M. Mohamed Benaïssa : l'immigration au cœur du partenariat euro-méditerranéen
Le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération, M. Mohamed Benaïssa a souligné, mardi à Bruxelles, que les aspects liés aux flux humains entre les deux rives de la Méditerranée constitueront, dans les années à venir, un élément clé dans la défin
MAP
06 Novembre 2001
À 23:49
Lorsque l'on gère la vie des citoyens, il n'est pas possible d'y transposer une logique bureaucratique et administrative pour espérer arriver à un résultat probant et durable, a affirmé le ministre qui a rappelé qu'au cours de l'année écoulée, le dialogue en matière sociale a traversé un long chemin avec une certaine accélération ces derniers mois compte tenu de l'importance croissante du sujet pour l'ensemble de nos pays.
M. Benaïssa s'est félicité à cet égard des acquis réalisés dans ce domaine comme en témoigne le rapport présenté récemment par la présidence belge de l'Union européenne (UE).
Il a néanmoins souligné l'intérêt qu'il y a aujourd'hui et compte tenu de la conjoncture délicate que traverse le monde, d'arrêter à 27 (NDLR: les 15 Etats membres de l'UE et les 12 partenaires méditerranéens) les axes fondamentaux de nos travaux futurs sur ces questions afin de permettre aux hauts fonctionnaires d'avancer sur ce volet.
Tout en exprimant la satisfaction du Maroc pour les efforts accomplis par la présidence belge pour introduire dans le projet d'encadrement diffusé le 16 octobre dernier certaines remarques formulées par les pays sud-méditerranéens, le ministre a souligné la nécessité de la poursuite et de l'approfondissement de la réflexion pour "réellement refléter les préoccupations de l'ensemble des partenaires”.
Abordant les remarques formulées par le Royaume, M. Benaïssa a souligné l'intérêt de la rationalisation du travail accompli dans ce domaine. Il a relevé en effet une multiplicité de cadres de réunions, de niveaux de réunions qui ne contribuent pas nécessairement, a-t-il dit, à renforcer l'efficacité de notre travail commun et la cohérence globale de notre action.
Le ministre a noté également l'existence, parfois simultanément ou à des dates qui se chevauchent, de réunions bilatérales, d'autres plurilatérales, d'autres encore régionales avec ce que cela suppose comme production de documents à adopter et d'initiatives à suivre. Le Maroc propose donc, a affirmé M. Benaïssa, que l'on puisse rendre plus cohérent l'ensemble de ces actions afin de pouvoir avoir une vision globale et stratégique qui, elle, pourrait être déclinée de façon complémentaire dans différents cadres.
Au niveau de l'UE, un processus de communautarisation accéléré a été mis en place concernant les flux migratoires, a-t-il observé. Toutefois, a-t-il ajouté, la répartition des compétences entre le niveau 110nal et communautaire concernant les aspects portant sur les conditions de vie, de séjour et de travail des communautés étrangères installées dans les pays de l'UE n'est pas suffisamment explicitée pour pouvoir déterminer le cadre adéquat de la poursuite du dialogue sur ces questions.
Le ministre a fait remarquer que pour les pays du Sud de la Méditerranée, la priorité demeure aux communautés installées en Europe. "Nous devons donc, a-t-il dit, œuvrer pour améliorer leurs conditions de vie, de travail, de séjour, leur assurer l'égalité de traitement, la libre circulation et la mobilité de l'emploi, leur faciliter le regroupement familial et la préservation de leur identité culturelle”. Tous ces objectifs, a-t-il dit, doivent bien entendu être menés sur des bases d'une part de non-discrimi110n et d'égalité de traitement mais également dans le plus strict respect des lois et règlements de l'UE en la matière. A cet effet, a-t-il ajouté, le Maroc lance un appel aux pays membres de l'UE qui ne l'ont pas encore fait pour la signature de la convention des 110ns Unies sur la protection des travailleurs migrants et des membres de leur famille.
Concernant les flux migratoires réguliers, le ministre a estimé qu'il est important que l'approche retenue ne soit pas limitée aux dimensions purement sécuritaires pour être davantage humaine et basée sur des considérations socio-économiques plus objectives. Il a relevé à cet égard que "l'approche adoptée actuellement par l'UE en matière de délivrance de visas pénalisé nos concitoyens, notamment ceux qui ont des relations fréquentes, professionnelles et familiales”. Ceci est d'autant plus vrai au moment où les accords d'association avec un nombre croissant de pays méditerranéens entrent en vigueur, a observé M. Benaïssa qui a émis le souhait que soient intégrés dans les discussions avec l'UE les aspects liés à la migration de nos compétences dans les domaines de l'informatique et des nouvelles technologies de l'information. Ce phénomène, en plein essor, prive nos pays de cadres pouvant contribuer au développement de nouveaux secteurs clés pour nos économies, a-t-il fait remarquer.
S'agissant de l'immigration clandestine, le ministre a considéré que, dans ce domaine, "les responsabilités sont partagées et qu'à un problème global, il convient d'apporter des solutions globales”. Cet aspect est important et il convient de lui donner l'attention nécessaire et de prendre les mesures adéquates, a-t-il indiqué en soulignant également la nécessité de le replacer dans sa juste dimension.
Pour ce qui est de la coopération judiciaire qu'il a qualifiée d'"axe important”, M. Benaïssa a affirmé le souhait du Maroc de voir l'accent mis sur la formation et la connaissance mutuelle des législations 110nales des pays partenaires. Il a souligné à cet égard le soutien du Royaume à l'idée de rencontres ministérielles euro-méditerranéennes des ministres de l'Intérieur et de la Justice.
M. Benaïssa a estimé enfin que la vraie réponse au phénomène de l'émigration est le développement économique et social des pays du Sud. En ce sens, a-t-il dit, on ne pourra jamais trop insister sur la nécessité d'une vision plus globale, plus stratégique et plus volontariste pour permettre aux pays du Sud de réussir ce que certains pays actuellement au sein de l'UE ont réussi. Au moment où l'Europe est sur le point d'entamer son élargissement vers l'Est, il est primordial, a-t-il affirmé, qu'une réflexion profonde soit engagée pour redéfinir le mode de partenariat que l'on souhaite mettre en place ensemble et qui serait de nature à contribuer concrètement au développement économique et social des pays du Sud de la Méditerranée et de faire ainsi que la question des flux humains ne soit un facteur de tension mais bien davantage de rapprochement et de renforcement de la région tout entière.
La conférence ministérielle euro-méditerranéenne, qui achèvera ses travaux mardi après-midi, devait se pencher notamment sur les conséquences des attentats anti-américains du 11 septembre sur le partenariat euro-méditerranéen et réaffirmer la pertinence de celui-ci dans le contexte international actuel.
Les participants devaient également faire le point de l'évolution du processus euro-méditerranéen depuis la conférence ministérielle de Marseille, il y un an.
Les ministres euro-méditerranéens des Affaires étrangères devaient également se pencher sur les trois volets - politique, économique et humain - du processus de Barcelone.
Le conflit du Proche-Orient figurait également en bonne place de cette réunion au cours de laquelle les partenaires euro-méditerranéens devaient réitérer leur engagement conjoint à consolider le processus de Barcelone pour lutter contre le terrorisme et dresser les causes structurales de l'extrémisme.
La Commission européenne avait, à cet égard, rejeté récemment de façon catégorique tout "amalgame entre terrorisme et monde arabe ou musulman”.
La conférence de Bruxelles devait ainsi mettre l'accent en particulier sur le dialogue entre cultures et civilisations et sur la nécessité de combattre le racisme et la xénophobie.
Elle devait, par ailleurs, porter sur la poursuite des négociations pour la conclusion d'accords d'association entre l'UE et les pays sud-méditerranéens ainsi que sur l'intégration commerciale.
Les ministres envisageraient, à cet effet, de "nouvelles initiatives afin de rendre la région plus attractive pour les investissements étrangers directs”, selon la Commission européenne.
La Libye, la Mauritanie, l'Union du Maghreb Arabe et la Ligue arabe prennent part en tant qu'invités spéciaux à cette réunion, qui se déroule dans le cadre du partenariat euro-méditerranéen lancé à la Conférence de Barcelone en 1995.