Cyrano de Bergerac «au Jardin Secret des diplomates»

Il s'est lancé-chose tout à fait exceptionnelle, voire unique au monde - dans une aventure théâtrale d'envergure. Rien moins que de se risquer à offrir au public, deux soirées de suite, une des oeuvres les plus difficiles et les plus monumentales du théâtre mondial: «Cyrano de Bergerac» d'Edmond Rostand.
Un texte (seul le cinquième et dernier acte, «La Gazette de Cyrano») frappé dans le marbre, profond et faisant sonner les vérités comme des éperons que l'on gagne à relire, à écouter et quand c'est possible, à «vivre en direct» avec, devant soi et sur scène, des acteurs convaincus, persuasifs et véridiques.
Eh bien, cet extraordinaire spectacle, ceux qui ont voulu l'on vu, à Rabat dans le cadre prestigieux de notre «Chellah» et mis en scène par Mme Chrish Kresge, une metteur en scène exigeante, tenace et inventive.
La présidente du cercle Diplomatique, Mme Zeynep Akinci, ambassadrice de Turquie est apparue ainsi, souveraine et naturelle, sous les traits de Roxane, la veuve fidèle, voyant après quatorze ans, le «voile se déchirer» laissant apparaître en lumineuse clarté une vérité: celle de l'amour qu'en secret lui voue depuis toujours son ami Cyrano, le «philosophe, écrivain, bretteur» gascon.
L'ambassadeur de Turquie, M. Naci Akinci, lui était sur scène, le Duc de Grammont, ancien soupirant de Roxane, aujourd'hui vieilli, assagi et comblé d'honneur mais prêt à «serrer la main» de Cyrano dont la verve et le non conformisme font la cible des envieux, des sots et des spadassins de toutes sortes. L'ambassadeur du Brésil, M. Lauro Moreira était devenu, pour deux soirs, «le Bret», l'ami de Cyrano, son vieux compagnon. M. Peter Kresge de l'ambassade des Etats-Unis, endossait, lui le rôle du cuisinier Ragueneau, un autre ami de Cyrano. Mmes Madeleine Doyle, Raja Ben Romdhane et Carola Schanze, épouses respectivement de l'ambassadeur de la Commission Européenne, du Représentant au Maroc de la F.A.O. et du Chargé d'Affaires d'Allemagne avaient revêtu l'habit des soeurs du couvent où s'était retirée la belle et inconsolable Roxane.
Quant au rôle de Cyrano, il était interpété avec «panache» par M. Michel Carlier, ambassadeur de Belgique, «précédé» pour la circonstance, par le fameux nez du personnage de la pièce d'Edmond Rostand.
Durant les deux soirées, il y eut de l'émotion et du faste. Certains spectateurs et, non des moindres avouaient, qu'ils avaient été au bord des larmes. Comment ne pas y être, en effet, lorsque l'on entendait Cyrano répondre à Roxane qui lui disait «je vous aime, vivez!». Et que dire de cette lettre portée sur son coeur par Roxane depuis quatorze ans et dans laquelle Cyrano écrivait «je suis et je resterai jusque dans l'autre monde, celui qui vous aime sans mesure...».
Inconstestablement, Cyrano de Bergerac fût le «clou» du spectacle «le Jardin secret des diplomates «superbement organisé par le «Cercle Diplomatique» de Rabat. Mais l'éclat de ce grand «morceau de bravoure «ne devrait faire oublier que, de bout en bout, les deux soirées successives comportaient d'autres «temps forts». C'est ainsi que le «Jardin Secret» a offert à nos oreilles et yeux ébahis de la musique, de la danse, des chants et de la poésie, témoignant, à la fois, du talent des diplomates étrangers accueillis par notre pays et de la diversité culturelle et spirituelle de la planète. En vérité, le but premier de l'organisation de ses deux soirées innovatrices est simple et noble à la fois: recueillir des fonds qui devraient permettre au «Cercle Diplomatique» de Rabat de parrainer, durant trois ans, des foyers pour la scolarisation en milieu rural dans notre pays. L'art pour l'art, oui ! Mais, quand il sert une bonne cause, il ne perd rien de son attrait. Bien au contraire.