Spécial Marche verte

Chronobiologie: écoutons parler notre corps

La façon dont nous aménageons l'espace, notre environnement, est déterminante. La façon dont nous aménageons le temps l'est tout autant. Or, les exigences de la société moderne font que l'on ne tient plus compte de son horloge interne. Pour vivre en harmo

10 Mai 2002 À 19:16

La succession des diverses fonctions de chacune de nos cellules, dans l'espace des vingt-quatre heures de la journée, de la semaine, du mois, des saisons, de l'année, de la vie même, ne se fait pas au hasard.
En ignorant que notre organisme possède aussi une structure temporelle et en nous imposant des contraintes de temps inappropriées, nous contribuons à détraquer nos ‘'horloges internes''.
Les différents pics et creux de ces rythmes relèvent d'une véritable programmation dans le temps des nombreuses activités: métaboliques, nerveuses, endocriniennes... permettant un ajustement de l'organisme au mode de vie. Cette adaptation n'est pas individuelle, mais spécifique de l'espèce. Ainsi l'humain, homo sapiens, est un «animal» à activité diurne, et tous ses rythmes biologiques, son organisation temporelle, répondent à la nécessité de faire face, physiquement et intellectuellement, à son activité diurne. Ainsi les performances du système nerveux (attention, coordination motrice, mémoire), la force musculaire, la fréquence cardiaque et respiratoire atteignent leur maximum au cours de la journée. Par contre, d'autres variations biologiques, comme le taux de lymphocytes cellules blanches du sang qui participent à la défense anti-infectieuse de l'organisme -, sont au maximum au milieu de la nuit.
Cette notion d'organisation temporelle a une réelle importance, non seulement théorique, mais aussi pratique. Les accidents de voiture ou d'avion dus à une «erreur humaine» se produisent souvent vers deux ou trois heures du matin, heure où les potentialités physiques, psychiques et intellectuelles des humains sont au plus bas. C'est le moment où les réponses, les réflexes sont les plus lents et les moins adéquats.
Au cours des 24 heures, notre vigilance passe par des hauts et des bas, réalisant un véritable tracé sinusoïdal repérable à la même heure ou presque chez tous les humains, dans tous les coins de la planète, et corrélé à l'heure du soleil.
Les rythmes de vigilance
Cette vigilance est directement précédée par une autre courbe parallèle qui est celle de notre température corporelle. Lorsque la température s'élève, notre organisme se prépare à une phase active, éveillée, efficace. Lorsque la température baisse, la vigilance ne tarde pas à diminuer. Nous verrons que toutes ces notions conduisent à un bon nombre de réflexions sur les rythmes scolaires imposés à nos enfants: l'heure des siestes à l'école maternelle, l'heure habituelle des cours qui ne correspond guère aux meilleurs moments d'activité intellectuelle, la suppression des classes l'été, meilleure période d'apprentissage que l'hiver. Nous nous reposons et nous travaillons souvent à contretemps de nos besoins physiologiques.
Schématiquement, ce rythme fondamental (en heures solaires) est formé d'une phase active, chaude, entre 5 et 8 heures du matin; d'une phase de repli, de fatigue, de faibles performances physiques entre 11 et 14 heures; d'une nouvelle phase de haute vigilance entre 17 et 20 heures; d'une phase de fatigue et de très faible vigilance entre 23 heures et 2 heures du matin; et de la phase la moins active se situe entre 2 heures et 5 heures du matin.
C'est ainsi que le matin au réveil, nous sommes en pleine forme, actifs, efficaces, prêts à apprendre, à mémoriser, à effectuer un travail physique important. En milieu de journée survient une phase moins efficace, marquée sans doute pour beaucoup d'entre nous par le «coup de pompe de 11 heures». Il s'agit d'un moment de fatigue biologique fondamental, avec refroidissement corporel, identique pour tous. C'est, d'ailleurs, souvent le moment de la sieste et beaucoup de jeunes enfants s'endorment avant leur repas de midi. Vers 17 heures, nous commençons une nouvelle phase de grandes performances physiques et intellectuelles. Les enfants sont excités. Nous avons chaud, nous pouvons faire du sport, étudier très efficacement, apprendre très vite...
Quel dommage que, dans notre société actuelle, nos enfants ne profitent pas de cet excellent moment, trop souvent consacré mollement aux devoirs scolaires, ou encore plus mollement aux feuilletons télévisés. Quant à nous, adultes, ce devrait être le moment de faire du sport, des études, des recherches, au lieu de perdre des heures en voiture dans les embouteillages de retour, ou à préparer le repas du soir.
Vers 23 heures, nouvelle période de faible vigilance : nous commençons par sentir le froid, nous nous étirons, nous bâillons, écoutons avec moins de lucidité les conversations environnantes, et sommes proches de l'endormissement. Si nous nous endormons, nous dormons en sommeil lent profond. Si nous continuons à veiller, nous serons instables sur nos jambes, peu réactifs, nous aurons froid, envie de fermer les yeux. Notre tension artérielle sera basse, notre force physique très diminuée.
Pourtant, même si nous n'avons pas dormi, tout ira mieux après 5 heures du matin, et si nous tardons encore à nous coucher, nous ne pourrons plus nous endormir. Pour ceux qui ont dormi une nuit normale, vers 4-5 heures le sommeil devient plus léger, plus fragile, plus riche en sommeil lent léger et en sommeil paradoxal. Les éveils sont plus fréquents et parfois perceptibles.
Environ deux heures avant le réveil spontané, la température remonte, les modifications métaboliques liées à la sécrétion de cortisol sont stimulées, et nous nous réveillons en pleine forme.
Copyright Groupe le Matin © 2025