a les moyens et peut donc distinguer avec justesse le bien du mal tout en donnant la priorité à l'intérêt général, à la sécurité et à la stabilité de la communauté. Elle pourra pour cela mettre sur pied les institutions appropriées, combattre la régression et la décomposition qui menacent la société et préserver les citoyens de la dégradation des moeurs.
De tout temps d'ailleurs, mais surtout à notre époque, ces questions demandent à être revues selon de nouvelles approches pour que la société soit mise à l'abri du terrorisme intellectuel et préservée de la ruine et du dépérissement et ce, grâce au principe de l'appel au bien et la condam110n du mal en tant que priorité, loin cependant de toute polémique superflue.
Cette nouvelle approche du principe fera en sorte, d'une part, que chaque domaine de l'activité culturelle tant individuelle que sociale reçoive un intérêt et une considération à sa juste mesure pour que le véritable problème ne soit pas noyé dans les détails et que, d'autre part, le mal principal ne soit pas occulté par un autre de moindre importance.
Chaque fois qu'un mal grandissait et menaçait la vie islamique dans ces principes, c'est d'abord à ce mal qu'on s'attaquait pour lui trouver un remède tout en reléguant au second plan les questions secondaires. Celles-ci ne préoccupent et n'irritent en fait que les personnes superficielles qui s'y sacrifient ou sacrifient la vie de ceux qui s'opposent à eux.
En cette époque qui a vu l'émergence des systèmes juridiques et des institutions politiques, le changement ne saurait s'opérer que dans le cadre limité de l'Etat où sont déterminés tant les attributions que les domaines de compétences.
L'incitation au bien et la condam110n du mal peuvent alors se poursuivre conformément à des orientations précises et à l'éducation du peuple dans le cadre d'une épartagée entre l'Etat et les garants de l'éducation, de la loi et de l'appel à Dieu.
C'est pourquoi notre principe pose comme préalable à la lutte contre le mal multicéphale que la communauté revoie sa réalité pour évaluer jusqu'à quel point celle-ci demeure conforme aux préceptes de sa religion et pouvoir ainsi s'engager dans son époque selon une conception saine des diverses normes établies par la religion et en revoir certaines autres grâce à la distanciation. Ces questions historiques en l'occurrence qui continuent à préoccuper l'esprit des Musulmans, afin de leur trouver de nouvelles approches, de nouvelles conceptions et de nouvelles solutions.
Partant, la communauté pourra différencier entre l'immuable et le contingent, entre la norme religieuse maîtrisée et la politique législative malléable, entre le contenu religieux obligatoire et son cadre circonstanciel, entre la norme immuable dont la preuve est établie et les normes rattachées aux causes, aux effets et au temps, entre l'événement historique rattaché à son époque et la marche islamique ininterrompue, entre le patrimoine qui puise sa sacralisation dans son authenticité et un renouveau attesté par ses causes, entre un idéal qu'on peut être fier d'adopter et une réalité rejetant légendes et croyances mythiques, entre les textes du Coran ainsi que la politique du Prophète attestés, et les conceptions humaines discursives suscitant l'effort intellectuel dans le cadre des fondements de la religion et ses desseins. Tous ces impératifs n'engendreraient-ils pas les actes les plus inavoués si jamais les Musulmans n'en assimilaient pas tout à fait les significations ou s'ils restaient en expectative devant les problèmes qu'ils soulèvent? Y a-t-il une attitude plus négative que de céder l'évaluation du blâmable à de prétendus savants, à ses férus enthousiasmés des questions religieuses et de leur permettre ainsi de s'y prononcer en émettant leurs avis à partir de leurs connaissances toutes relatives et de leurs conceptions toutes tordues, tout comme celles d'ailleurs des organisations auxquelles ils appartiennent et qui leur tracent des orientations à partir de l'étranger pour juger les autres personnes de mécréantes?
Ces illuminés finissent même par verser le sang des innocents, démolissent les établissements publics, égorgent des enfants toutes confessions confondues et déclarent pour eux licites les biens d'autrui, alors que Dieu nous ordonne de nous en remettre à Lui, au Prophète (P.S.) et aux érudits en matière de religion habilités à déduire les normes juridiques.
Il n'est pas de mal plus grand que celui-là, car il porte atteinte à l'Islam et en présente une image déformée.
C'est ce mal là qu'il convient de combattre et de rejeter. Il n'est pas pire scélératesse que de plonger la communauté dans une polémique concernant les choses de l'au-delà et de la couper ainsi du monde réel auquel Dieu nous invite à réfléchir pour en explorer les lois à exploiter au service de la foi et de la prospérité de l'homme.
Il n'est pas plus grand mal que de rechercher la conscience religieuse en dehors de la dimension humaine. L'appel à l'Islam se fonde sur deux principes essentiels: libérer l'esprit de l'ignorance et la vie de la misère et du malheur, Dieu dit à cet égard: "Qui suit la guidance ne s'égare ni ne peine”.
Le grand mal réside aussi dans le fait que nombre de questions demeurent momifiées dans les linceuls du passé et limitées aux exégètes et à des restrictions en relation avec les concepts de la théologie, du pouvoir, de la guerre sainte et des relations avec les non musulmans ainsi que d'autres concepts souffrant ou d'une carence ou d'une exagération ou de l'immobilisme.
Le grand mal consiste dans le fait que les Musulmans oublient que les sciences exactes sont tributaires de la science religieuse et que le sacerdoce consiste dans la prière, mais aussi dans le travail de la terre, sa mise en valeur et son exploitation.
Le mal ne consiste-t-il pas en ce que le premier verset coranique révélé commence par la prescription "Lis!” alors que le plus grand taux d'analphabétisation dans le monde est concentré dans des régions musulmanes? Que le seuil de pauvreté touche de nombreux peuples musulmans alors que leurs pays regorgent de toutes sortes de richesses tant apparentes que non encore découvertes et mal exploitées en l'absence de projet économique intégré ou de solidarité social, constitue certes le mal même.
Le mal réside également dans le fait que les gloires de notre communauté réalisées par nos ancêtres dans les domaines spirituel, scientifique et civilisationnel ainsi que les conquêtes pour propager la foi demeurent dissimulées et que notre 110n, à l'époque du développement et de la compétition civilisationelle, demeure tributaire des autres 110ns et se cantonne dans les splendeurs du passé révolu au lieu de poursuivre l'effort intellectuel (Ijtihad), le renouveau et la création pour que sa civilisation occupe le rang qui lui échoit parmi les autres peuples.
Sans parler du fait que les capitales de notre communauté se sont transformées en ports d'importation recevant toute sorte de produits culturels alors qu'elles étaient jadis des ports d'où s'exportaient les sciences et des havres où accostaient les savants.
C'est à de pareilles plaies et à d'autres calamités encore qu'il convient de mettre fin avant de se pencher sérieusement sur les questions de moindre importance et avant aussi qu'elles ne donnent lieu à l'extrémisme, aux lamentations et aux afflictions destructives.
Cette présence effective de la communauté musulmane qui doit émaner du fin fond du Tadayun (la pratique du culte) et d'une responsabilité réelle, devrait s'accompagner également d'une présence au niveau international pour que le message islamique parvienne dans sa totalité quant à l'accomplissement de la responsabilité de recommander le convenable et de proscrire le blâmable dans les quatre coins de la planète et sauver ainsi le monde de son égarement et des crises qui le déchirent.
Cela, d'abord par le fait de reconnaître les côtés positifs de la civilisation moderne pour s'en inspirer, ensuite en œuvrant à propager le principe de la miséricorde et de la clémence pour que le monde se rende à l'évidence que notre communauté n'est ni pour l'emploi de la force et de la tyrannie, ni pour le racisme et l'oppression.
Les droits de l'homme devraient être protégés et préservés, la justice internationale devrait être revue et mieux ciblée, la révolution scientifique nécessite la présence d'une éthique, la puissance militaire doit être au service de la paix entre les peuples, l'ascendant dont dispose un Etat doit se mettre au service des pauvres, les idéologies matérialistes devraient disparaître après qu'elles ont réprimé les libertés et qu'on a constaté leur faillite pour céder la place aux véritables valeurs morales appelées à gouverner les cultures et les comportements et enfin les centres de puissance économique devront s'ouvrir aux pays pauvres et sous-développés.
La communauté musulmane, la meilleure suscitée parmi les hommes est appelée à s'acquitter de sa tâche qui consiste à inciter au bien et à combattre le blâmable en revoyant ce principe, en en délimitant le champ d'action et en en organisant les instruments.
Nul sursis au mal et nul excès dans la manière de le combattre pour réformer la société.
C'est ainsi que notre communauté peut se réaliser et sauver les gens afin qu'ils vivent dans une société équilibrée et pour que le soleil d'Allah brille sur leur monde.
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