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Youssef Chahine : Quand on veut connaître l'autre, il faut travailler avec lui, c'est ça la coopération Nord-Sud

Présenté par Fouad Souïba comme Jo, Youssef Chahine a donné hier matin, une conférence de presse à l'Institut français de Marrakech ; à ses côtés la grande chanteuse tunisienne Latifa qui interprétait une rôle dans le dernier film de Chahine, “silence, on

30 Septembre 2001 À 20:50

La 1ère question posée à Youssef Chahine par le Matin du Sahara et du Maghreb était la suivante :
- Question : Dans le cinéma mondial, en particulier aux USA et en Europe, des films ont traité d'intolérance, de racisme, d'exclusion et d'intégrisme.
Le cinéma arabe, comme dans certains de vos films, a versé dans ce sens.
Or, ces maux dénoncés par les créateurs du 7ème art ne sont pas le seul fait de l'arabe ou du musulman. Comme certains ont tendance à le croire ou à le faire croire.
- Comment le cinéma peut-il participer à éviter l'amalgame ?
- Youssef Chahine : L'intégrisme, l'intolérance, le racisme ne sont pas des maux du XXème ou de ce début du XXIème siècle.
Ils ont toujours existé et aux quatre coins du monde. Aux USA, lorsque je suivais mes études dans un Institut, j'ai ressenti l'intolérance : la direction ne prenait pas plus de six juifs par an, à l'Institut j'étais un peu furieux par cette discrimi110n alors que j'entretenais de bons rapports avec des citoyens de confession juive.
Comme pour les juifs, j'ai ressenti également l'intolérance dont étaient victime les "gens de couleur”.
L'INTEGRISME PARTOUT
Or, les USA qui sont censés nous donner des exemples de tolérance (à voir leurs films), et bien c'est chez eux que j'ai constaté ce genre d'intolérance. Et puis, l'intégrisme, ce n'est pas le seul apanage du musulman.
Je l'ai dit aux présidents Chirac et Jospin en ces termes : dans vos télévisions, vous semblez coller l'intégrisme, exclusivement aux Musulmans ; alors que l'intégrisme existe chez les Chrétiens, les Juifs, etc…
Faire l'amalgame pour confondre intolérance et Islam est injuste”.
- Deuxième question : posée à Youssef Chahine, la voie recherchée par le réalisateur dans son dernier film.
Autre question à Latifa, la chanteuse tunisienne, comment concilier entre chant et cinéma. Puis, troisième question à Chahine, l'évocation du célèbre acteur égyptien disparu, Mahmoud El Méligi avec citation du nom de Gabin.
- Y. Chahine : J'ai évoqué le nom de Mahmoud El Méligi, grand acteur égyptien.
Combien j'aurai bien voulu travailler avec Jean Gabin, bien que j'apprécie beaucoup plus les talents de Mahmoud El Méligi.
Au tour de la chanteuse tunisienne Latifa de se justifier à son tour, lorsqu'on lui a parlé d'aventure :
PAS DE CRAINTE
- Travailler avec Youssef Chahine n'est pas une aventure pour moi.
Quiconque reçoit une proposition de Youssef Chahine pour figurer dans l'une de ses œuvres ne doit pas penser à l'aventure.
Je n'avais pas peur de tourner sous la direction de Chahine.
Pour moi, c'est une responsabilité pour prouver mes capacités de comédienne et d'être digne de la mission qui m'a été dévolue.
Au lieu d'aventure, tourner dans ce film de Chahine était l'occasion de ma vie.
- Youssef Chahine dont certains parlent d'un réalisateur qui fait peur aux comédiens, s'en défend : - Pourquoi un comédien devrait-il être angoissé quand il travaille avec moi…
Je suis doux comme un agneau (rires dans la salle).
Le réalisateur égyptien revient sur la situation du cinéma dans son pays : certes, le cinéma égyptien n'est pas très connu en Europe.
Il y a à peine quelques années, on en parle dans le vieux continent.
C'est pourquoi, en pensant à Mahmoud El Meligi j'ai évoqué le nom de Gabin dans mon film.
JE CONNAIS SOUHEIL
Interrogé à propos du cinéma marocain, Youssef Chahine avoue n'avoir pas vu suffisamment de films marocains, à l'exception de 2 ou 3 films de Souheïl Ben Barka.
- Comme Souheïl va rouspéter si je ne vois pas ses films, alors, j'en ai vu certains. Mais franchement, on devrait programmer davantage les films marocains dans les salles et dans les festivals.
La chanteuse tunisienne Latifa revient sur son expérience : Je crois qu'on a beaucoup perdu de vue la comédie musicale qui avait été à l'origine du succès du cinéma égyptien.
Maintenant, Youssef Chahine y pense sérieusement. Pour moi, la chanson doit avoir sa place dans le cinéma arabe.
Dans ce film de Chahine, j'ai interprété trois des meilleures chansons de mon répertoire. C'est un acquis pour moi.
COOPERATION NORD-SUD
- Si on veut mettre en pratique l'esprit du partenariat, de la coopération et combattre l'intolérance, il nous faut des structures pour travailler ensemble. Nous avons testé une expérience avec les Russes ; ils ont été superbes. Ils sont très sensibles et aiment l'art.
Quand on veut connaître l'autre, il faut travailler avec lui.
C'est un enrichissement mutuel, et c'est ça, la véritable coopération Nord-Sud.
Propos recueillis
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