La solidarité sociale en Islam
Lorsque nous évoquons la solidarité sociale en Islam, certaines personnes pensent que cette religion n'a fait qu'indiquer, concernant ce problème, un ensemble d'exhortations, de conseils et d'incitations diverses dans le but de susciter la pitié des génér
Par une chaîne de garants ininterrompue parvenant jusqu'au savant Imam Abu Abdellah Mohamad ibn Ismaïl ibn Ibrahim ibn Bardazaba al Bukhari al Ju'fi- que Dieu ait son âme et soit satisfait de lui, dans la section «al Zakat» (aumône légale) de son corpus authentique de hadith, chapitre «Prélèvement de la zakat sur les biens des riches au profit des pauvres où qu'ils soient».
Bukhari dit: -Mohammad nous a rapporté, d'après Abdallah, d'après Zakariya ibn Ishaq, d'après Yahya ibn Abdallah ibn Sifi, d'après Abu Ma'bad, protégé d'Ibn Abbas, d'après celui-ci qui a dit: -Le Prophète (P.S) a dit à Mu'ad ibn Jabal lorsqu'il l'avait envoyé en mission au Yémen: - Tu auras affaire à des gens du Livre. Une fois parmi eux, invite-les à témoigner qu'il n'y a pas de Dieu en dehors de Dieu et que Mohammad est son envoyé.
La présente conférence comportera une introduction et quatre volets à partir de quatre principes que je juge comme constitutifs des fondements de la solidarité sociale en Islam.
- Principe éducatif,
- Principe économique et financier,
- Principe législatif,
- Principe exécutif.
L'Islam n'est donc pas uniquement une religion de prédication et d'exhortation, une religion de l'eschatologie et du spirituel, mais aussi celle de l'organisation de la vie ici-bas, ce qui en fait une culture, une civilisation et un mode de vie. Il présente en outre à la société un substitut à leur vie sociale matérielle en l'élevant spirituellement vers des valeurs divines gouvernant personne humaine, l'institution étatique et l'entité sociétale.
Cependant, si, en abordant la solidarité sociale, nous appelons les gens à méditer ce que l'Islam préconise comme règles et normes en les incitant à fournir l'effort intellectuel nécessaire pour saisir le contenu et les secrets de ses principes, nous ne pouvons ignorer ce à quoi les sociétés humaines sont parvenues au bout d'une longue expérience, de recherches en sciences sociales, politiques et économiques ainsi que dans leur poursuite d'un système précis et opérationnel à même d'assurer la solidarité et l'entraide entre les gens dans le respect et la dignité. Nous sommes donc appelés, nous autres Musulmans, à tirer profit de ces systèmes en y puisant ce qu'il y a de meilleur.
J'essaierai, dans cette conférence de donner ici, de présenter une rapide vue d'ensemble sur le système de la solidarité sociale en Islam de manière à en faire apparaître les caractéristiques et à convaincre les gens de ses grandes valeurs, et des hautes vertus qu'il comporte.
La solidarité en Islam ne se contentait pas de simples conseils et exhortations et qu'elle constituait un système législatif complet et un programme social global. L'objectif principal en est le fait d'assurer à tout être une vie digne dans une société qui lui préserve son droit à la subsistance, au domicile et au travail, quand il en demande, qui lui conserve sa vie, ses biens et sa dignité.
Nous trouvons à ce propos en Islam bien des exemples édifiants qui élèvent son système social à un niveau civilisationnel unique en son genre. Car, cette religion ne se contente pas d'assurer des besoins matériels immédiats, mais ambitionne d'élargir cette solidarité à l'enseignement par la lutte qu'elle mène contre l'ignorance et l'analphabétisme en incitant chaque personne instruite à enseigner et cultiver son voisin proche.
Ibn Hajjar rapporte à ce propos que le Prophète (P.S) a dit: «Pourquoi certaines personnes, m'enseignent-elles pas, n'éduquent-elles pas et n'exhortent-elles pas (au bien) leurs voisins. Par Dieu que ces gens enseignent, exhortent et apprennent à leur voisins. Que tous deux s'enseignent réciproquement, apprennent et s'exhortent mutuellement, sinon je demanderai à Dieu de précipiter sur eux Son châtiment».
Nous allons montrer ci-après les principes sur lesquels se fonde la solidarité sociale en Islam dans l'ordre que nous avons exposé au début de notre conférence. Nous allons commencer donc par le premier principe, à savoir le principe éducatif qui se manifeste dans une série de règles établissement une éducation méthodologique et se proposant de promouvoir un nouvel être et une nouvelle société imprégnés, tous deux, d'un esprit solidaire.
C'est qu'en effet, aucun système social ne peut prétendre à la réussite sans justement une éducation permettant à l'être humain de vivre dès son enfance en famille et à l'école.
Il ne peut y prétendre non plus sans une éducation qui gouverne la société par une éthique et des valeurs dont se nourrit et qui conserve la collectivité et les adopte comme une partie intégrante de son identité.
L'organisation éducative adoptée par l'Islam, à cet égard, vise la réalisation des objectifs suivants:
- 1er objectif: le renforcement de la foi. Nous avons vu que dans le hadith, point de départ de notre conférence, le Prophète (PS), avant de prescrire à Mu'ad ibn Jabal de prélever une dîme chez les riches au profit des pauvres, il lui a d'abord demandé d'appeler les gens du Livre à témoigner qu'il n'y a pas de Dieu en dehors d'Allah et que le prophète Mohammad est Son envoyé. Cela signifie que si en Islam nous aspirons à une société solidaire, il est nécessaire de penser tout d'abord à édifier les gens dans leur foi et qu'il est impossible de faire régner la notion islamique de bienfaisance et de charité dans une société humaine où la foi en Dieu est ébranlée et défaite, qui ne craint pas Dieu et qui n'appréhende pas le jour de la résurrection et du jugement dernier. Cela, surtout que, comme nous l'avons déjà dit, la solidarité en Islam se compose de prescriptions et de normes divines à caractère contraignant. Comment donc une personne ayant une faible foi peut-elle s'y astreindre et s'y conformer? «Le renforcement de la foi n'est-il pas le principe premier auquel appellent les prophète ? Dieu dit à ce propos :
«A chaque communauté, il fut envoyé par Nous un prophète avec ce mot : «Adorez Dieu ! Fuyez le culte des faux dieux ! Certains, guidés par Nous, suivirent la bonne voie. D'autres, de toute éternité, devaient se perdre. Allez de par le monde ! Voyez la fin de ceux qui ont mis en doute Nos messages !».
C'est là la première différence qui sépare le système de solidarité en Islam des systèmes positivistes. La solidarité en Islam se caractérise en effet par la foi. Son côté divin et la responsabilité qui en découle y sont respectivement terrestres et célestes. La solidarité dans les systèmes positivistes, quant à elle, est un concept matériel sans âme comportant tout juste des sentiments humains qui apparaissent et disparaissent sans conséquences aucunes.
L'Islam a tenu, par contre, que la foi authentique, mue par l'âme divine règne sur tout le peuple solidaire afin que les actions aient lieu selon la foi et tiennent compte de la rétribution divine. Ainsi, elles se parent de la dimension spirituelle qui elle, se trouve à la source du sens du sacrifice effectif. Nous pouvons à cet égard trouver une illustration dans le comportement que doit adopter le Musulman vis à vis de ses parents une fois vieux et impotents.
Le système positiviste leur assure une domiciliation dans un hospice payé de leurs propres biens ou à partir de caisses d'épargne spécialisées où ils avaient participé au capital pendant qu'ils pouvaient encore travailler.Le système islamique par contre leur réserve un comportement spécial dont la foi constitue la toile de fond et que Dieu résume ainsi dans ces versets:
«Ton Seigneur a ordonné de n'adorer que Lui seul. Il a prescrit d'être bon envers ses père et mère. Soit que l'un d'eux ait atteint la vieillesse, ou que tous deux y soient pauvres, étant à ta charge, garde-toi de leur marquer la moindre répulsion ou de leur manquer de respect! Parle leur toujours affectueusement! Fais preuve à leur égard d'humilité pour leur témoigner ta tendresse et dis: «Seigneur, aies pitié d'eux; comme ils le furent pour moi lorsqu'ils m'élevèrent tout petit».
L'Islam considère la désobéissance aux parents comme un péché capital dont le châtiment est un séjour éternel en enfer.
Leurs besoins matériels sont donc à la charge de leurs fils et se trouvent le cas échéant, imposés par un juge.
Dans le même ordre d'idée, une grand-mère ou une tante sont considérées comme une mère. Si jamais ces vieux ne possédaient pas d'enfants qui les prennent en charge, leur besoins dépendraient des finances publiques sans que ces personnes aient à participer à quelque caisse mutualiste que ce soit.
Deuxième objectif: parmi les objectifs que s'assigne le système éducatif pour la réalisation de la solidarité sociale, citons la nécessité d'inculquer à l'homme sa véritable place dans l'univers et le haut rang que Dieu lui a assigné par rapport aux autres créatures en faisant de lui son vicaire sur terre, en le chargeant du «dépôt» et en l'élevant dans sa dignité.
L'homme est le vicaire de Dieu sur terre comme le spécifie ce verset:
«Vint le jour où Dieu dit aux Anges : - J'ai résolu d'installer un lieutenant à Moi sur terre».
Il est aussi responsable du dépôt divin :
«Nous avons certes proposé l'engagement au ciel, à la terre, aux montagnes. Tous refusèrent d'en assumer le dépôt et en furent effrayés. Seul l'homme s'en chargea...».
Il se caractérise enfin par l'honneur et la préférence que Dieu lui accorde:
«Nous avons simplement avantagé les fils d'Adam, leur avons facilité les routes du continent et de la mer, leur avons procuré les meilleures nourritures, et leur avons donné la prééminence sur bon nombre d'être crées par Nous».
Le dogme en Islam veut que l'être humain accède à sa véritable dignité d'homme. Aussi, la solidarité en Islam a-t-elle une dimension humaine et comprend aussi bien le croyant que l'impie, le vertueux que le non vertueux et la solidarité sociale est-elle d'abord l'affaire de l'homme appartenant à la société des hommes sans discrimination aucune. Dieu dit à ce propos :
«Quel usage devons-nous faire de nos richesses?» vous demanderont les croyants. Dis leur : «Aidez pécuniairement vos père et mère, vos proches, les orphelins, les pauvres, les voyageurs. Quelque bien que vous fassiez, Dieu le saura !».
Les versets ici ne spécifient pas si les parents, les orphelins ou les mendiants sont croyants ou non et n'établit aucune différence entre eux. On a rapporté que Asma' fille d'Abu Baker, que Dieu le bénisse a dit au Prophète: «J'ai connu ma mère alors qu'elle était impie, devrais-je l'évoquer dans mes prières ?» à quoi le Prophète répondit: «Sûrement que tu peux, prier pour elle». On rapporte par ailleurs que le calife Omar ibn al Khattab est passé devant un vieux juif mendiant à qui il a fait l'aumône et a ordonné au responsable des finances publiques de prévoir pour lui une rente prélevée sur les dîmes et de l'exonérer du tribut de capitation (Jizya). Ce même calife, ayant rencontré un moine chrétien atteint de lèpre a ordonné à la trésorerie publique qu'on lui réserve une pension viagère qui suffirait à ses besoins.
Citons par ailleurs l'engagement pris par Khalid ibn al Walid vis à vis des populations de Hira: «Pour tout vieillard ne pouvant plus travailler, atteint d'une maladie grave ou s'étant appauvri au point que ses coreligionnaires lui font l'aumône, sera exonéré de la dîme et c'est le trésor public qui se chargera de lui et de ses enfants, qu'il se trouve en terre d'exil ou en terre d'Islam».