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Tourisme vert au Moyen-Atlas

Diplomate au long cours, M. Daniel Zeldine, ex-consul général de France à Fès est aussi un passionné de la montagne et un militant actif en faveur de la réhabilitation des sites montagneux du Maroc où un tourisme vert de qualité est susceptible de gé

08 Décembre 2001 À 22:37

Dans l'interview suivante qu'il a bien voulu nous accorder à la veille de son départ pour une nouvelle mission, M. Daniel Zeldine nous trace un bilan de son action et plaide pour une véritable promotion du tourisme de montagne au Moyen-Atlas.
Question : L'opinion publique régionale s'est réjouie de voir le consul général de France à Fès porter un vif intérêt à l'initiation et au lancement futur de projets intégrés de tourisme de montagne dans la région «Fès-Boulmane».
Pouvons-nous saisir les motivations profondes qui incitent le représentant de la France à militer ardemment en faveur du développement de ce secteur vital d'activités qui vise à harmoniser entre l'objectif de revalorisation du patrimoine écologique et le souci d'une croissance économique positive, au niveau loco-régional?
Réponse : C'est très simple. Ma conviction est fondée sur le constat d'une réalité. Issu moi-même d'une région de montagne, j'ai été frappé par le fait que les touristes qui se rendaient à Fès n'y séjournaient pas longtemps. Or, il s'agit manifestement d'un contraste curieux entre l'attrait intrinsèque des paysages autour de Fès, et le fait singulier que la durée des séjours était en moyenne inférieure à 2 nuitées. J'ai donc pensé qu'il fallait donner à ces touristes la possibilité de visiter la région montagneuse environnante. Il est évident qu'un atout majeur se profile à l'horizon, celui de pouvoir faire alterner le tourisme culturel axé autour de la Médina et un tourisme écologique fondé sur la richesse des espaces naturels et sylvestres que recèle la région.
Bien entendu, il existe d'ores et déjà des sites tout aussi envoûtants et assez faciles d'accès autour d'Ifrane, Azrou et leur magnifique cédraie et où un certain nombre d'agences de voyage locales ou d'établissements hôteliers proposent des séjours de courte durée.
Cependant, j'ai été frappé par la beauté et la splendeur, à une altitude beaucoup plus élevée du massif en particulier du Bouyblane. Ce site offre en plus des potentialités propres à un paysage de montagne grandiose, un peu analogue à celui que nous avons dans les Alpes, des opportunités de tourisme et de séjour. A titre d'exemple, ce chalet construit du temps du protectorat à Taffert et affecté aux services de la Jeunesse et des 114s. Ce refuge n'est plus visiblement en très bon état. Je m'en suis ouvert auprès du gouverneur de la province de Sefrou. Ce chalet sera effectivement remis en état et je pense que cela donnera l'occasion d'un certain nombre de nuitées importantes.
A ce niveau, quel apport concret, la France est-elle à même de faire valoir pour la promotion de ce secteur d'activités? Quelle contribution s'agissant de montages financiers de projets intégrés bilatéraux? d'études de faisabilité?
Plus concrètement, la réhabilitation du site de Bouyblane peut s'inspirer des enseignements d'une expérience réussie mise en œuvre dans le Haut-Atlas. En effet, la France a accepté, par le biais de sa coopération technique, de prendre en charge le montage et la finalisation d'un projet de développement du tourisme de montagne dans la région du Toubkal, avec l'aide du Club Alpin Français (le CAF). Cette action s'est traduite par la construction et l'ouverture d'une école de guides, l'affectation de crédits et la mise en place de stratégies opérationnelles visant à réinstaller et rééquiper ou agrandir des maisons isolées en montagne pour les transformer en gîtes d'étape à l'intention des touristes de passage. L'essentiel de ce qui a été réalisé, à ce niveau a trait à l'amélioration du cadre et des conditions de séjour, la sensibilisation de la population locale à l'adhésion à ce projet participatif dont les retombées valorisantes de leur région et de leur niveau de vie sont évidentes, l'inventaire et le choix des maisons traditionnelles cibles qui seront, à leur tour réaménagées de façon à pouvoir présenter des qualités optimales de commodité et d'hygiène à même de fidéliser le touriste de passage (sanitaires, chambre individuelle, etc…). Des gens du terroir ont été formés pour servir de guides. De même, une structure de tran114 de bagages à dos de mulets a vu le jour. Enfin, un réseau de sentiers d'accès au Toubkal et à d'autres sites-cibles a été tracé et est devenu praticable grâce à l'aide louables des services des Eaux et forêts.
Si je comprends bien, ce projet-pilote peut servir de modèle pour la valorisation du site de Bouyblane?
En effet, c'est une approche identique que l'on pense transposer au Moyen-Atlas. Dans ce cas comme dans l'autre, la coopération technique française accepte de prendre le projet en charge.
Pour l'heure, on en est au stade de l'étude de faisabilité qui devra commencer au mois de septembre prochain avec l'arrivée à Fès et sur le site d'une mission d'experts français. Cette étude qui sera élaborée sous forme d'un schéma directeur dégagera à terme, vers la fin de l'année en cours, la concrétisation des grandes lignes de projets de développement d'un tourisme vert, viables et innovants au Moyen-Atlas. Le choix de la région de Bouyblane comme premier point d'appui n'est pas dû au hasard.
Culminant à 3300 m, le site est le plus élevé de la région. Il existe deux routes qui en permettent l'accès, sans compter un nombre non négligeable de sentiers tracés et les cinq autres pistes accessibles en 4X4 menant droit au Bouyblane. Rappelons aussi la mise à profit de ce refuge en cours de restauration à Taffert. Le lieu est de surcroît d'une beauté attrayante. Il offre une configuration de la forêt de cèdres, de massifs alpestres, de la neige en abondance (un petit télé-ski est disponible), mais également la possibilité d'y pratiquer du ski de randonnée tout au long de l'hiver. En bas, il existe un petit lac superbe avec une piste qui y accède sur la route qui mène vers Taza.
Il est prévu qu'à la lumière d'une évaluation préalable des opportunités touristiques offertes par la région bordière de la montagne autour de Fès, d'autres points d'appui seront sélectionnés pour fins de prospection technique dans le Moyens-Atlas englobant les premiers contreforts au Haut-Atlas que sont Midelt et le Jbel El Ayachi. L'enjeu de cette étude qui vise à dégager la stratégie globale et intégrée du tourisme de montagne au Moyen-Atlas, est évidemment important. Car, pour peu que l'on veuille donner à l'activité touristique dans la région «Fès-Boulmane» l'impulsion nécessaire, il importe d'ambitionner d'offrir une gamme élargie et diversifiée de produits et ne pas focaliser uniquement et parfois exclusivement - sur les joyaux de la capitale idrisside. Dans cette perspective, il est bien entendu que la conjonction du circuit classique (Fès-Meknès-Volubilis) et ce plus qualifiant que représente l'apport du tourisme de montagne, permettra aux touristes de «boucler» une semaine entière de séjour, les fameuses «six nuitées» qui ont la faveur des tour-opérators. Pareille formule est susceptible de fixer un tourisme plus rémunérateur autour de la région de Fès.
Tout le monde sait qu'en Europe et particulièrement en France, un tourisme vert de qualité, s'est beaucoup développé ces dernières années dans les régions montagneuses. Comment expliquez-vous l'émergence - sinon la pertinence - de ce phénomène ? A quels degrés le Maroc pourra-il bénéficier des acquis avérés de l'expérience hexagonale en la matière ?
Il est vrai que le tourisme de montagne a acquis ses lettres de noblesse et est entré résolument dans les mœurs en Europe et en France parce que la population, essentiellement citadine a le plaisir à retrouver à la fois les grands espaces et le goût d'un certain effort physique, notamment celui de la marche conçue comme un défi, un acte d'accomplissement personnel. Ce sont des paysages qui sont extrêmement chers au citadin - dont l'horizon est borné à l'intérieur de la ville - et qu'il identifie à autant de bouffées d'oxygène, d'hymnes également à la beauté vivifiante et libératrice de la nature.
Je pense que le Maroc peut bénéficier des efforts d'entraînement résultant de cet engouement général et du savoir-faire français dans ce domaine. J'en veux pour preuve encourageante le succès de l'expérience tentée au Toubkal qui amène aujourd'hui pratiquement 40.000 touristes rien que pour la découverte de la région et l'ascnsion de la montagne. Le résultat performant sur le plan économique de ces randonnées est tel qu'il aura assurément un effet bénéfique sur la relance touristique dans cette zone. A terme, indiscutablement, le tourisme de montagne suscitera des investissements français dans la région du Haut-Atlas.
L'on croit savoir, non sans regrets d'ailleurs M. Zeldine, que vous êtes en instance de départ. Quels sont vos sentiments au moment où vous vous apprêtez à quitter la capitale idrisside? Vous est-il possible d'esquisser - pour nos lecteurs - un premier bilan de votre mission au Maroc?
En effet, comme je l'ai annoncé lors de la réception du 14 juillet, je dois rejoindre mon nouveau poste en septembre prochain.
Je garderai beaucoup d'amis au Maroc où j'aurais plaisir à revenir souvent à titre personnel. Un passage au Maroc vous marque énormément. Il y a une chaleur de l'accueil, une qualité d'amitié vraiment unique. La beauté de la région et le charme de la Médina de Fès ont servi pour moi d'aiguillon à des activités valorisantes à l'envi. A cet égard, j'ai participé, à titre personnel, à la création d'une association des propriétaires des maisons d'hôtes de la Médina. J'ai vu à loisir la Médian s'ouvrir, renaître sous l'effet des investissements de promoteurs ingénieux, tant marocains qu'étrangers, qui ont à cœur de racheter et de restaurer de vieilles bâtisses de la Médina et les transformer en maisons d'hôtes fonctionnelles et accueillantes.
Un bilan de mission? Vous savez, un consul de France s'occupe normalement des ressortissants français. En fait, au Maroc, nos services consulaires focalisent leurs efforts plus en direction des ressortissants marocains et à une moindre mesure aux mi-nationaux, que des résidents de la métropole. On connaît la partie immergée de l'iceberg, à savoir le problème des visas. En réalité, le consul représente également tous les services de l'ambassade, notamment celui de la coopération technique. A ce titre, j'ai initié le montage d'un certain nombre de projets, par exemple en matière de lutte contre l'érosion et la lutte contre la désertification.
D'autre part, j'ai participé à des initiatives en rapport avec la relance culturelle, le festival de Fès, mais aussi l'Académie de musique, une entreprise remarquable, s'il en est. Nous avons des instituts à Fès et à Meknès auxquels j'ai tenté d'impulser autant de vigueur que possible.
Sur un tout autre plan, je me suis intéressé aux aspects commerciaux et essayé de susciter des investissements français, conseiller des investisseurs français en mission de prospection. Un travail de mise en contact en faveur des sociétés textiles de la région de Fès se fait, par ailleurs, en permanence. Et puis, pour le reste, ma foi, j'ai effectué la tâche classique conférée à un consul.
Propos recueillis par Saïd El Khaoulani

• Nous avons appris que c'est M. Alain Larose qui a été nommé nouveau consul général à Fès. Nous lui souhaitons donc la bienvenue dans notre région et plein succès dans sa mission.
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