Accroissement des divorces au Maroc: un constat alarmant
La montée en flèche des indicateurs relatifs au phénomène du divorce retient l'attention. En effet, selon les dernières statistiques disponibles, le nombre de divorces consignés dans les registres des institutions judiciaires compétentes est passé de 27.9
LE MATIN
19 Février 2002
À 10:36
Cette progression exponentielle n'est pas sans inquiéter responsables, sociologues, acteurs de la société civile, etc. La cellule familiale s'en trouve profondément menacée et c'est d'autant plus grave que les statistiques montrent un ralentissement du nombre des mariages : de 155.348 en 1997 à 135 834 en 1999. Le constat est alarmant. C'est ainsi que les causes du divorce et les conditions dans lesquels il s'effectue se trouvent, aujourd'hui plus que jamais, au centre des débats. Les associations de défense des droits de la femme déplorent un certain vide juridique en la matière et dénoncent certaines pratiques jugées en décalage avec les textes des droits de l'homme.
Dans une ancienne étude réalisée par la Ligue démocratique pour les Droits de la Femme sur un échantillon de 1510 femmes divorcées, près de la moitié des sondées auraient été «répudiées sans mot à dire». Les récentes réformes de la Moudawana stipulant notamment l'obligation d'informer l'épouse et de motiver la décision du divorce sont venues pour lever cette injustice. Cependant, les réformes réalisées sont jugées encore insuffisantes et ne répondent pas à toutes les aspirations du mouvement militant pour les droits de la femme. Les revendications portent notamment sur la levée de la tutelle sur les femmes majeures pour le mariage et le droit de la femme au divorce.
Cette situation préfigure une amplification des problèmes relatifs au divorce tels que l'abandon des enfants, la pauvreté, la prostitution et bien d'autres maux sociaux qui rongent d'ores et déjà la société marocaine.
Les nombreux chercheurs qui y ont consacré des études et des enquêtes attestent que le divorce demeure un fléau où interfèrent des facteurs sociaux, économiques, culturels, juridiques et autres. Le phénomène est, en fait, le résultat de plusieurs dysfonctionnements. Aussi, des efforts considérables sont-ils consentis afin d'en limiter la progression. Mais les différentes actions butent le plus souvent sur le manque de données exactes. L'absence de visibilité ne favorisait pas le lancement d'opérations efficaces.
Mu par la volonté de combler ce manque flagrant en matière de données et statistiques relatives au mariage et au divorce, le ministère de la Justice a lancé en 1992 une opération pilote dans les tribunaux de Rabat et Salé avec comme objectif la mise en place d'un système de suivi. Outre le recensement des actes de mariages et de divorces, ce système a été conçu pour permettre de recueillir des informations socioprofessionnelles sur les deux parties du couple et aussi les conditions de l'établissement de l'acte de mariage ou de divorce. La généralisation de cette opération a débuté à partir de 1995 de manière progressive. Elle a été accompagnée d'autres mesures notamment la formation des Adouls et leur initiation au remplissage des formulaires. Les informations recueillies devaient être centralisées au niveau du ministère de la Justice. L'année 1996 a été marquée par la présentation des résultats préliminaires. Cette expérience a démontré que le système demeurait lacunaire. L'analyse réalisée en partenariat avec le CERED en 1999-2000 allait confirmer ce constat. Il était question alors d'améliorer le taux de couverture et d'intégrer d'autres données qualitatives telles que les motifs du divorce. C'est ainsi qu'en l'année 2000, il a été procédé à la présentation des données concernant l'année 1999 et à la réalisation d'une enquête auprès des juges chargés du «tawtiq» sur les motifs du divorce avant de lancer, une année après, les travaux de préparation d'un annuaire statistique pour les années 1997 et 1998 toujours en collaboration avec le CERED. Inscrit dans une vision prospective, le programme devra aller vers une amélioration continue de la qualité des données et du taux de couverture de l'étude. Ses initiateurs comptent élargir le champ d'investigation en intégrant de nouvelles informations telles que le niveau d'instruction, le motif du divorce…
Parallèlement, des actions de sensibilisation des juges chargés du «tawtiq» pour assurer la pérennité du système et la publication régulière des annuaires statistiques devront être réalisées. Somme toute, ce programme mettra à la disposition des responsables, des chercheurs et toute autre instance concernée par le phénomène, des données chiffrées à même d'orienter les réformes à entreprendre notamment dans le domaine législatif.